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Le Musée de la collectivisation

En 1951, dans les prisons du pays et les camps de travaux forcés du canal Danube – Mer Noire se trouvaient 80.000 paysans qui s’étaient opposés à la collectivisation. 800.000 agriculteurs au total ont été emprisonnés pour ne pas avoir voulu renoncer au statut de propriétaires de leurs terres. Au bout de 13 ans de collectivisation forcée, durant lesquels la propagande communiste s’est accompagnée d’actes de chantage et de terreur, le parti communiste annonçait la réalisation « avec succès » de la collectivisation de l’agriculture roumaine. Une session extraordinaire de la Grande Assemblée Nationale fut consacrée à cet événement. Elle s’est tenue du 27 au 30 avril 1962, en présence de 11.000 paysans invités. Les leaders communistes de l’époque ont affirmé à cette occasion que « le socialisme avait triomphé définitivement dans les villes et les villages de la République Populaire Roumaine ».

Le Musée de la collectivisation
Le Musée de la collectivisation

, 29.12.2020, 14:38

En 1951, dans les prisons du pays et les camps de travaux forcés du canal Danube – Mer Noire se trouvaient 80.000 paysans qui s’étaient opposés à la collectivisation. 800.000 agriculteurs au total ont été emprisonnés pour ne pas avoir voulu renoncer au statut de propriétaires de leurs terres. Au bout de 13 ans de collectivisation forcée, durant lesquels la propagande communiste s’est accompagnée d’actes de chantage et de terreur, le parti communiste annonçait la réalisation « avec succès » de la collectivisation de l’agriculture roumaine. Une session extraordinaire de la Grande Assemblée Nationale fut consacrée à cet événement. Elle s’est tenue du 27 au 30 avril 1962, en présence de 11.000 paysans invités. Les leaders communistes de l’époque ont affirmé à cette occasion que « le socialisme avait triomphé définitivement dans les villes et les villages de la République Populaire Roumaine ».

En souvenir de cette époque, à Tămășeni, dans le comté de Neamț, viennent d’être ouvertes les premières salles d’un Musée de la collectivisation. Il accueille des objets utilisés d’habitude dans les maisons et les fermes paysannes des années 1950, que les visiteurs peuvent toucher, pour expérimenter les réalités de cette époque. L’initiateur du projet, Iulian Bulai, explique: Nous inaugurons les 3 premières salles du Musée de la collectivisation, le premier de ce genre du pays. Nous nous sommes toujours posé des questions, essayant de comprendre le pourquoi de ce chaos qui règne dans l’agriculture roumaine, le pourquoi de ce manque d’attention pour l’espace public, beaucoup plus grand en Roumanie que dans d’autres pays, le pourquoi de ce décalage entre les milieux rural et urbain en Roumanie, beaucoup plus grand qu’en Occident. Je me suis moi aussi interrogé à ce sujet et l’une des réponses est la collectivisation. La collectivisation, en tant que phénomène socio-politique, a eu un impact irréversible sur l’espace rural roumain : l’absence de la propriété privée, sa confiscation, ont mené à ce que nous voyons de nos jours dans les campagnes: un sous-développement extrême par rapport au milieu urbain et un espace qui ne trouve pas son équivalent dans le milieu rural occidental. Eh bien, j’ai tâché de réponde à ces questions, en cherchant des repères dans l’histoire de ma famille, touchée, elle aussi, de plein fouet, par la collectivisation. Et je me suis rendu compte que pour mieux comprendre le milieu rural de Roumanie et la collectivisation en tant que phénomène, nous devons mieux connaître ce peuple, nous poser des questions, trouver des réponses, imaginer les drames que des millions de Roumains ont vécus dans les années ’50, pendant la collectivisation et, ensuite, mettre sur pied un musée qui reflète les réalités socio-anthropologiques du milieu rural actuel.

Iulian Bulai a destiné à cette fin la maison de ses grands-parents, qu’il a transformée en musée. Qu’est-ce qu’on peut y voir, en ce moment ? Il s’agit de deux maisons et d’une annexe. C’est une petite ferme typiquement moldave ayant appartenu, un siècle durant, à notre famille. Cette petite ferme est tombée elle aussi victime de la collectivisation. Il s’agit donc de la famille de mes arrière-grands-parents et de mes grands-parents qui ont vécu la collectivisation et qui se sont vu confisquer, dans les années ’50, leurs terres, leurs outillages, leurs moulins, le pont au-dessus de la rivière Siret. Et cette maison a été le témoin d’une histoire qui est celle de millions de Roumains, celle de la collectivisation, de cette entrée abusive du régime communiste dans l’espace privé : une partie de cette maison a été confisquée et un magasin de la collectivisation y a été ouvert dans les années ’50. C’est à peine en 1992, après la chute du communisme, que la famille a pu la récupérer. Elle est un symbole de l’histoire de nombreux Roumains.

Le musée de la collectivisation est-il un musée des objets ? Iulian Bulai: Ce musée est consacré dans une moindre mesure aux objets. Des objets, il y en aura, bien sûr : ceux que mon grand-père a amassé et qui nous montrent où nous sommes restés, nous, en tant que société agraire, à savoir presque au même point que dans les années ’50, soit il y a 70 ans. Le musée est censé raconter une histoire et exposer une vision scientifique du phénomène. Bien sûr, chaque objet a aussi sa propre histoire. Les outillages agricoles qui étaient là au moment où la maison est entrée en ma possession trouveront leur place dans les 17 ou 18 espaces d’exposition du musée.

Iulian Bulai s’est lancé dans cette démarche avec l’espoir d’un changement auquel il croit : C’est uniquement en réussissant à affronter notre passé avec sincérité, à en avoir une image claire que nous pourrons mieux nous comprendre en tant que peuple, en tant que nation, en tant que pays contemporain et que nous pourrons dépasser certains événements tristes de notre histoire. Des événements qui, n’ayant pas été explorés jusqu’ici de manière positive, n’ont pas pu nous aider à nous guérir des blessures de la période communiste. Et, alors qu’actuellement nombre d’espaces culturels ferment leurs portes, nous ouvrons, nous, un musée. Je pense que c’est là un bon point de départ pour une attitude générale que nous pouvons partager durant ces temps difficiles.

Un musée qui va grandir non seulement par l’augmentation des espaces à visiter, mais aussi par les événements qu’il va accueillir au moment où les gens pourront se rencontrer de nouveau.

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