La première roumaine à piloter un avion supersonique
Découvrez le parcours du Lieutenant Commandante Simona Maierean
Ana-Maria Cononovici, 06.05.2024, 11:44
L’Afghanistan, l’Irak, l’Afrique et le Mali sont quelques-unes des zones de conflit où elle a effectué des opérations de transport militaire. Le vol le plus long a constitué en un aller-retour de 40 heures en Corée, au cours duquel elle a transporté du matériel médical. Mais, celui qui l’a vraiment fait réfléchir est le vol qu’elle a effectué au-dessus du désert du Sahara. Il s’agit du lieutenant commandeur (soit l’équivalent du grande français de capitaine) Simona Maierean : la première femme roumaine à piloter un avion supersonique ; la première femme en Europe à être certifiée en tant que commandante de bord d’un avion du groupe de transport aérien stratégique SAC (Strategic Aircraft Capability), au sein de l’unité multinationale de transport aérien stratégique de l’OTAN, sur la base aérienne de Papa, en Hongrie.
Une série de vols exceptionnels, née du rêve d’une jeune femme qui n’avait jamais piloté un avion de ligne avant d’entrer à l’Académie de l’armée de l’air. Elle nous a raconté ses débuts. Ecoutons Lieutenant Commandeur Simona Maierean :
« Je me suis engagé dans l’armée il y a maintenant vingt ans, même plus que ça. Je voulais voler et c’est l’option que j’ai trouvée la plus pratique. Ca tombe bien, c’est beaucoup moins cher, d’une part, et d’autre part, c’est aussi autre chose de piloter un avion de chasse ou un avion militaire en général, que de piloter un avion de ligne. C’est ce qui m’a poussée à chercher des solutions pour réaliser mon rêve. »
Des avions de ligne aux entrainements militaires
Lieutenant Commandeur Simona Maierean nous a raconté comment l’entraînement permet de vaincre la peur :
« Dans le domaine de l’aviation, vous entendrez souvent l’expression « faire le film de son vol ». On encourage en effet les pilotes à visualiser leur vole en boucle avant de se lancer. C’est ce que font les pilotes de voltige, c’est normal. Vous avez un plan, vous ne montez pas à bord de l’avion sans plan B. On a le plan avant, on l’exécute, on a un plan de secours et ainsi de suite, on n’a pas le temps de trop réfléchir, si je puis m’exprimer ainsi. »
Le 13 mars 2009, Simona Maierean a piloté un MiG-21 LanceR. La première femme roumaine à piloter un avion supersonique nous a donné tous les détails croustillants sur cette expérience inouie : « Si vous effectuez un virage très serré à une inclinaison très élevée et à une vitesse élevée, vous pouvez effectuer des accélérations très importantes, mais il n’est pas nécessaire d’être en vitesse supersonique pour cela. En supersonique, vous franchissez ce que l’on appelle le « mur du son », mais on ne le ressent pas dans son corps, c’est différent de la gravité. C’est plutôt dans l’appareil qu’on le ressent. C’est en tout cas le cas dans le MIG 21, je ne sais pas ce qu’il en est dans le F16, mais de mémoire, lorsque vous passez du subsonique au supersonique puis au transsonique, il arrive un moment où l’équipement peut vous induire en erreur, pendant un très court instant, à cause des ondes qui s’accumulent et de la pression, etc. Mais ce n’est pas si exigeant pour le corps. De toute façon, l’aviation de chasse est exigeante en soi. On vole en général une heure ou deux par sortie, en fonction du rayon d’action de chaque avion, alors que dans l’aviation de transport on a plusieurs heures de vol, entre 4 et 10. Vous ne pourriez pas voler 10 heures en continu sur un avion de chasse, parce que c’est autre chose ».
La possibilité de poursuivre sa formation
Depuis 2012, elle a cessé de voler avec des MIG 21 et est passé aux avions de transport militaire C27 Spartan. Comment s’est déroulée cette transition pour Simona Maierean ?
« On ne part pas de zéro, car on a déjà des connaissances en aviation, mais il s’agit plutôt de piloter un équipage et toute cette communication et cette gestion des ressources humaines, telle qu’elle est définie dans le jargon, constitue la vraie nouveauté. Vous passez d’une catégorie d’avion à une autre, et vous devez apprendre à le piloter. Mais la gestion de l’équipage est vraiment un art. Il faut aussi savoir écouter les ordres et ne pas se contenter de les donner. J’ai été commandante, j’ai même été instructrice sur le C17 Globemaster, dans le détachement de Papa, l’aviation de transport stratégique, je suis revenue au pays et j’ai repris l’entraînement, je suis copilote sur le Spartan et je suis en formation pour devenir commandante. Comme je l’ai déjà dit, on ne peut pas exécuter une mission, quelle qu’elle soit, sans personne. Il est donc très important de savoir comment vous comporter et comment maintenir l’équilibre entre une mission réussie et des personnes satisfaites et dans un bon état d’esprit : pour vous aider et faire en sorte que les choses se déroulent en toute sécurité. »
La capitaine Simona Maierean collabore souvent avec des pilotes étrangers et nous a expliqué quels étaient les défis rencontrés par les pilotes roumains : « Il fut un temps, au départ du moins, où il y avait très peu d’heures de vol, toutes catégories confondues. Les jeunes, en particulier, qui sortaient de l’école de pilote, volaient très peu. Les choses ont changé, surtout après 2014, et les différences ont commencé à se faire sentir. Les jeunes pilotes effectuaient davantage d’heures de vol et on a donc constaté un changement dans la façon dont les pilotes étrangers nous voyaient, parce que nous faisions de grandes choses avec peu de moyens. Mais chacun faisait un effort pour suivre les pas des pilotes qui avaient à leur actif plusieurs milliers d’heures de vol. Je me souviens que lorsque je suis allée faire la transition vers le C-17 aux États-Unis, j’avais volé 10 heures cette année-là et mon partenaire d’entraînement – parce que nous travaillions en binome – était un Néerlandais qui avait volé 700 heures. J’ai dû apprendre pendant quatre mois, à raison de 12 heures par jour, à atteindre un certain niveau. J’y suis arrivée, mais cela m’a demandé beaucoup d’efforts ! »
Bien qu’elle ait volé dans le monde entier, la capitaine Simona Maierean affirme qu’il n’y a rien de tel que la sensation d’atterrir à la maison.