Iv le naïf – le poète invisible
Il existe un poète contemporain qui publie même ses brouillons sur un site visité par pas moins de 20 mille personnes chaque mois. Il se présente : «Iv le naïf », parce que c’est la naïveté qui le caractérise le plus. Sa poésie a commencé par des petits billets mis sur le frigo ou par des textes d’amour envoyés à sa chérie de l’époque. C’est elle qui a conseillé à Iv de faire connaître ses poèmes à un public plus large, et cela même si au début, il ne le souhaitait pas : « Elle m’a dit que ces choses-là étaient très belles et qu’elles méritaient d’êtres connues par d’autres personnes aussi. J’étais assez sceptique, j’ai dit que cela relevait de l’intimité d’un couple et je n’étais pas très sûr que les choses que je lui disais auraient pu intéresser quelqu’un d’autre. Finalement, suite à ses demandes insistantes, j’ai ouvert un blog. »
România Internațional, 17.01.2013, 13:49
Il existe un poète contemporain qui publie même ses brouillons sur un site visité par pas moins de 20 mille personnes chaque mois. Il se présente : «Iv le naïf », parce que c’est la naïveté qui le caractérise le plus. Sa poésie a commencé par des petits billets mis sur le frigo ou par des textes d’amour envoyés à sa chérie de l’époque. C’est elle qui a conseillé à Iv de faire connaître ses poèmes à un public plus large, et cela même si au début, il ne le souhaitait pas : « Elle m’a dit que ces choses-là étaient très belles et qu’elles méritaient d’êtres connues par d’autres personnes aussi. J’étais assez sceptique, j’ai dit que cela relevait de l’intimité d’un couple et je n’étais pas très sûr que les choses que je lui disais auraient pu intéresser quelqu’un d’autre. Finalement, suite à ses demandes insistantes, j’ai ouvert un blog. »
Au début, celui-ci n’avait qu’une dizaine de visiteurs, mais par la suite, ils sont devenus de plus en plus nombreux à lire les textos de la personne qui portait avec soi un brin de naïveté.
Les pensées que l’auteur portait avec lui depuis des années ou peut-être depuis quelques minutes, mais aussi les petits flirts et les vérités cachées derrière ses blagues ont eu du succès parmi ses lecteurs. Ecoutons Iv réciter une de ses poésies : « J’ai grand besoin de ne pas te connaître / Je ne veux pas savoir quelle musique tu écoutes / je ne veux pas connaître le nom de ton lycée / Je ne veux pas que tu me dises comment tu t’appelles / Je ne veux pas t’entendre remplir ma couverture piquée de ton souffle / ni comprendre les divergences entre tes deux seins, / ni les volutes de tes sourcils inégalement arqués. / Ne me fais pas de clins d’œil, s’il te plaît / je pourrais brusquement tout comprendre sur toi / n’enlève pas ton maquillage, ne défais pas tes cheveux / ne me montre pas les taches de rousseur sur tes épaules / ne te chatouille pas, ne rougis pas, ne sois pas molle et tiède / ne t’endors pas sur mes genoux / je ne veux pas savoir comment tu dors / je veux pouvoir m’éprendre de toi à nouveau demain ».
