L’aurochs ressuscité
Un animal de grande taille, symbole de l’histoire des Roumains, est resté dans la nuit des temps pendant plusieurs siècles. La première réserve de bisons d’Europe de Roumanie, celle de Haţeg (centre) a été mise sur pied pas à pas, suivie par celle de Vânători (comté de Neamţ, est), où les animaux peuvent être vus en semi-liberté, et même en liberté depuis 2012. D’autres réserves de bisons d’Europe sont à retrouver à Neagra Bucşani (sud, comté de Dâmboviţa), à Vama Buzăului (centre, département de Braşov) et, dernièrement, dans la zone de Plopu, commune d’Armeniş, du département de Caraş Severin (sud-ouest), où les animaux se préparent à redevenir libres.
Ana-Maria Cononovici, 06.12.2015, 13:15
Adrian Hăgătiş et Alexandru Bulacu, représentants du Fonds mondial pour la nature pour le programme « Danube Carpates », nous apprennent l’histoire du bison d’Europe roumain dans son cheminement vers la liberté. Alexandru Bulacu, directeur de projet chez WWF Roumanie, nous a parlé de la tradition de l’aurochs en Roumanie et des tentatives de revigorer l’espèce: « Il y a toute une série de toponymes, tels Măgura Zimbrului ou Avenul Zimbrului, soit la Colline ou encore l’Aven de l’aurochs, ce qui indique que cet animal a été présent depuis toujours en Roumanie. C’est pourquoi nous souhaitons ramener le bison d’Europe dans ce pays après plus de 200 ans. L’idée du repeuplement en bisons d’Europe dans leur habitat naturel a eu son point de départ il y a plus de 15 ans. Le projet dont nous parlons maintenant ne fait que trouver de nouveaux endroits et accroître le nombre de bisons qui peuvent réintégrer leur environnement naturel. Nous avons déjà 29 bisons d’Europe dans le département de Caraş Severin, dans la zone de Plopu, qui s’apprêtent à entrer dans leur habitat naturel. »
Adrian Hăgătiş, manager de projet au sein de la branche roumaine du Fonds mondial pour la nature, nous a parlé des différentes étapes du repeuplement des bisons d’Europe: « Dans les années 60-70, la Pologne a mis en place des programmes censés ramener les effectifs d’animaux à un niveau de viabilité. Dans les réserves naturelles ainsi créées, on a réintroduit des bisons. La Pologne accueille aussi un centre européen de conservation du bison européen. On y a essayé d’éviter les croisements consanguins, un phénomène assez fréquent dans d’autres réserves naturelles d’Europe, dont celles de Haţeg ou de Neagra Bucşani, de Roumanie. Bien sûr que la réintroduction d’une espèce comporte de nombreuses inconnues qu’il faut prendre en compte. Une telle démarche équivaut à la reconstitution d’un phénomène naturel. Les populations de bisons d’Europe ont besoin d’habitats étendus et surtout aussi sauvages que possible, ce qui n’est pas facile à trouver de nos jours sur le vieux continent. En Roumanie, les habitats et les corridors écologiques des grands mammifères sont menacés de morcellement. Nous envisageons de relâcher des bisons d’Europe dans les Monts Ţarcu et Poiana Ruscă, de sorte à favoriser la création de sous – populations qui puissent faire cette migration, réaliser un échange génétique naturel. Le but ultime c’est de cesser d’intervenir, à un moment donné, d’aboutir à une gestion fonctionnelle, bref de laisser aux animaux la liberté de se réadapter ».
Le stress auquel sont soumis les animaux, depuis l’administration de tranquillisants jusqu’au transport qui peut durer plusieurs jours est très important. A cela s’ajoute l’intégration dans un nouvel environnement. Détails avec Adrian Hăgătiş: « Nous avons un programme basé sur la réintroduction progressive dans l’habitat. Notre système comporte trois enclos. Le premier est destiné au contrôle vétérinaire servant à vérifier l’état de santé des bisons, qui proviennent de différents pays d’Europe. Nous évitons la consanguinité, donc nous devons introduire des exemplaires avec des gènes différents, en provenance de réserves et de jardins zoologiques de tout le continent. Les bisons doivent passer par une période d’acclimatation d’un mois, dans un enclos plus large, puis ils sont libérés dans un espace encore plus étendu, de plus de 100 hectares où ils s’adaptent à leur nouveau milieu naturel ».
Alexandru Bulacu explique quels sont les problèmes qui pourraient apparaître une fois que les bisons se trouvent en liberté: « Je ne sais pas si les bisons créeraient des problèmes. Certes, un animal tellement grand pourrait faire peur à certaines personnes, mais il faut tenir compte du fait qu’il est herbivore et que, comme les autres animaux sauvages, il évite tout contact avec l’homme. Certes, il existe le risque qu’ils descendent vers des régions plus peuplées, surtout en hiver lorsque la nourriture est plus difficile à trouver, mais nous déroulons des projets censés prévenir de telles situations».
Les promoteurs des projets qui visent au repeuplement des différentes régions en bisons d’Europe espèrent que d’ici une vingtaine années la Roumanie arrivera à recenser quelque 500 exemplaires de bisons en liberté. (trad.: Ligia Mihăiescu, Mariana Tudose, Alex Diaconescu)