Exposition anti-Instagram
« Il était comment, le bon vieux temps ? » C’est la question qui a emmené une vingtaine d’adolescents de tout le pays à Anina, l’été dernier. Dix jours durant, ils y ont exploré les réalités sociales de cette ancienne petite ville minière située dans le sud-ouest du pays. Ils ont constaté que les souvenirs du bon vieux temps n’étaient pas les mêmes pour tout le monde et ils nous le montrent dans l’exposition-installation qu’ils ont réalisée après ce séjour.
Ana-Maria Cononovici, 16.04.2019, 13:59
« Il était comment, le bon vieux temps ? » C’est la question qui a emmené une vingtaine d’adolescents de tout le pays à Anina, l’été dernier. Dix jours durant, ils y ont exploré les réalités sociales de cette ancienne petite ville minière située dans le sud-ouest du pays. Ils ont constaté que les souvenirs du bon vieux temps n’étaient pas les mêmes pour tout le monde et ils nous le montrent dans l’exposition-installation qu’ils ont réalisée après ce séjour.
L’exposition anti-Instagram est le résultat d’un exercice pédagogique orienté vers des méthodes classiques de documentation par la photo, le film et le dessin. Organisés en plusieurs équipes, les jeunes ont réalisé des documentaires sur pellicule, des photos sur pellicule et à l’aide d’appareils photos Polaroïd, des bandes dessinés et des peintures racontant l’histoire de la localité et les histoires des habitants de la ville. L’utilisation exclusive des équipements analogiques a permis aux jeunes artistes de se concentrer sur leur vision des choses, sur leur interprétation ainsi que sur les problèmes éthiques que pose toute présentation de la réalité. Comment tout cela a commencé ? Irina Novac (19 ans) : « Fin août – début septembre derniers, nous nous sommes réunis à Anina et nous avons visité la ville. Ensuite, chaque équipe a choisi un domaine. La mienne, par exemple, s’est orientée vers la culture de la localité. D’autres équipes ont choisi la mine, la jeunesse etc. »
A première vue, Anina ressemble à une ville exotique, blottie contre la montagne. Le travail de documentation ne tarde pas à faire ressortir son vrai visage actuel, avec ses nouvelles réalités. Sara-Patricia Pongrac, (18 ans) nous parle du travail de son équipe : « Mon équipe s’est occupée de la documentation photographique. Nous avons parlé aux gens, nous avons recueilli leurs histoires et nous avons réalisé des portraits. Avec mon collègue, Dragoș-Andrei Mîndrilă, nous avons réalisé un bref documentaire sur le trajet Anina-Oraviţa, en train. Nous avons filmé ce voyage, les gens qui prennent d’habitude ce train. Nous leur avons parlé et ils nous ont raconté des choses sur eux-mêmes. »
Luisa Balaban (19 ans) nous raconte l’expérience vécue à Anina : « A mon avis, cette petite ville ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite. C’était très intéressant de la découvrir par les yeux des jeunes qui l’habitent. J’ai rencontré des adolescents qui m’ont raconté pas mal de choses – entre autres, bien sûr, des stéréotypes du genre : c’est une ville morte, je voudrais la quitter, je ne sais pas ce que je pourrais faire ici, à l’avenir. Pourtant, ils étaient en même temps très ancrés dans cette culture de l’extraction minière, que leurs familles leur avaient transmise. Or, ces jeunes qui vivent dans une ville ayant une riche histoire, l’acceptent, l’embrassent et en même temps veulent la fuir, car ils ne pensent pas que cette histoire va continuer. »
L’anthropologie, l’histoire et l’art se donnaient rendez-vous dans la recherche pluridisciplinaire réalisée à Anina par les 20 jeunes dans le cadre d’un projet One World Romania. C’est d’ailleurs ce caractère multidisciplinaire qui les a attirés. Luisa Balaban: « L’idée de travailler sur pellicule, c’est-à-dire avec des équipements analogiques, m’a paru très intéressante. J’aimais beaucoup prendre des photos sur pellicule, mais réaliser un film sur pellicule m’a paru quelque chose d’extraordinaire, une expérience que je n’aurais pas pu vire ailleurs. C’est pourquoi j’ai postulé pour ce projet.»
Sara-Patricia Pongrac ajoute: « J’ai constaté qu’il s’agissait d’une sorte d’atelier d’anthropologie et cela m’a paru super intéressant. C’est une science que je commence à découvrir. Nous avons commencé par étudier les gens et leur vie, c’était la priorité ; la photo et le film venaient après. Nous nous sommes inspirés de la vie des gens et nous avons tenté de présenter ce que nous avions vu. »
Irina Novac explique à son tour : « Moi, j’ai parlé à un ami qui m’a mis au courant de ce projet. Je l’ai vu ensuite sur le site One World Romania. J’ai constaté que le lieu de déroulement était loin de chez moi, qu’il était prévu en été, qu’il s’agissait de connaître des gens, que c’était cool. Alors j’ai décidé de m’y inscrire. »
Le résultat du projet a été l’installation exposée jusqu’à la mi-avril au Musée national d’art contemporain. Luisa Balaban nous en parle: «On pouvait y voir notre trajet – un peu hésitant, au début car il y avait de nombreux domaines et nous ne savions pas comment les gérer. La photo, le film documentaire, l’anthropologie sont des domaines où nous manquons d’expérience. Ce n’est pas facile d’aller rencontrer des gens, de leur demander de nous raconter leur histoire, de nous montrer des photos de la ville telle qu’elle était jadis. C’est un peu ce que vous avez pu voir dans cette exposition, qui illustre notre démarche et notre façon de comprendre l’histoire de la ville. »
« Petit garçon avec un entonnoir sur la tête » est un des personnages de bande dessinée créés par les jeunes pour illustrer des aspects de cette ancienne ville minière. Un petit garçon déambule dans les rues désertes et il trouve un entonnoir qu’il met sur sa tête. Il se rend compte, à ce moment là, que l’entonnoir devient un casque de mineur. Le casque sur sa tête, il se promène à travers la ville et découvre ses réalités. Les visiteurs de l’exposition on également pu voir les films réalisés par les jeunes participants à ce nouveau projet One World Romania à l’Ecole. (Trad. : Dominique)