Redécouverte de la cuisine médiévale roumaine …
La découverte d’un livre de cuisine écrit au 17e siècle à la suggestion de la princesse transylvaine Anna Bornemisza a mené à l’organisation, en septembre dernier, d’un festival inédit : « Les Journées de la cuisine médiévale ». Le festival a été accueilli par une des citadelles les plus belles du monde, celle de Făgăraş. L’expérience médiévale y a été complète : menus médiévaux, costumes d’époque, solistes de musique ancienne et danses médiévales. Le livre de cuisine à l’origine de ce festival est le premier conçu en Transylvanie, dans la citadelle de Făgăraş, justement. Commencé pendant l’hiver de l’année 1680 et achevé au mois de septembre de la même année, il est considéré comme un chef-d’œuvre de la gastronomie. Il s’agit, en fait, d’une traduction d’un livre de cuisine imprimé en 1581 et réédité en 1604 par Rumpolt, cuisinier à la cour de Saxe.
Ana-Maria Cononovici, 22.04.2018, 13:00
Plusieurs livres réunissant des recettes des cuisiniers des cours princières et des grands boyards sont parus, au fil du temps, dans l’espace roumain. Ainsi, au début du 18e siècle, paraissait en Valachie le livre de Constantin Cantacuzène, responsable des cuisines de la cour princière de Bucarest pendant une quarantaine d’années. Des copies du livre de Constantin Cantacuzène, qui contenait près de 300 recettes, dont certaines traduites en français, allemand et italien, ont circulé jusqu’à la fin du 19e siècle. D’autres livres de cuisine ont été publiés entre temps – entre autres « 200 recettes vérifiées de plats, gâteaux et autres produits préparés à la maison », écrit par deux personnalités du 19e siècle : Mihail Kogălniceanu, homme politique libéral, ministre de l’Intérieur et des Affaires étrangères ou premier ministre dans plusieurs gouvernements, et Costache Negruzzi, homme politique, écrivain et traducteur. Ce livre a connu une large diffusion ; plusieurs éditions publiées au fil du temps ont conservé la description originale et les termes archaïques.
En quoi consistait un menu à la cour des princes ou des boyards? Mircea Iovan, chef cuisinier avec une expérience professionnelle internationale, explique : « Aux cours princières et à celles des grands boyards, les repas débutaient par différents bortschs polonais – écrit Costache Negruzzi. Ils continuaient par des plats grecs, bouillis, avec de fines herbes flottant dans du beurre. Ensuite on servait du pilaf à la turque et on achevait par des rôtis cosmopolites. Je mentionnerais aussi les différentes sculptures en beurre, dont chaque convive se servait pour faire des tartines, ajoutant de la sauce préparée avec de l’eau dans laquelle on avait fait cuire des écrevisses, des œufs de poisson et d’autres hors-d’œuvre. La viande de porc était aussi prisée que celle de bœuf. Les repas étaient très riches et tout était mis sur la table à la fois. Sur les tables princières se retrouvaient le bifteck, l’omelette, les fromages, les côtelettes de gibier ou de veau, le bœuf braisé, le tout présenté avec beaucoup de soin. On apportait des morceaux entiers, par exemple un dos de biche, que l’on coupait avec élégance – tout était tranché et servi devant le convive. C’était un véritable art. Pour terminer le repas, on se régalait de nombreux gâteaux, parmi lesquels, sur les tables princières se retrouvait la « coliva », gâteau de blé et de noix que l’on prépare à la mémoire des morts. »
Pour ceux qui souhaitent préparer chez eux un repas princier, Mircea Iovan a quelques suggestions : « Il y a, pour cela, des menus typiquement roumains. Si l’on souhaite préparer un menu inspiré des temps anciens, je commencerais par une soupe d’écrevisses, je continuerai par un dos d’agneau accompagné de légumes et un filet farci. En guise de dessert, je conseillerais les mousses de fruits rouges, de framboise ou de mûres. »
Des recettes d’autrefois, regroupées par saisons, ont été récupérées par un Livre de cuisine destiné aux cours des grands boyards. Il contient – je cite – « des recettes adaptées au Château Sturdza de Miclăuşeni », site touristique du comté de Neamţ. Pour le dessert, nous vous laissons donner libre cours à votre imagination. Au Château de Miclăuşeni on aurait servi de la courge au four, à la sauce balsamique faite de vinaigre et de miel, des tartes aux noix et à la confiture ou des tranches de pomme enrobées dans de la pâte feuilletée. L’historienne Georgeta Filitti précise qu’aux festins, il ne fallait rien laisser dans l’assiette, tout reste étant considéré comme une grave offense – nous citons : « La diversité du menu était une raison de fierté. Il y avait de nombreux plats et le plus important, c’était de vider son assiette. Les serviteurs n’enlevaient pas la vaisselle pendant le festin, les assiettes étaient empilées les unes sur les autres. De véritables montagnes se dressaient ainsi devant les invités qui devaient se chercher pour se parler, car on servait environ 60 plats. »
Si, à l’époque moderne, la cuisine roumaine a connu beaucoup d’influences occidentales – notamment françaises, allemandes, autrichiennes et anglaises – il est tout aussi vrai que certains plats roumains ont franchi les frontières du pays, étant adoptés par d’autres peuples. Il paraît ainsi que les Suédois se sont épris de la cuisine roumaine à tel point qu’en repartant, ils ont emmené aussi le cuisinier. Aussi, dans la cuisine de ce pays retrouve-t-on de nos jours les boulettes de viande hachée, qui sont en fait une spécialité moldave. (Trad. : Dominique)