L’histoire en tant que spectacle
« Nous souhaitons que les enfants d’aujourd’hui jouent aussi à Michel le Brave et à Vlad l’Empaleur, et pas seulement à Superman et Batman. » C’est là le crédo des organisateurs du Festival d’histoire aux portes de Bucarest, qui a eu lieu durant le premier week-end du mois de novembre. Le Festival proposait aux visiteurs des ateliers médiévaux d’équitation, de tir à l’arc, de sabre, ainsi que de cuisine traditionnelle et de métiers artisanaux : poterie, ferronnerie, fabrication de chaussures traditionnelles, le tout dans l’ambiance offerte par le Palais de Mogoşoaia, situé à une quinzaine de km de Bucarest.
Ana-Maria Cononovici, 20.11.2018, 12:58
Cet endroit n’a pas été choisi au hasard : le palais de Mogoşoaia a été fondé par Constantin Brancovan, prince régnant de Valachie, qui a posé lui-même la pierre angulaire de ce bel édifice en 1698. Le palais allait être achevé le 20 septembre 1702. Nous avons plongé, nous aussi, dans les siècles passés, pour découvrir la vie médiévale recréée au Palais.
Habillé d’un manteau médiéval en fourrure et portant un bonnet toujours en fourrure, comme un vrai boyard des temps jadis, un des animateurs de l’événement, Răzvan Popescu, nous aide à nous repérer dans l’espace et le temps : « Nous nous trouvons au Palais de Mogoşoaia, du Moyen-Âge, à une époque aussi reculée que nous le souhaitons ou que nous pouvons l’imaginer. Dans peu de temps nous assisterons à une fausse exécution – un empalement comme ceux qui ont valu à Vlad l’Empaleur son surnom. Pour la première fois dans l’histoire, un homme empalé survivra à ce supplice. Et ce miracle se passera ici, sous nos yeux, à Mogoşoaia.»
Les visiteurs ont pu assister plusieurs fois à la relève de la garde au château. Les gardiens de la forteresse de Neamț ont quitté le Pays des bisons du nord de la Moldavie pour participer à ce Festival historique déroulé aux portes de Bucarest. Les jeunes gardiens ont été invités afin de recréer par leur tenue, leurs armes, certaines techniques de combat ou traditions, l’ambiance de la vie au Moyen-Âge. Les enfants ont pu s’initier au tir à l’arc ou à l’art de l’héraldique de cette époque. Le tout assaisonné de musique et de bonne humeur.
Quel a été le programme de la dernière soirée ? Răzvan Popescu : « Nous avons eu pour invités des artistes du Bélarus, qui ont joué de la musique médiévale. Ce sont des artistes renommés. Il y a pas mal de choses intéressantes à voir, depuis le numéro de cirque présenté par la Troupe Marinof du Cirque Métropolitain de Bucarest, jusqu’à à la reconstitution historique présentée par les Loups blancs. (« Dracula » est aussi présent, bien sûr.) A l’affiche figurent enfin les joueurs de cornemuse de Transylvanie. »
« Dracula – le Retour » a été le titre de la reconstitution historique présentée par l’Association culturelle « Les Loups blancs », dont le but est de sauvegarder et promouvoir nos valeurs et notre histoire, en évoquant ses moments les plus importants pour notre identité nationale. Acteurs et cascadeurs professionnels se sont donné pour tâche de faire revivre l’histoire en tant que spectacle.
Bogdan Jianu, acteur et cascadeur, un des initiateurs du projet : « Les Loups blancs, c’est l’histoire devenue spectacle. C’est venu de soi. Dieu nous a pris par la main et nous a placés sur ce chemin ; notre mission est d’évoquer des moments de l’histoire. Cela nous oblige, bien sûr, à bien nous documenter pour chaque nouveau scénario. Des professeurs d’histoire et des experts du Musée militaire nous ont rejoints. Ils nous aident et veillent à ce que les scénarios soient corrects du point de vue historique. Après, nous renforçons, bien sûr, leur caractère dramatique, nous leur donnons plus d’ampleur, nous les enrichissons d’autres éléments, les agrémentant de toute sorte d’histoires pour en faire un spectacle. Et les spectateurs reçoivent très facilement leur leçon d’histoire, parce qu’il y a là du divertissement, il y a de l’adrénaline, toutes les cascades se passent à quelques mètres devant eux, ils voient des explosions, ils voient des gens en flammes, des chevaux qui tombent… C’est vraiment spectaculaire. »
« Les Loups blancs » réalisent de tels spectacles depuis 2013, évoquant des personnalités de notre histoire que l’on ne doit pas oublier et proposant ainsi aux enfants un apprentissage interactif. Car partout où l’association prévoit de telles reconstitutions, les Loups blancs trouvent des enfants et des bénévoles pour participer activement à leurs spectacles. Les artisans ne se sont pas absentés de ce Festival. Y ont été présents des forgerons, des Roms chaudronniers-étameurs et des femmes rom habillées de leurs costumes authentiques, des sculpteurs en bois, des femmes qui travaillent des blouses roumaines en lin ou des tuniques en feutre.
Ion Rodoş, du comté d’Argeş, sculpte le bois. Qu’a-t-il apporté à Mogoşoaia ? « Des cuillères en bois sculpté, ornées de motifs traditionnels anciens ou inspirés de l’histoire, des contes de fée, de la faune et de la flore. J’ai également apporté des sculptures décoratives : la Colonne sans fin, la Bénédiction de la maison, que l’on plaçait jadis en haut du toit, et le Coq de bruyère de Nucşoara, qui est une de mes créations et l’emblème de notre village. Puis, il y a aussi des pendentifs sculptés en bois de prunier ou de noyer, le loup dacique que l’on peut porter sur la poitrine, des edelweiss sculptés au couteau dans un rameau de sapin. J’ai aussi apporté de toupies, semblables à celles avec lesquelles je jouais quand j’étais petit. Et j’ai même bricolé quelques flûtes champêtres. »
Le Palais a également accueilli ses visiteurs avec des plats traditionnels et des boissons préparés maison par les habitants des parages venus de bon cœur à une telle fête. (Trad. : Dominique)