Empreintes urbaines dans la bijouterie contemporaine
Ou plus exactement, une collection de bijoux inspirés du paysage urbain. C’était le thème de l’atelier « Empreintes urbaines dans la bijouterie contemporaine », organisé par Urban Eye & Assamblage.
Ana-Maria Cononovici, 05.11.2017, 13:10
Le coordinateur de l’atelier a été le designer David Sandu, initiateur d’une école de bijouterie : « J’ai trouvé intéressant d’associer la bijouterie à l’architecture et à l’urbanisme. Cet atelier a été organisé dans le cadre du festival du film d’architecture Urban Eye, qui s’est proposé cette année d’aborder également l’art et le design. Les initiateurs du festival ont eu l’idée d’un atelier réunissant des personnes passionnées à la fois d’architecture et de bijouterie contemporaine et qui aimeraient donc essayer, dans le domaine du design, différentes textures et surfaces, différents éléments rappelant la ville, en général. »
Alma Levent a 21 ans et elle est étudiante en 3e année à la Faculté d’architecture et d’urbanisme de Bucarest. Pourquoi a-t-elle a choisi cet atelier ? : « J’ai été séduite par l’idée de créer des bijoux à partir d’éléments urbains, de prendre pour point de départ un élément de grandes dimensions, et de le synthétiser jusqu’à aboutir à un élément de petites dimensions que, moi, j’aimerais porter. J’ai choisi quelque chose d’emblématique, je dirais, pour la ville de Bucarest : le métro. Et j’ai essayé de tout réduire à une forme très simple, qui soit une suggestion plutôt qu’une explication de mon idée. Quand le travail sera terminé, on verra des textures, des formes synthétisées, des éléments d’architecture transposés ».
Anca Croitoru (27 ans) est architecte. Elle nous explique, elle aussi, la raison de sa présence à cet atelier : « Le thème m’a semblé très intéressant. J’y ai également suivi un cours de bijouterie, que je continue d’ailleurs. C’est pour la première fois que j’aborde en détail le lien entre l’architecture et la bijouterie. A mon avis, la connexion entre les deux est très étroite du point de vue esthétique ou de la géométrie et des matériaux. Il y a une différence que je trouve surprenante et qui me plaît : c’est l’échelle à laquelle on travaille. Dans la bijouterie, on travaille à l’échelle 1:1. On conçoit l’objet soi-même, on le réalise de ses propres mains, jusqu’à la fin. Dans l’architecture, on travaille, par contre, à une échelle beaucoup plus réduite et ensuite ce sont les ouvriers qui finissent ce que l’on a conçu. Pour cet atelier, j’ai choisi de transposer le Musée Kolumba, créé par Peter Zumthor de Cologne, un musée dont l’histoire est unique. C’est un site archéologique à part. Au début, il y avait là une église, qui a été bombardée, comme toute la ville de Cologne et pendant de nombreuses années il ne s’est rien passé. Puis, un concours a été lancé, que l’architecte Peter Zumthor a gagné. Dans son projet, il a intégré le site archéologique, car des ruines romaines et gothiques y avaient été découvertes, et la chapelle construite sur l’emplacement de l’ancienne église, pour en conserver la mémoire. Peter Zumthor a proposé un projet architectural novateur, une image unique, une histoire, en fait, parce qu’en regardant son monument d’architecture, les gens « lisent », en fait, l’histoire de la ville. »
Qu’est-ce que le bijou créé par Andreea rend-il de toute cette histoire ? « Un détail de la façade. Comme objet, finalement ce sera une broche. Quand on crée un tel bijou on doit s’adresser à tout le monde, l’image parle. »
Nous avons également demandé à l’architecte Zoran Popovici (39 ans) pourquoi il participe à cet atelier de bijouterie: « Par curiosité. Pour voir ce que c’est que de créer des bijoux, de travailler avec différents matériaux. On est agréablement surpris de découvrir que les matériaux se comportent différemment par rapport à ce que l’on aurait attendu d’eux, qu’ils ont leur propre langage, qu’ils sont vivants. »
Zoran décrit le bijou qu’il est en train de travailler : « C’est une broche qui a la forme du ruban de Moebius. J’ai tenté d’exprimer ainsi les flux de la ville. Le bijou est censé donner une image idéale de ce que devrait être la ville. »
Que peut-on choisir dans une ville pour l’exprimer par un bijou? Selon le designer David Sandu… : « Beaucoup de choses ! Il y a des collections célèbres de bijoux. Il y a, par exemple, des collections qui transposent les plaques d’égout en fonte de France ou d’Italie, il y a aussi des bijouteries représentant la silhouette de certains édifices découpée sur le ciel. Il y a nombre de plans d’architecture célèbres transformés en bijoux dans les années ’70 par des designers tout aussi célèbres et par des architectes qui ont flirté avec la bijouterie. »
Quant à la collection de bijoux réalisée dans le cadre de son atelier, David Sandu n’a pas d’attentes précises : «Quand il lance un défi, un organisateur souhaite que les gens participent à son projet avec un enthousiasme non dissimulé. Le résultat qui apparaît après plusieurs retours en arrière, après plusieurs expériences, après un examen attentif de la question, est très intéressant, très spécial – surtout qu’à la fin, les choses ne ressemblent pas à ce qu’elles étaient au début. Chemin faisant, les gens font des découvertes, ils ne viennent pas avec une leçon déjà apprise par cœur. Le défi consiste essentiellement à être authentique et à se défaire, justement, en quelque sorte, des leçons bien apprises.»
Les passionnés d’architecture et d’urbanisme, ainsi que les personnes intéressées par la façon dont est construit le monde où nous vivons sont attendus au Festival Urban Eye. Le centre ARCUB de Bucarest accueillera à cette occasion l’exposition Understanding Design (Comprendre le design) qui réunira les bijoux réalisés par les participants à l’atelier dont nous avons parlé aujourd’hui. (Trad. : Dominique)