Il dit qu’il ne sait même pas s’il est poète ou non, il a éludé, d’une certaine façon, la critique littéraire, bien qu’il sache que c’est aux critiques de valider la valeur d’une oeuvre. Il a brûlé cette étape et s’est jeté directement dans la mer, dans les griffes des lecteurs. « Je ne suis pas un technicien de la poésie, en fait je ne sais pas si je suis ou non poète. Je suis quelqu’un qui observe certaines choses chez les autres, pour leur appliquer ensuite sa propre grille et les faire passer par sa propre sensibilité, afin de les redonner aux gens. C’est pourquoi ils se réjouissent et s’y reconnaissent et font réverbérer les mots. Ils vibrent, parce que tout ce que je fais vient en fait d’eux. Des fois, les gens trouvent mes vers surprenants; la fin de mes poèmes ou ce qui se passe dans la ligne suivante les étonne. »
Oana Velant est l’éditeur qui a parié sur Iv. Elle a sorti deux livres magnifiquement illustrés par Valentin Petridean, ami et « coéquipier » d’Iv. Les deux mille exemplaires de recueil « Versez » (Je rime), le premier livre du poète invisible, se sont vendus beaucoup plus vite que l’on ne s’y attendait. Le tirage du deuxième livre, « Uibesc » (J’iame) — récemment sorti dans les librairies est en train de s’épuiser. Le choix de Oana Velant est surprenant. D’où lui est venu le courage de publier les vers d’un personnage fictif? Oana dit que cela a été plutôt une décision émotionnelle. « Nous l’avons rencontré sur Facebook, tout simplement; sa façon d’écrire, son style optimiste et son ton badin nous ont beaucoup plu. Il nous a semblé être une voix à part dans la poésie roumaine contemporaine. Moi, du moins, je ne connais personne qui écrive de la sorte et qui réussisse à attirer autour de lui toute une communauté, gagner un si grand nombre de fans et se réjouir en écrivant. C’est une qualité incroyable: il réussit à réunir tous ce gens et les rendre heureux chaque jour. Pour la critique roumaine, Iv le Naïf est une voix bizarre. Nous sommes habitués à la poésie tirant son origine des tragédies, des problèmes, des tristesses, de la mélancolie. Chez Iv, elle prend sa source dans une zone beaucoup plus lumineuse. Et ils sont nombreux, les critiques ne savent pas où le classer. »
Il est vrai que tout le monde connaît Iv. Les femmes disent qu’il est leur dose quotidienne de naïveté. « J’ai entendu pour la première fois parler d’Iv le Naïf l’année dernière chez une amie, qui était heureuse d’avoir enfin découvert un poète contemporain à son goût. A présent j’ai même un poème préféré: Avant d’aller au lit”. Son nouveau livre, je n’ai pas encore pu l’acheter, mais il est sur la liste. »
Pour les hommes, Iv est quelqu’un dont ils ne peuvent pas se défaire. « Iv le Naïf… Oui, ma femme me montre chaque jour des poèmes de lui. Son site est très bon comme source d’inspiration pour les ingénieries en expression verbale. »
On dirait que, 3 ans après le lancement de son premier livre, Iv peut se réjouir des fruits de sa notoriété. Pourtant, il ne se montre même pas à ses lancements de livre fabuleux. « Ces soirées-là ne sont pas pour moi — dit le poète invisible — elles sont pour le public. J’y envoie Vali ». Vali Petridean dit que, lors du lancement du premier livre de son ami, il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur du phénomène « Iv le Naïf », mais il s’est senti comme le détenteur d’un grand secret. « Je me suis rendu compte que je connaissais Zorro. J’étais le seul à le connaître, le seul qui pouvait savoir combien les gens se trompaient et combien ils avaient raison quand ils parlaient d’Iv. Ils parlent de la personnalité d’ “Iv en ligne” et je pense qu’ils la perçoivent à leur gré, ils se l’imaginent exactement comme il la souhaitent et ils ont raison. »
Pourquoi Iv ne vient-il jamais au lancement de ses propres volumes, pourquoi choisit-il de rester anonyme et de ne pas avoir l’occasion de donner des autographes à ses fans, hommes et surtout femmes ? « Une des raisons pour lesquelles je ne veux pas publier sous mon nom réel et pour laquelle j’aimerais rester un personnage fictif, c’est exactement mon désir de fuir la célébrité. A mon sens, la célébrité implique de bonnes choses, mais aussi certains aspects moins beaux, qui déforment les gens. Et moi, je ne veux pas qu’elle me déforme, je veux rester le même. J’incite les gens à lire ce que je fais, à ne se demander que très peu qui je suis et à se réjouir de ce que je fais. « C’est l’œuvre qui compte et non pas l’auteur », disait le grand critique littéraire roumain Titu Maiorescu et je crois fortement en ce raisonnement. »
Ivcelnaiv.ro, c’est le site où vous vous pouvez abonner à une dose quotidienne de poésie très sympa. Connectez-vous donc au blog d’Iv et vous allez recevoir un message dont le titre est « Heureux que tu te sois abonné » et dans lequel Iv le naïf écrit : « Tu verras, tout ira bien / parce que tu t’es abonné ».
(Trad. : Alex Diaconescu, Dominique)