«Ne pas mourir en rêve»
Conçu au début comme un projet social, «Ne pas mourir en rêve» a gagné en lyrisme, en intimité avec chaque nouvelle personne que les réalisatrices ont rencontrée et intégrée à leur film si vivant, si réel. Nous parlons de ce projet avec Ana Ciutu, chargée de communication à Active Watch : « C’était en 2014, lorsque l’organisation Active Watch achevait un ample programme de bourses académiques accordées aux jeunes roms étudiant la médecine. Les histoires de boursiers qui en avaient bénéficié depuis 2008 étaient plutôt méconnues. Les gens étaient même surpris d’apprendre qu’il y avait des Roms qui faisaient des études de médecine. Alors, je me suis dit que c’était le moment de le faire savoir, de monter qu’il n’y avait là rien d’anormal. Nous devions tous devenir conscients du fait que nous assistions à un phénomène sans précédent la société roumaine : l’apparition de la première génération de médecins roms qui ne considéraient plus nécessaire de cacher leur identité ethnique. »
Ana-Maria Cononovici, 19.11.2017, 13:47
Un film pas comme les autres, en fait. Ana Ciutu explique pourquoi : « Ce film est né d’un sentiment de curiosité. Nous avons démarré ce projet avec une curiosité extraordinaire. Ceux qui ont vu le film l’ont remarqué et ils ont eu de la peine à croire que ses héros n’avaient pas été choisis selon la procédure habituelle, qu’ils n’avaient pas passé un casting. Nous n’avons pas organisé de casting pour ce film, bien que les gens aient été choisis un à un. Nous avons eu une seule manière de les chercher : la carte de la Roumanie devant nous, nous avons choisi des communautés de tous les coins du pays et nous nous sommes mis en route. Tous les héros du film sont des gens que nous avons rencontrés sur notre chemin. »
«Ne pas mourir en rêve » n’est pas un documentaire, mais il aurait pu le devenir, à ses débuts. Anelise Sălan, directrice d’image, explique : « J’ai approfondi le sujet et j’ai en quelque sorte changé de style. En 2016, c’était plutôt un reportage. Cette année nous nous sommes documentées en détail, nous avons passé beaucoup plus de temps avec les gens, plus personne ne nous demandait de faire vite. Nous prenions le train, nous restions dans un endroit autant qu’il fallait et à présent le film est plus posé, plus lyrique. Cette année le thème concernait plutôt la crainte que nous inspire le médecin, l’expérience de la première consultation, dont nous gardons tous le souvenir – bon ou mauvais. Le film parle aussi de ce qu’entreprennent les gens pour rester en bonne santé – un sujet qui nous intéresse tous – et il raconte, bien sûr, les histoires des 4 étudiants en médecine fidèles à leur rêve et qui ont réussi à surmonter leurs difficultés financières, familiales ou liées à leur appartenance ethnique. »
En cours de route, le projet a également changé de nom. Ana Ciutu : « Au début, l’ensemble du projet s’appelait « Mon docteur rom » car tout notre voyage d’information a commencé par les histoires des médecins roms que nous connaissions. Cette année, les choses ont changé, notre documentation n’était plus focalisée sur les médecins roms. Cette fois, il s’agissait d’intégrer leurs histoires à un contexte, ce qui nous a amenées dans des communautés rom où nous avons découvert des histoires de vie et des conclusions existentielles tout à fait surprenantes. C’était des leçons importantes aussi pour nous, au niveau individuel. Alors nous avons compris que nous devions retourner à la sagesse que nous avions découverte dans les communautés rom et y puiser un titre. »
« Ne pas mourir en rêve » est une histoire collective qui met en évidence les ressemblances et les dissemblances entre la vie, telle que la plupart d’entre nous la connaissent et la vie des Roms au sein de leurs communautés. Ana Ciutu: « La santé des Roms pourrait sembler ne pas être un sujet à part, car finalement nous sommes tous confrontés à des problèmes de santé. Pourtant, en regardant ce film, on se rend compte combien on est semblables et en même temps combien il y a de disparités entre nous du point de vue des ressources, de l’accès au médecin, de l’accès à l’éducation, de l’accès à l’infrastructure, qui nous aident d’habitude à résoudre nos problèmes. On se rend compte que ce n’est pas pareil pour nous tous, qu’il y a des gens pour lesquels aller voir un médecin n’est pas du tout facile, car celui-ci se trouve à une ou deux heures de marche à pied. Ces gens sont obligés de trouver moyen de se débrouiller. Et alors on se rend compte qu’en fait, oui, entre nous il y a une différence et cette différence est parfois une question de vie ou de mort. »
Anelise Sălan nous assure qu’en regardant ce film, on découvre la vie d’une communauté, chez elle : «A en juger d’après le retour d’information que nous avons reçu de ceux qui ont vu le film, celui-ci ne semble pas être un documentaire, mais un film tout court. Le style de tournage et le style de montage en sont très personnels, la quintessence des personnages a pu être rendue par le tournage. Le film nous amène dans des communautés rom, dans leurs maisons, auprès de leurs enfants. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir quelque chose de plus personnel. »
Emotions, histoires de vie et un rêve accompli : « Ne pas mourir en rêve ».(Trad. : Dominique)