Le Festival des saucisses du Banat
Chaque année, fin janvier, le journal de langue allemande Banater Zeitung basé à Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, organise le Festival des saucisses du Banat. Arrivée à sa 24ème édition, la compétition attire aussi bien des artisans privés que des producteurs de charcuteries qui se disputent le trophée de la meilleure saucisse pour les plus grands délices du public dégustateur.
Ana-Maria Cononovici, 08.02.2015, 13:35
Chaque année, fin janvier, le journal de langue allemande Banater Zeitung basé à Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, organise le Festival des saucisses du Banat. Arrivée à sa 24ème édition, la compétition attire aussi bien des artisans privés que des producteurs de charcuteries qui se disputent le trophée de la meilleure saucisse pour les plus grands délices du public dégustateur.
Pour plus de détails sur ce festival pas comme les autres, on a invité au micro Siegfried Thiel, rédacteur au bureau de Timisoara d’Allgemeine Deutsche Zeitung : « Cet événement vient d’être réédité. Créé dans les années ’70 par le rédacteur en chef du journal de langue allemande Neuer Banater Zeitung, le festival avait été supprimé en 1980. La cause ? D’abord, les autorités de l’époque n’agréaient pas l’idée d’une fête qui réunisse la minorité allemande dans la rédaction d’un journal. Et puis, n’oublions pas la situation économique de l’époque. Le festival invitait les gens à goûter aux saucisses traditionnelles, faites maison. Chaque participant se présentait avec sa charcuterie maison, son vin et son eau-de-vie et cela dans les conditions où les magasins étaient complètement vides. C’était un véritable affront à la situation économique de l’époque. Mais, voilà qu’en 1994, la direction du journal a l’idée de ressusciter l’événement. Organisé dans en premier temps dans la rédaction du journal, sous la forme d’une petite réunion regroupant seulement 25 invités, le festival a vite renoué avec sa gloire d’antan et une année plus tard, il déménageait à l’adresse qui l’avait consacré : la Maison Adam Müller Guttenbrunn – auprès de 300 invités. Petit à petit, il regagne de sa gloire passée et à présent, les gens nous appellent pour s’assurer qu’une nouvelle édition sera organisée ».
Le trophée de la meilleure saucisse fut attribué en 2014 à la saucisse de Satchinez, une charcuterie à base de porc et de veau, véritable produit vedette de la région.
Siegfried Thiel : « L’événement à réuni une trentaine de fermiers charcutiers auxquels se sont ajoutés plusieurs producteurs attitrés que nous avons évalués et classés avant de leur offrir un diplôme, car dans leur cas, on a évité les classifications pour ne pas léser les orgueils. Par contre, pour la compétition des saucisses maison, le jury de la rédaction fut invité à déguster la charcuterie locale à condition qu’elle ait été préparée à base de recettes anciennes souabes. La première place est revenue à M. Timotei Ţintoi de Satchinez, la deuxième à Mircea Pascu de Timisoara, tandis que la troisième position fut occupée par Eduard Kling, un citoyen originaire de Cenari, dans le comté de Timis, mais qui vit depuis 25 ans en Allemagne. Il a appris par la presse qu’un tel festival se déroulait en Roumanie et il a décidé d’y participer ».
Désigné le roi de la saucisse trois éditions consécutives, Timotei Tintoi est un jeune retraité de 53 ans, originaire de Satchinez, mais qui vit à Timisoara. Dans sa famille, la cuisine fut une passion de père en fils et les recettes de saucisses, il les a héritées de ses prédécesseurs. Il s’agit de deux recettes dont la première à base de viande de veau et de porc lui a valu une honorable troisième place, tandis que la deuxième, à base de porc seulement, lui a conféré la médaille d’or et le titre du roi de la saucisse. Bien que facile à faire, cette charcuterie a sa propre recette à succès, selon Timotei Tintoi : « Le porc doit être élevé en plein air, sa viande fraîche et son maître affamé ». Les saucisses primées ont été préparées à Satchinez, dans son fumoir et le fait de se voir au sommet du classement pour la troisième fois de suite a poussé notre charcutier à décider de renoncer à l’avenir à la compétition officielle « pour laisser la place à d’autres fermiers aussi ».
Siegfried Thiel nous a dit qu’au delà de la dégustation en tant que telle, ce festival est aussi une occasion d’interagir avec les lecteurs du journal : « Je pense qu’au début, avant la Révolution, c’était l’idée principale. Vu que d’autres organisent l’événement de leur publication et invitent à une rencontre avec les lecteurs, avec les amis du journal, avec les sponsors, avec les partenaires d’affaires, nous aussi, Banater Zeitung, nous voulons rencontrer les nôtres. Nous aimerions fêter l’anniversaire du 10 novembre, mais vu que le 10 novembre, il n’y a pas de saucisses, il n’y a pas d’occasion d’organiser cela, nous avons muté l’événement le dernier jeudi de janvier. Et l’on combine deux choses : l’anniversaire du journal et encore une chose quelque peu liée à la tradition des publications allemandes, au moins là, au Banat : préserver des traditions, rapprocher les lecteurs des traditions, parce que j’ai appris qu’il y a des gens qui à cause de l’âge n’ont plus fait des saucisses chez elles ; cette année, ils en ont fait ne serait-ce que pour participer à l’événement, juste pour être là. Nous rendons le journal connu, on parle de ce journal au moins en cette période et on fait quelque chose pour préserver les traditions, parce que pour les Souabes du Banat, la préparation du porc et de la viande de porc ont été des choses très importantes. Le nombre de kilos du porc faisaient état du bien-être du paysan respectif et cela n’a pas complètement disparu. »
Et voilà comment une manifestation légèrement subversive du temps du régime communiste de Roumanie, ayant lieu dans les locaux d’un journal, est devenue un événement avec des centaines d’invités, une fête des traditions souabes. (Trad. Ioana Stancescu, Dominique)