La peau artificielle parfaite
Depuis 2012, une équipe de chercheurs de la Faculté de Bio ingénierie médicale de Iasi (dans le nord-est de la Roumanie) tente de produire la peau artificielle parfaite. Il s’agit d’un tissu créé à 100% dans le laboratoire mais compatible avec celui humain. Destiné principalement aux cliniques de chirurgie esthétique, ce projet unique en Roumanie par sa complexité touche à sa fin. Il est actuellement dans la phase de tests, mais les spécialistes de Iasi estiment que les patients pourront bénéficier du produit fini d’ici deux ans.
România Internațional, 22.05.2014, 15:18
Liliana Vereştiuc, vice doyenne de la Faculté de Bio ingénierie médicale de Iasi, nous en dit davantage: « En fait, c’est un système qui contient non seulement du matériel synthétique, mais aussi des cellules. L’idée nous est venue à l’esprit il y a quelques années, lorsque le Centre de formation et de recherche en Ingénierie tissulaire, organes artificiels et médecine régénérative fut créé dans le cadre de notre faculté. Nous avons commencé par de petits pas, essayant dans une première étape de réunir toutes les facilités dont nous avions besoin pour développer une telle technologie. Ensuite, nous avons formé une équipe et nous avons commencé à étudier le domaine. Jusqu’ici nous avons déjà fait des tests sur des animaux de petite taille, nous avons l’intention de démarrer les tests sur les animaux de grande taille, pour avoir d’ici deux ans les confirmations sur les caractéristiques d’un tel produit ».
A l’heure actuelle les spécialistes en chirurgie esthétique de Roumanie utilisent exclusivement la peau artificielle importée, dont le prix se monte à 8 euros le cm carré. Le produit créé à Iasi devrait être vendu à la moitié de ce prix, ce qui entraînera la baisse des coûts des interventions chirurgicales, affirme Liliana Vereştiuc: « Obtenir en Roumanie ce type de peau coûterait beaucoup moins que l’importer de l’Occident. Il y a très peu de produits similaires, notamment du type que nous visons, à savoir des systèmes bio-artificiels, c’est à dire un type de peau qui n’est pas complètement artificielle. Les produits qui existent actuellement sur le marché roumain proviennent des Etats-Unis et coûtent très cher. »
Pour tester les matériaux produits dans le laboratoire, les chercheurs de Faculté de Bio ingénierie collaborent avec la Faculté de Médecine Vétérinaire de Iasi. Le tissu bio-artificiel obtenu suite à l’insertion de cellules produites en laboratoire ou extraites de différents tissus d’animaux sur une matrice, un support obtenu sur place, à base de collagène et d’acide hyaluronique. Qu’est-ce que c’est, en fait, cette peau artificielle créée par les chercheurs de Iasi?
Liliana Vereştiuc: « Nous imaginons une structure poreuse où les cellules migrent, une matrice aux caractéristiques adhésives; les cellules l’acceptent et s’y attachent, le support est pratiquement peuplé de ces cellules, il a l’apparence d’une peau naturelle, et fonctionnel comme une peau naturelle. En général nous utilisons des polymères, nous avons testé plusieurs classes de polymères avant d’obtenir ce support qui puisse être peuplé de ces cellules. S’y ajoute, évidemment, la cellule qui peut être d’une nature différente. Notre intention est de récolter des cellules chez les patients, nous ne travaillons pas uniquement avec des cellules spécifiques à un certain type de tissu, nous avons également utilisé des cellules souches dans les tests effectués dans notre laboratoire ».
Dans l’étape finale, les chercheurs de Iasi utiliseront des cellules prélevées du patient qui a besoin de peau, pour que le tissu soit biocompatible. Deux banques de peau ont été créées en Roumanie : l’une existe de puis 2000 à Bucarest, à l’hôpital pour enfants Grigore Alexandrescu, l’autre a été ouverte à Timisoara (ouest) en 2010. Ces banques gardent de la peau prélevée de donneurs se trouvant en état de mort cérébrale. Vu que ces donneurs sont très peu nombreux, en général, en cas d’urgence, les médecins utilisent les greffes de peau prélevées aux proches des patients. Le matériel créé à Iasi représente pratiquement un pansement qui peut être appliqué sur les zones touchées de brûlures graves ou d’ulcérations.
La peau bio-artificielle simplifierait beaucoup les choses, tant pour les médecins que pour les patients, et pas seulement pour ceux qui ont des brûlures et nécessitent des transplantations, comme on pourrait le croire. Liliana Vereştiuc : « Dans le cas des patients souffrant de diabète, par exemple, chez lesquels la guérison de certaines lésions cutanées est ralentie, de tels systèmes bio-artificiels permettent que des facteurs de croissance et des substances biologiques migrent de ces matrices, contribuant au processus de guérison de ces lésions. »
Le tissu bio-artificiel est produit en 28 jours maximum. Liliana Vereştiuc espère que, dans deux ans, le Centre de formation et de recherche en ingénierie tissulaire pourra proposer une technologie susceptible d’être achetée par les compagnies actives dans ce domaine. Ainsi, la peau artificielle deviendra accessible à tous ceux qui en ont besoin.
L’activité des chercheurs de ce centre est orientée parallèlement dans deux autres directions : obtenir des substituts osseux et des greffes vasculaires. Ils tentent notamment de combler des zones osseuses écartées suite à la présence de cellules cancéreuses. (trad. Valetina Beleavski, Dominique)