La pandémie à travers des histoires et des images
La vie est, somme toute, un enchaînement
d’histoires. Plutôt agréables ou plutôt éprouvantes, plutôt riches de sens ou
plutôt banales, les histoires ressemblent aux êtres humains et, comme eux,
elles sont toutes différentes les unes des autres. Il n’est donc pas étonnant
que, confrontés à l’isolement, les gens de tous les coins du monde ont cherché
à savoir quelles histoires partageaient leurs semblables.
Ana-Maria Cononovici, 04.08.2020, 13:44
La vie est, somme toute, un enchaînement
d’histoires. Plutôt agréables ou plutôt éprouvantes, plutôt riches de sens ou
plutôt banales, les histoires ressemblent aux êtres humains et, comme eux,
elles sont toutes différentes les unes des autres. Il n’est donc pas étonnant
que, confrontés à l’isolement, les gens de tous les coins du monde ont cherché
à savoir quelles histoires partageaient leurs semblables.
A Oradea, Cristina Liana Puşcaş, docteur en histoire
et chercheuse au « Musée de la cité », s’est proposé de réaliser une
documentation sur cette période, car son expérience lui disait que des années
plus tard on aurait besoin d’informations, d’images et de témoignages sur la
pandémie de 2020. Liana Puşcaş a donc entrepris une recherche scientifique
interdisciplinaire : « Vivre au temps de la pandémie ».
Liana Puşcaş : « Cela a supposé un questionnaire, comportant 25 questions que j’ai
lancé dans l’espace public. Je m’intéressais notamment à la manière dont les
habitants de la ville d’Oradea et de la contrée de Bihor, ainsi que les
Roumains vivant à l’étranger avaient perçu cet incident de l’histoire. J’ai
lancé le questionnaire le 22 avril 2020 et il semble avoir suscité un grand
intérêt. J’ai reçu jusqu’à présent 321 réponses. Evidemment, pour
différentes raisons, les questionnaires complétés ne seront pas tous validés, mais
je pense que 200 d’entre eux le seront certainement. Seul petit bémol pour ce projet
: le questionnaire a dû être complété en ligne, ce qui a exclu d’emblée les
personnes n’ayant pas accès à Internet. Les répondants sont plutôt des
personnes avec une éducation universitaire et qui sont connectées Internet. »
Les réponses sont arrivées des départements de
Bihor, Satu Mare, Sălaj, Cluj, Timiş, Arad et de la capitale, Bucarest, mais
aussi de Vienne, Hambourg et New York.
Cristina Liana Puşcaş mentionne quelques questions
et les réponses reçues : « Première
question : à quel projet avez-vous dû renoncer au moment du confinement ?
Nombre de personnes affirment avoir été obligées à renoncer aux vacances, à la
rénovation de leur maison, à un emploi, aux spectacles de théâtre ou à se
rendre à l’église. Les personnes qui sont restées chez elles et ont travaillé à
distance, respectant de strictement le confinement, ont le plus souffert de
l’isolement. Le confinement semble ne pas avoir provoqué la même frustration
chez ceux qui ont continué d’aller au travail ».
Une autre question visait les difficultés des gens à
s’adapter aux nouvelles conditions, imposées par le confinement. Cristina
Puşcaş : « Les personnes qui ont
répondu au questionnaire semblent s’être adaptées le plus difficilement au
manque de socialisation, à l’absence des membres de leur famille élargie, de
leurs amis et mêmes de leurs collègues de travail. Le confinement a été
éprouvant notamment pour certaines femmes qui devaient être à la fois
mères, employées travaillant à distance, épouses, institutrices, soignantes,
médecins, psychologues à plein temps, masseuses, coiffeuses, pédagogues,
professeurs d’allemand et d’anglais etc. Les répondants ont affirmé s’être
adaptés très difficilement aux nouveaux rituels : désinfecter, compléter
les attestations de déplacement, renoncer à leurs promenades, à leur liberté de
mouvement. »
La plupart des personnes ont affirmé que leur vie de
couple n’avait pas été affectée, bien que, dans certaines réponses, elles aient
glissé un petit sourire : « Je n’aime pas devoir servir 3 repas par
jour », « Je ne comprends pas pourquoi ma femme essaie de m’imposer un
programme », « Il est évident que nous avons des rythmes biologiques
différents ».
Passer du temps dans l’isolement incite les gens à
se tourner vers leur monde intérieur. C’est pourquoi, Cristina Liana Puşcaş a
ajouté la question : « Quelles
petites joies avez-vous découvertes durant ces journées de confinement ? »
Certains ont su mettre à profit cette période, en découvrant le soleil, la
saveur d’un café qu’on prend le temps de siroter, le pain fait maison, le
plaisir de cuisiner, le jardinage, la famille. »
« Une image vaut mille mots » – dit un
proverbe chinois. C’est pourquoi, Cristina Liana Puşcaş a développé
parallèlement le projet : « Photos prises pendant la pandémie ».
Qu’est-ce qu’elle a pu constater en regardant les photos reçues ?
Cristina Liana Puşcaş : « Elles sont toutes prises à l’intérieur de la maison ou depuis
une fenêtre par laquelle on voit la cour. Une dame m’a envoyé une photo d’elle
après s’être rasé le crâne. Un monsieur de Satu Mare m’a envoyé l’image d’une
femme agenouillée sur les marches d’une église. La quasi-totalité des photos
représentent pourtant la vie à l’intérieur de la maison et très peu à
l’extérieur. »
Ces projets sont encore en déroulement. L’optimisme
nous incite, certes, à rêver des jours meilleurs, mais le réalisme nous pousse
à évaluer ce qui compte vraiment pour nous. Et, selon Cristina Liana Puşcaş,
les gens semblent s’être rendu compte de l’importance de la nature et de la
présence des êtres chers. (Trad. : Dominique)