Le trésor de la Banque nationale de Roumanie
Début mars 2024, le siège du PE de Bruxelles a accueilli l’exposition intitulée « Le trésor d’or de la Banque nationale de Roumanie », mise en place à l’aide de plusieurs députés européens roumains.
Ana-Maria Cononovici, 26.03.2024, 12:45
On dit que si l’on ne connaît pas son histoire, on est condamné à la revivre. C’est peut-être dans cet esprit-là, que la Roumanie a souhaité ramener à l’attention publique l’histoire du trésor de la Banque nationale. En fait, il s’agit de populariser cette histoire non seulement dans les rangs des jeunes générations roumaines, mais aussi parmi les Etats-membres de l’UE, aussi dans un esprit de solidarité. C’est dans ce contexte que, début mars 2024, le siège du PE de Bruxelles a accueilli l’exposition intitulée « Le trésor d’or de la Banque nationale de Roumanie », mise en place à l’aide de plusieurs députés européens roumains.
En fait, la Banque centrale de Bucarest (BNR) se donne pour mission de faire connaître l’histoire du trésor national, qui reste à ce jour à Moscou, et cela depuis plus d’un siècle. Des détails, avec Brândușa Costache, cheffe du service des Archives, bibliothèque et disséminations d’informations au sein de la Direction de Secrétariat de la BNR :
« Mettre sur pied cette exposition, c’est en fait continuer les démarches entamées en ce sens depuis la période de l’entre-deux-guerres. L’histoire du Trésor national commence en 1916, lorsque, dans le contexte engendré par la participation de la Roumanie à la Première guerre mondiale, face à l’avancée des troupes des Puissances Centrales, les institutions de l’Etat roumain, y compris la Banque nationale, ont été obligées à se retirer à Iaşi (nord-est). Le Trésor de la BNR réunit 91,5 tonnes d’or, les bijoux de la Reine Marie, des valeurs appartenant aux banques commerciales et d’innombrables objets du patrimoine culturel national. Le tout a été envoyé en Russie, pour être mis à l’abri sur le territoire d’un pays allié à l’époque. Pourtant, l’Empire des tsars s’est avéré être vraiment un « colosse aux pieds d’argile ». A l’automne 1917, les bolcheviques se sont emparés du pouvoir et peu de temps après, en janvier 1918, les relations diplomatiques avec la Roumanie ont été rompues. A ce moment-là, le trésor roumain déposé au Kremlin a été séquestré. Démarrées tout de suite après la guerre, toutes les démarches diplomatiques en vue de la récupération de ces valeurs ont été vouées à l’échec. Au fil du temps, il y a eu deux restitutions partielles des biens culturels de la Roumanie, mais elles n’ont pas visé l’or de la Banque nationale ».
D’ailleurs, la BNR n’a jamais cessé d’organiser des actions pour garder dans l’attention générale le sort du trésor national de la Roumanie. Brândușa Costache nous donne des exemples :
« Souhaitant garder vive l’attention de l’opinion publique sur ce sujet, la BNR a appuyé la publication, en 1934, du volume intitulé « Le trésor de la Roumanie de Moscou », écrit par Mihail Grigore Romaşcanu. Après 1990, la Banque centrale a repris les actions au sujet du trésor. Parmi elles : les débats menés dans le cadre du « Symposium annuel d’histoire et civilisation bancaire Cristian Popişteanu » organisé par la revue Magazin Istoric (Magazine Historique) ou encore les volumes publiés par Cristian Păunescu, conseiller du gouverneur de la Banque Centrale. On se saurait oublier non plus la participation du représentant de la BNR aux Travaux de la Commission mixte roumano-russe, créée en 2003, pour examiner les problèmes issus de l’histoire des relations bilatérales, y compris la question du trésor de la Roumanie envoyé à Moscou durant la Première Guerre Mondiale. On peut dire, donc, que nous avons déjà une longue tradition en matière de telles démarches et que cette exposition au siège du Parlement européen de Bruxelles vient la continuer. »
Mais pourquoi organiser maintenant, cette année, une telle exposition ? Et Pourquoi justement à Bruxelles ? Notre invitée explique :
« La direction de la Banque centrale a considéré comme favorable le contexte international actuel afin de donner une dimension internationale à cette question. Puisqu’il est nécessaire de faire en sorte que l’obligation de la Russie de restituer les 91,5 tonnes d’or du Trésor de la Roumanie soit reconnue au niveau international. Cet or fait partie des stocks de la BNR. Les documents des Archives de la Banque Centrale attestent l’existence de cette créance sans le moindre doute. Dans ce contexte, la BNR s’est associée à l’initiative du député européen roumain Eugen Tomac, qui a ramené ce sujet à l’attention du Parlement Européen, par la Résolution sur la restitution du Trésor d’or national de la Roumanie que la Russie s’est appropriée illégalement. La Résolution a été débattue et adoptée par le Parlement Européen, ce qui témoigne de l’appui dont bénéficie la cause de la Roumanie. »
En quoi consiste exactement l’exposition présentée à Bruxelles ? Il s’agit entre autres de photos d’époque, de cartes, de photos de différents documents historiques. Brândușa Costache, cheffe du service des Archives de la BNR nous les présente en détail :
« L’exposition a été une bonne occasion de présenter à un large public des images des protocoles d’origine, signés à Iaşi et à Moscou par les représentants des autorités roumaines et russes, à l’occasion du transport en Russie du Trésor de la BNR et des autres valeurs du patrimoine roumain. On a également présenté des documents rédigés à Moscou, au début de l’année 1917, à l’occasion de l’inventaire des stocks d’or de la Banque. Je tiens à préciser que ces documents avaient aussi été publiés par Cristian Păunescu dans ses volumes consacrés au trésor national de la Roumanie. Enfin, le sort du trésor roumain d’après 1918 a été reconstitué par la présentation des documents découverts dans les archives russes par l’historien Ilie Schipor qui les avait déjà publiées dans son livre « Le destin du trésor de la Roumanie ». »
Suite à cette exposition, le Parlement Européen a adopté une résolution demandant à la Russie de restituer intégralement le trésor national de la Roumanie qu’elle s’est appropriée illégalement. C’est un cas international sans précédent, que les réserves d’or et les objets de patrimoine d’un pays aient été appropriés illégalement par un autre Etat, et cela représente aussi une source permanente de préoccupation pour la société roumaine, ont souligné les députés européens. Ils ont également demandé à la Commission européenne et au Service Européen pour l’Action Extérieure d’inclure la restitution du patrimoine national de la Roumanie à l’agenda diplomatique bilatéral des relations entre l’Union européenne et la Russie, dès que le contexte régional permettra de reprendre le dialogue politique entre les deux parties. (trad. Valentina Beleavski)