L’octogone confessionnel
Un témoignage unique de la coexistence millénaire de plusieurs ethnies de confessions religieuses différentes sur cette partie du territoire roumain. Nous avons rencontré Valentin Coman, guide touristique, qui a accepté de nous parler plus en détail de l’histoire de ces différents monuments religieux : «Cet octogone reflète l’histoire de la ville de Constanța à partir du moment où le Sultan a décidé de construire une ligne de chemin de fer (en 1860) faisant d’un petit village de pêcheurs et de bergers une communauté tout à fait exubérante, optimiste et qui s’est développée avec une confiance inébranlable en l’avenir. C’est ainsi que sont apparu à Constanța des communautés de Grecques, d’Arméniens, de Juifs, etc. Ensuite, après la guerre d’indépendance et la mise en place d’une administration roumaine, la communauté roumaine commence naturellement à s’étendre. Chacune des communautés disposaient déjà de ses lieux de culte, la plus ancienne étant l’église grecque Metamorfosis, construite au milieu du 19ème siècle, sous le règne d’un sultan particulièrement tolérant. On raconte que le terrain sur lequel elle a été construite aurait été offert par le Sultan Abdul-Aziz. C’est à la même période qu’aurait été érigée la mosquée de Hunkiar, le plus ancien lieu de culte musulman de Constanţa, qui aurait elle-même été construite à la place d’une mosquée encore plus ancienne. »
Ana-Maria Cononovici, 14.02.2023, 12:56
Valentin Coman complète : « La plupart des lieux de culte que l’on retrouve aujourd’hui dans le vieux centre de Constanţa, ville colorée, multiculturelle et cosmopolite, créée entre 1860 et le début de la 2e guerre mondiale, appartiennent à une communauté qui a pris racine à cette époque. La communauté bulgare à, malheureusement, quant à elle disparu suite à un traité plus ancien entre les états roumain et bulgare, le Traité de Craiova. On retrouve la Grande Synagogue, toujours debout, mais malheureusement très endommagée, probablement à cause de la diminution progressive de la communauté des marchands juifs qui s’est aggravée après la seconde guerre mondiale. Les 40, 50 personnes qui composent aujourd’hui la communauté juive n’avaient sûrement plus le courage d’entretenir le bâtiment. Mais la Grande synagogue est liée à un autre édifice, plus ancien, celui de la Synagogue Ashkénaze, disparue aujourd’hui, mais dont l’emplacement resté inoccupé se trouve à côté. On retrouve aussi l’Eglise arménienne. Le bâtiment que l’on connaît aujourd’hui est en fait celui de l’ancienne école arménienne. On doit à cette communauté de marchands de superbes monuments, dont la « Casa cu Lei »/ « la maison aux lions » qu’il convient de mentionner, et qui est surement le troisième plus bel édifice de la ville. Elle avait aussi une petite église en bois qui a malheureusement été détruite dans un incendie. A la place, on a reconstruit un petit cloché de pierre, accolé à l’édifice, et ce lieu de culte a pu poursuivre sa mission spirituelle. »
La ville recèle encore bien des histoires, car comme nous l’a assuré notre interlocuteur, sous ces nombreux édifices se trouvent les ruines de la vielle basilique de Tomis. Valentin Coman nous raconte : « Nous avons ici, à Constanţa, deux lieux de culte, les plus imposants, à savoir la cathédrale des saints Pierre et Paul, premier lieu de culte orthodoxe de langue roumaine construite aux alentours de la fin du 19e siècle. Elle aussi a une histoire fabuleuse, puisqu’elle est toujours debout, malgré les ravages provoqués par les bombardements pendant la guerre. On retourne ensuite la Mosquée Carol 1e, la seule portant le nom d’un chrétien, le roi Carol 1e de Roumanie. On l’appelle aussi la mosquée du roi, en hommage au monarque qui avait autorisé sa construction, rappelant aux citoyens qu’ils étaient tous frères, égaux et tolérants les uns envers les autres, désireux de construire ensemble plutôt que de se diviser. Il s’agit aussi du premier monument de Roumanie construit en béton armé à la demande du roi qui souhaitait faire un cadeau à la communauté musulmane de Dobrogea. Un lieu qui a toujours été ouvert aux visiteurs. Sans oublier l’église catholique de St Antoine de Padoue, elle aussi construite sur le site d’une église plus ancienne encore. Comme je l’ai mentionné, les Britanniques sont venus, en 1860, construire une voie de chemin de fer reliant les villes de Constanţa et Medgidia dans un premier temps, avant d’être prolongée jusqu’à Cernavodă. La construction de cette église a donc été très très compliquée, elle a demandé de nombreux efforts et nécessité beaucoup de dons. Cela ne fait que rendre son histoire encore plus belle. Pendant la seconde guerre mondiale, l’édifice, considéré comme beau et solide, a été utilisé comme dépôt de munitions par les troupes soviétiques qui avaient conquis la ville. Aujourd’hui il s’agit d’une belle cathédrale qui continue de poursuivre sa mission spirituelle. »
L’histoire complexe d’une ville cosmopolite parfumée par les embruns de la Mer Noire qui mérite d’être visitée.(Trad : Charlotte Fromenteaud)