Le musée vivant du monastère d’Agapia
Agapia est un des plus beaux monastères du nord de la Moldavie. Célèbre pour ses fresques murales que nous devons au grand peintre Nicolae Grigorescu, mais aussi pour son école de peinture, dont il a été le fondateur et pour les ateliers de broderies qu’elle a abrités, Agapia mérite donc un détour.
România Internațional, 10.10.2013, 16:49
Agapia est un des plus beaux monastères du nord de la Moldavie. Célèbre pour ses fresques murales que nous devons au grand peintre Nicolae Grigorescu, mais aussi pour son école de peinture, dont il a été le fondateur et pour les ateliers de broderies qu’elle a abrités, Agapia mérite donc un détour.
Situé dans la vallée du ruisseau éponyme, au pied de la colline Măgura et à proximité de Târgu-Neamţ, entourée par des montagnes et des futaies séculaires, le monastère d’Agapia tire son nom du grec «agapis», qui signifie «amour chrétien», mais aussi de l’ermite Agapie. A en croire la légende, au 14 e siècle, cet ermite aurait fait bâtir une petite église en bois, à seulement 2 km de l’actuelle localité Agapia. Plus tard, les monts tout autour, la rivière et le hameau blotti dans la vallée allaient en emprunter le nom. Aujourd’hui une centaine de nonnes vivent entre les murs du couvent, tandis que 240 autres mènent leur vie dans le village monacal. C’est dans une des vieilles maisons monacales, datée du XVIIe, que l’on a inauguré cet été le premier musée vivant de Roumanie.
Cela permet désormais aux curieux d’observer les religieuses en leur milieu. Une maison monacale fonctionnelle et habitée est ouverte aux pèlerins à longueur de journée. Sœur Maria Giosanu raconte comment a été ouvert ce musée unique en Roumanie : « Nous voulons offrir aux gens la possibilité d’apprendre des choses sur la vie monastique. En ouvrant les portes d’une de nos maisons monacales, ils peuvent voir sur le vif comment ça se passe, prendre le pouls de cette existence à part. Les gens étant très curieux de franchir le seuil d’une telle demeure, nous avons donné suite à leur suggestion ».
Le musée vivant comporte quatre pièces disposées au rez-de-chaussée et deux cellules de nonnes au demi sous-sol. Si, au fil du temps, la partie supérieure de la maison a subi des modifications, le demi sous-sol, lui, est resté inchangé. Quatre religieuses habitent la maisonnette-musée. Sœur Maria nous en fournit des détails supplémentaires. « Il s’agit, en fait, d’un ensemble de musées, composé d’une maison monacale à deux niveaux et de plusieurs ateliers vivants, à savoir l’atelier de tissage et de broderie, l’atelier de boulangerie- pâtisserie et celui de poterie. Quatre nonnes prennent soin de cette maison. Elles produisent aussi différentes choses faites à la main, s’adonnent à leurs prières selon le rituel monastique et se tiennent à la disposition des visiteurs. Elles répondent par exemple à leurs questions relatives aux prières, à la sainte communion, à la vie dans un lieu de culte ».
Guidés par les nonnes, les touristes peuvent apprendre à modeler la glaise ou à préparer des gâteaux. En fait, l’atelier de poterie est tout à fait à part. L’ancien atelier, qui a fonctionné jusqu’en 1960, a bénéficié de la présence de maîtres potiers renommés de la zone de Iaşi et Botoşani, dans l’Est du pays. Le dernier four a pourtant été démoli il y a 53 ans. Pour relancer cet atelier, les nonnes ont appris cet art de potiers plus jeunes. A la cérémonie d’inauguration du nouvel atelier ont été invités les actuels artisans-professeurs, mais aussi nombre de ceux qui avaient appris l’art de la porterie des nonnes de ce couvent.
Le maître artisan Gheorghe Smerică — âgé à présent de 90 – et Vasile Andrei, qui ont travaillé, tous les deux, au fameux atelier d’Agapia il y a plus d’un demi-siècle, ont été les invités d’honneur de cet événement. Que pensent les touristes du musée vivant d’Agapia? Nous écoutons de nouveau la nonne Maria: «Au premier abord, la plupart sont un peu perplexes surtout de se voir proposer un «musée vivant». Ce terme est plutôt nouveau. Au début, ils ne comprennent pas, mais ceux qui franchissent son seuil — notamment les étrangers — sont enchantés, car ce musée est unique en son genre, puisqu’il est ouvert dans l’enceinte d’un monastère. Ce musée a une importante composante ethnographique, recelant de nombreux objets anciens qui se retrouvaient dans les maisons et les fermes paysannes roumaines d’autrefois. En les regardant, on découvre tout un monde; ils nous font retourner dans le passé et mieux apprécier l’héritage matériel et spirituel que nous ont légué nos ancêtres. Nous sommes heureuses que les gens puissent découvrir la beauté de la vie monastique, même dans sa dimension matérielle: l’endroit, lui-même, la cellule où habite la nonne ou le moine, etc. Et les fruits de nos efforts se laissent déjà entrevoir.»
Tous les objets exposés dans les pièces du musée vivant sont hérités des nonnes qui ont habité ce couvent ou proviennent des maisons et des fermes des villages situés aux alentours. Les villageois ont offert généreusement au couvent des tapis, des tapisseries et toute sorte de tissus, de précieux objets anciens. Le métier à tisser d’Agapia a été amené du département de Suceava. Le tissage est un art dans lequel les religieuses de ce monastère excellent. Elles travaillent aussi de fines broderies, dont les plus réussies sont exposées au Musée d’art sacré de Suceava.
Pour en revenir à notre musée vivant, le billet d’entrée coûte un euro environ. Les élèves, les étudiants et les retraités paient la moitié de ce prix. (trad. : Mariana Tudose, Dominique)