Les colonies anti-bullying
C’est pour parler de ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur et pour mieux essayer de le combattre que des colonies anti-harcèlement ont vu le jour. Découverte.
Ana-Maria Cononovici, 10.09.2024, 09:23
Une bonne idée
Les vacances d’été sont bien finies, c’est donc un moment propice de jeter un coup d’œil sur les activités extrascolaires proposées aux enfants roumains. Et puisque l’été reste par excellence la période des colonies de vacances, alors pourquoi ne pas en profiter pour remettre sur le tapis un sujet qui nous préoccupe tous, grands et petits: le harcèlement. C’est pour parler de ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur et pour mieux essayer de le combattre que des colonies anti-bullying » (anti-harcèlement) ont vu le jour. A l’origine du projet l’on retrouve l’Association « Zi de bine » (Dis-moi de bonnes choses).
Sa responsable de communication, Eliza Vladescu nous en parle :
« L’idée n’est pas tout à fait nouvelle. En fait, nous avons organisé notre première colonie anti-harcèlement en 2022. Cette année, il y en a eu la 4e. Après une petite pause l’année précédente, lorsque nous avons opté pour une approche ciblée sur l’alimentation, nous avons décidé de reprendre le débat sur le harcèlement doublé de celui sur la nutrition. Tout cela après avoir constaté à quel point de tels sujets sont nécessaires, vu le grand nombre de demandes de la part des parents. »
Quel est le concept de cette colonie anti-harcèlement?
Eliza Vladescu explique :
« Nous l’avons imaginée de la manière suivante : le harcèlement est vraiment très présent dans le milieu scolaire, mais ce n’est pas un phénomène lié exclusivement à l’école. Le harcèlement a trait au comportement d’une personne, pas à son caractère. C’est une manière d’agir lorsque nous avons été nous-mêmes victime d’un tel comportement et que nous n’avons pas trouvé une autre manière de nous protéger que d’agresser à notre tour. Les enfants et les adolescents en sont les principales catégories concernées, tant à l’école qu’à la maison. L’école et le milieu familial sont en étroite relation et le phénomène peut migrer à tout moment d’un milieu à l’autre, en fonction de l’endroit où surgit la relation dysfonctionnelle ou le blocage de communication. Nous avons donc imaginé ces colonies anti-harcèlement pour les enfants, mais nous avons jugé tout aussi important de mettre ensemble parents et enseignants. Car ce qu’un enfant fait à la maison ou à l’école n’est que le symptôme d’un système relationnel dysfonctionnel. Plus encore, le harcèlement n’est pas un phénomène contre lequel l’enfant doit batailler tout seul. Les parents et les professeurs sont responsables des enfants. Parfois ils constituent une partie du problème et souvent ils représentent une partie de la solution. C’est pourquoi, dans nos colonies, nous invitons une trentaine de couples parent-enfant et une vingtaine d’enseignants du cycle primaire et du collège. On travaille avec toutes ces trois catégories qui ne se croisent pourtant pas, il y a un contact minimal entre leurs membres. Chaque groupe est pris en charge par une équipe de psychothérapeutes et l’on travaille par tranches d’âge, par thématique et en fonction des besoins précis de chaque groupe ».
Creuser à l’intérieur de soi-même
C’est en creusant que les participants constatent parfois que des comportements qu’ils avaient considérés comme normaux étaient en fait des comportements associés au harcèlement. Souvent l’adulte qui les pratiquait n’en était même pas conscient, constate notre invitée, Eliza Vladescu, qui poursuit :
« A plusieurs moments, les participants sont devenus conscients de l’existence de certains modèles de communication parent-enfant, professeur-enfant et même parent – enseignant. Par exemple, cette pratique de se blâmer les uns les autres. Voilà pourquoi, cette colonie anti-harcèlement n’est pas des plus faciles, car elle demande une grande dose de vulnérabilité. Et j’ai pu constater qu’au moment où nous, les adultes, nous sortons de notre rôle de parent ou de professeur, on devient à notre tour des enfants nécessitant un guidage. Nous avons besoin de parler avec d’autres personnes se trouvant dans une situation similaire, nous cherchons des retours et nous voulons recevoir de l’aide à travers des techniques censées nous permettre de remédier à cette situation, aussi bien à la maison qu’à l’école. Enfants et adultes – tous viennent dans cette colonie avec leurs propres peurs, dont notamment celle de se livrer aux autres, d’être vulnérables devant des inconnus. Mais à la fin du séjour, je vous assure, tout le monde veut y rester davantage »
Il est possible de changer
Un agresseur peut arriver à comprendre les origines de son comportement et à changer d’attitude, insiste Eliza Vladescu, qui conclut :
« Je voudrais préciser qu’il est possible de sortir du rôle de victime. Nous avons accueilli des enfants qui ont incarné tous les trois rôles : témoin, victime et agresseur. Et de nombreux enfants agresseurs ont compris pourquoi ils avaient eu un tel comportement. De nombreux parents ont compris que leurs enfants étaient devenus agressifs et ont fini par leur trouver d’autres moyens pour faire face aux commentaires méchants ou aux situations difficiles. Ils ont été nombreux à trouver en eux la résilience et la volonté de faire du bien. Et nombre d’enfants venus en tant qu’agresseurs ont exprimé leur souhait de devenir des bénévoles pour aider d’autres enfants à remédier à ce problème. »
On peut lutter contre le harcèlement à condition d’en comprendre la source, c’est le message que l’Association « Zi de bine » veut nous transmettre à l’aide de ces colonies qu’elle organise depuis plusieurs années déjà. (trad. Valentina Beleavski)