Litovoi a 68 millions d’années
Site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Géoparc des dinosaures du Pays de Hațeg prouve, une fois de plus, son importance paléontologique. Une équipe internationale de chercheurs avec, à leur tête, Zoltán Csiki-Sava, de la Faculté de géologie et géophysique de l’Université bucarestoise, a découvert et décrit une nouvelle espèce de mammifère préhistorique, contemporain des dinosaures nains de Transylvanie. Ce mammifère a été baptisé Litovoi.
Ana-Maria Cononovici, 19.08.2018, 13:23
Des détails sur cette découverte avec Csiki – Sava Zoltán : « Litovoi est un animal préhistorique, un mammifère, un de nos ancêtres, de nos parents très éloignés, dont les restes squelettiques ont été découverts, il y a 4 ans, dans la zone de Haţeg, dans ce que nous, les géologues, appelons « le bassin de Haţeg ». Ces restes squelettiques ont été étudiés depuis, et nous avons découvert qu’il s’agissait d’une nouvelle espèce, d’un nouveau genre et, pour honorer la mémoire d’un des premiers voïvodes connus dans l’histoire de la Roumanie, nous avons baptisé cet animal « Litovoi ».
La nouvelle découverte a apporté des informations inédites sur la vie qui a existé sur l’ancienne île de Haţeg il y a environ 70 millions d’années.
Csiki – Sava Zoltán : « Cet animal découvert dans le bassin de Haţeg appartient à la catégorie de mammifères, c’est un de nos parents, mais il fait partie d’un groupe de mammifères qui n’existe plus, qui s’est éteint. Pourtant, au cours du Mésozoïque, qui a été l’ère des dinosaures, ces multituberculés étaient les mammifères les plus présents dans la faune et ils étaient répandus sur tous les continents, depuis l’Amérique du Nord jusqu’en Asie. Litovoi fait donc partie de ce groupe des multituberculés, qui, par sa forme et son mode de vie, ressemblaient aux rongeurs actuels. Ce que nous avons découvert était en fait une sorte d’écureuil ou de souris, mais de très grandes dimensions, remontant au Crétacé. »
Les animaux apparentés à Litovoi ne se retrouvent nulle part en Europe. Csiki-Sava Zoltán précise : « Il faut dire, tout d’abord, qu’au Crétacé, ce genre de mammifères connus sous le nom de tuberculés, était largement distribué sur les continents nordiques. Pourtant, chose étrange, à l’époque où les dinosaures nains vivaient dans le pays de Haţeg, c’est-à-dire à la fin du Crétacé, ces mammifères ne vivaient apparemment que dans cette zone de Haţeg et dans les zones avoisinantes, dans ce que nous appelons l’île transylvaine. Ils ne sont pas connus en Hongrie, en France, en Espagne. En outre, les multituberculés ayant vécu sur d’autres continents – en Amérique du Nord ou en Asie – ne sont, eux, que des parents éloignés de Litovoi. Celui-ci faisait donc partie d’un groupe de mammifères qui ne se trouvaient que dans cette zone de la région transylvaine. Pourtant, ce n’est pas là l’élément le plus spectaculaire concernant Litovoi, car d’autres multituberculés sont connus dans la zone de Haţeg. Ce qui est particulier, ce qui est spectaculaire, c’est ce que nous avons découvert en réussissant à reconstruire entièrement son crâne. »
Ce faisant, les chercheurs se sont rendus compte que Litovoi avait un cerveau beaucoup plus petit qu’ils ne s’y étaient attendu, vu ses dimensions, ce qui a ouvert une nouvelle voie de recherche.
Csiki-Sava Zoltán: « Litovoi ressemble beaucoup à des mammifères comme l’hippopotame ou le chamois ou même les hommes fossiles, qui vivaient, eux aussi, sur des îles, mais à des époques beaucoup plus récentes, soit il y a 5 à 10 millions d’années, alors que Litovoi a vécu il y a quelque 68 millions d’années. Ces mammifères vivant sur l’île étaient forcés à redistribuer leur consommation énergétique, c’est-à-dire à redistribuer les efforts qu’ils faisaient pour leur développement individuel et, au lieu de développer un grand cerveau, ils orientaient leurs ressources énergétiques vers d’autres domaines de la vie, comme, par exemple, la reproduction, beaucoup plus importante pour assurer l’existence de l’espèce sur l’île. Litovoi a fait à peu près la même chose que ces mammifères plus récents, mais il l’a fait d’une manière entièrement différente de ce que l’on connaissait jusqu’alors : tout en diminuant un peu la dimension de son cerveau, il a développé tout particulièrement les centres du cerveau qui contrôlent l’ouïe, l’olfaction, les mouvements oculaires. Cet animal avait pratiquement des sens très aigus dans des domaines importants pour la survie : trouver de la nourriture, éviter les prédateurs. »
Suite à cette reconstitution, les chercheurs ont abouti à la conclusion qu’ils se trouvaient devant une voie évolutive entièrement nouvelle, par laquelle les multituberculés aboutissaient aux résultats que nous pouvons constater chez les hippopotames ou d’autres animaux actuels. Précisons que l’équipe de chercheurs a compté parmi ses membres des paléontologues de renommée mondiale, dont Mátyás Vremir, de la Société du Musée Transylvain de Cluj-Napoca, Stephen Brusatte de l’Université d’Edinbourg, au Royaume-Uni, Meng Jin et Mark Norell, du Musée américain d’histoire naturelle de New York. (Trad. : Dominique)