Des actes, pas des paroles
Factual.ro est un site internet lancé l’été dernier par 8 jeunes intellectuels qui souhaitent offrir aux personnes intéressés une sorte d’Office de la protection du consommateur… de politique.
România Internațional, 28.08.2014, 15:20
Avec le concours d’une petite communauté réunissant une quarantaine de bénévoles, factual.ro publie régulièrement des analyses portant sur les prises de position des hommes politiques dans l’espace public. Et il ne s’agit pas de paroles lancées à la légère et reprises par les médias.
Alex Roşu figure parmi les fondateurs de factual.ro et il nous raconte comment l’idée de ce site lui est venue : « Depuis décembre 2012, nous avons réfléchi à la manière dont nous pouvons aider la scène politique de Roumanie, comment nous pouvons responsabiliser ses acteurs et accroître le niveau de vérité que nous mesurons, chaque jour, dans l’espace public. Nous estimons qu’en ce moment, le niveau de vérité — ou plutôt le niveau des débats — est très bas ; bien souvent, non seulement les hommes politiques, mais aussi les médias et les institutions de l’Etat utilisent des techniques de manipulation, telles la mystification des données ou les déclarations sophistiquées dont le but nous ne souhaitons pas clarifier, mais qui, pour sûr, nest pas honnête. Nous nous proposons de contribuer à faire baisser le niveau du « bruit », des « brumes » qui affectent la société et la scène politique. »
Vérifier la véracité des affirmations n’est une nouveauté nulle part dans le monde. La vérification par les faits a débuté aux Etats-Unis, où deux sites de ce genre ont réussi à changer certaines politiques de l’administration américaine et à déterminer les décideurs à être plus attentifs à leurs affirmations. Ces derniers temps, des initiatives similaires se sont fait de la place en Europe aussi. Le site factcheck.eu, existe en Slovaquie, en République Tchèque, en Pologne et même au niveau de l’UE, où il tâche de vérifier les affirmations en matière de politiques européennes.
Nous avons demandé à Alex Roşu qui sont les bénéficiaires des recherches faites par l’équipe de factual.ro : « Nous nous attendions, certes, à ce qu’une grande partie de notre public soit spécialisé, pourtant, ce que nous souhaitons, c’est d’être une sorte d’organisme qui protège les droits du consommateur de politique. Je serais vraiment content si nos articles étaient pris en compte et utilisés de manière honnête dans les débats publics de Roumanie. C’est là, en fait, notre but : apporter des informations reposant sur des faits réels dans un discours qui manque souvent de clarté et où la manipulation se substitue à l’information. Et c’est dommage. »
Comment vérifiez-vous les propos tenus dans lespace public ? Alex Roşu : « Nous disposons d’une équipe qui surveille tout ce qui se passe côté déclarations et décisions. La quantité d’information est importante, aussi, souhaitons-nous instituer une sorte de système automatisé, pour ainsi dire : dès qu’un sujet potentiel est signalé, ils est envoyé aux experts de la communauté factual, qui identifient les sources, vérifient les données, les rapports officiels, les statistiques, pour voir si les chiffres avancés dans telle ou telle déclaration sont correctes ou si toutes les démarches institutionnelles prévues par la loi ont été respectées. Nous vérifions, pratiquement, toutes les sources autorisées. »
L’équipe factual.ro a récemment invité une quarantaine d’experts de tous les domaines pour ce que nous avons appelé « un checkaton », soit un marathon de vérification qui a duré 7 heures et dont les résultats seront publiés progressivement.
Ioana Avădani, directrice du Centre du journalisme indépendant affirme que cette idée est si bonne, qu’elle regrette ne pas l’avoir lancée elle-même : « Il y a tant de bruit dans la société roumaine et la qualité du discours a diminué à tel point que la démarche de l’équipe de Factual.ro me semble une initiative d’assainissement. Ils font ce que chacun de nous devrait faire, à savoir appliquer le filtre d’une pensée critique aux déclarations que l’on veut nous faire avaler. Les spécialistes de cette équipe ont des capacités de recherche et de vérification qu’ils mettent au service du public. »
Le projet figure sur Internet depuis un an. L’équipe de volontaires a vérifié, au fil du temps, plusieurs affirmations faites par des hommes politiques aussi bien du pouvoir que de l’opposition.
Personne n’est pris pour cible ou épargné — affirme Alex Roşu : « On ne s’en prend pas à un certain parti ou à un certain candidat. Tout visiteur de notre site peut le constater. La mystification est pratiquée par tous les partis, par les hommes politiques de tous bords. C’est là une initiative citoyenne, dont les racines académiques sont très profondes. Les informations que nous publions sont objectives et véridiques. Si on peut être accusé de faire du mal en dévoilant la vérité, nous assumons ce risque, mais nous ne pensons pas que nous serons en butte à des attaques. Quiconque s’en prendrait à nous se ferait du mal à lui-même et nous mettrait davantage en exergue, ce qui pourrait ne pas faire l’affaire de ceux qui se sentent attaqués. »
Bien que le site soit en ligne depuis un an, les personnes visées n’ont toujours pas réagi. Selon Ioana Avădani, il n’est pas difficile d’expliquer cette inertie. Pourtant, les choses doivent changer: « A ce que j’ai pu constater jusqu’ici, les hommes politiques sont plus sensibles aux messages arrivant du territoire de la télévision plutôt que de la zone en ligne. Pourtant, ils seront obligés de s’adapter, car lespace public en ligne devient de plus en plus puissant. » (Trad. : Dominique)