La première édition du Festival national de film pour les non-voyants
Tenu à Bucarest du 15 au 19 mai, l’événement a donné la possibilité aux non-voyants, mais aussi aux personnes intéressées par une expérience visuelle inédite de suivre des films en audio-description. Parmi les pellicules projetées figuraient «Aferim !» de Radu Jude, «Mardi après Noël» de Radu Muntean, «Porte blanche» de Nicolae Mărgineanu, «Roxanne» de Vali Hotea, «La médaille d’honneur» et «Mère et fils» les deux réalisés par Călin Peter Netzer, «Au-delà des collines» de Cristian Mungiu, «Des hommes et des escargots» de Tudor Giurgiu, «Love Building» de Iulia Rugina et «Amérique, nous voilà !» de Răzvan Săvescu. 5 jours durant, le festival a été accueilli par la salle Elvire Popescu de l’Institut Français de Bucarest et par le cinéma du Musée du Paysan Roumain. Chaque film a été accompagné d’une audio-description que les participants ont pu écouter à l’aide de casques similaires à ceux utilisés pour les traductions simultanées.
Ana-Maria Cononovici, 31.05.2015, 14:11
Tenu à Bucarest du 15 au 19 mai, l’événement a donné la possibilité aux non-voyants, mais aussi aux personnes intéressées par une expérience visuelle inédite de suivre des films en audio-description. Parmi les pellicules projetées figuraient «Aferim !» de Radu Jude, «Mardi après Noël» de Radu Muntean, «Porte blanche» de Nicolae Mărgineanu, «Roxanne» de Vali Hotea, «La médaille d’honneur» et «Mère et fils» les deux réalisés par Călin Peter Netzer, «Au-delà des collines» de Cristian Mungiu, «Des hommes et des escargots» de Tudor Giurgiu, «Love Building» de Iulia Rugina et «Amérique, nous voilà !» de Răzvan Săvescu. 5 jours durant, le festival a été accueilli par la salle Elvire Popescu de l’Institut Français de Bucarest et par le cinéma du Musée du Paysan Roumain. Chaque film a été accompagné d’une audio-description que les participants ont pu écouter à l’aide de casques similaires à ceux utilisés pour les traductions simultanées.
Le Festival national du film pour les non-voyants a été organisé par la Fondation « Le Livre Voyageur » (Cartea Calatoare), en partenariat avec l’Association pour la promotion du film roumain. Gabriela Dima, manager du projet et représentante de la fondation « Le Livre Voyageur » raconte comment est née l’idée d’un tel festival : «Les films avec audio- description ont commencé à être réalisés en Roumanie en 2007. Ils ont été très bien reçus par le public non voyant et pas seulement. De même, depuis 2009, le Festival international du film Transilvania propose une projection en audio-description. Mais une seule projection par an ne suffit pas. En outre, étant donné que ces films sont très bien accueillis, nous avons décidé de les promouvoir tant au sein de la population (car il est très important que les gens sachent qu’il existe des films pour les personnes présentant des déficiences visuelles), mais aussi dans l’industrie du cinéma : parmi les producteurs, les réalisateurs, les distributeurs de films et les salles de cinéma. Tout cela pour qu’au moment où l’on crée un film, ses réalisateurs prennent en considération dès le début l’option de le rendre accessible au public non voyant. Voilà pourquoi nous avons trouvé nécessaire d’avoir un festival du film pour les non voyants. Il est organisé à Bucarest, car il y bénéficie d’une meilleure promotion et a un impact au niveau national».
Les producteurs de films de Roumanie ont été ravis de cette initiative qui permet aussi aux personnes ayant un handicap visuel de profiter de leur art. Gabriel Dima, manager du projet, ajoute: J’ai dédié cette édition du festival au cinéma roumain et ce pour deux raisons : d’un côté les productions cinématographiques roumaines sont de nouveau à la mode, de l’autre les gens de l’industrie du cinéma ont très bien répondu à notre demande de rendre ces films plus accessibles. Il a suffi d’un coup de fil ou d’un mail et la réponse a été positive. Il n’était pas obligatoire de conclure de nouveaux contrats. Comme nous n’en sommes qu’au début, dans le cas des films étrangers il aurait fallu un travail supplémentaire pour obtenir les droits d’auteur. Nous avons décidé de diffuser uniquement des films roumains au cours de ce premier festival, puisque cet accord était beaucoup plus facile à obtenir. Une autre raison c’est que notre but est de travailler en priorité avec l’industrie roumaine du cinéma. »
L’audio- description rend les films plus accessibles, tant pour les non-voyants que pour les personnes dont la vue n’est plus tellement bonne. Aux côtés de la colonne sonore du film, il y a une bande audio qui fournit toutes les explications supplémentaires importantes permettant l’intelligence du film. Gabriela Dima : « Cela veut dire que durant les pauses entre les répliques des acteurs ont fait insérer d’autres informations sur les gestes des personnages, sur les décors, les costumes, les relations entre les personnages, toute information susceptible de faire comprendre le film. Les décors, les ombres et les lumières créent certaines émotions, le réalisateur essaie de transmettre quelque chose par le biais de toute cette construction et nous, dans l’audio-description, nous soulignons tout cela. J’avoue que ces séquences complexes et sans dialogue sont les plus difficiles à décrire. Rien qu’un exemple : la dernière minute de « Porte Blanche » nous l’avons visionnée pendant trois quarts d’heure afin de la décrire. Il nous a fallu regarder cette séquence 45 minutes pour parvenir à décrire le message du cinéaste, à savoir celui qu’il cherche d’établir une liaison avec le début, de sorte à donner de la cohérence à l’histoire. Cette description apparaît uniquement durant la pause entre les répliques des acteurs, ce qui fait que les projections sont en fait accessibles à tout le monde. »
Ce qui plus est, notre interlocutrice affirme que nombre de personnes qui avaient vu ces films jadis ont avoué avoir découvert un tas de choses qu’ils avaient omises au début. Explication avec Gabriela Dima : « Nous avons rendu plus accessible le film « Aferim » parce qu’il est récemment sorti aussi et parce qu’on a voulu qu’il figure à l’affiche du festival. Plusieurs membres de notre équipe y ont travaillé. Il y a par exemple, une séquence pendant laquelle le personnage principal est torturé. En décrivant cette scène on est enclin à supposer que les villageois qui regardent cette scène partagent votre émotion. Nous avons constaté que le bruit était très dérangeant, notamment les cris de la personne torturée. Par conséquent, nous avons arrêté le son et avons décrit les visages. Et pour cause : en 1835, les gens regardaient les moments de torture comme si c’était un spectacle normal. Il n’y avait pas un signe de compassion sur leur visage. Sans cette audio-description, le public aurait supposé que la foule ressentait ce qu’il éprouvait, lui, en écoutant la scène. Or cela aurait été complètement erroné. Voilà un des avantages des audio – descriptions.»
Notons enfin que pour l’année prochaine les organisateurs du festival du film pour non voyants préparent une compétition pour récompenser les producteurs des courts-métrages accessibles à ce type de public. (Trad. Valentina Beleavski, Alex Diaconescu)