Block Party à Bucarest
Livres proposés à la lecture, disposés dans la rue sur une installation innovante, lecture de poésie contemporaine et tours guidés du quartier, délices culinaires préparés par Chef Liviu Lambrino et étalés dans la cour sur une table pour 30 personnes. Au milieu de la rue : Paul Dunca, acteur, performeur et chorégraphe, la musique de Jim Felix et des projections de films en plein air – voilà quelques-unes des attractions du premier week-end du mois d’octobre organisé dans la rue, au centre de Bucarest. Edmund Niculuşcă, président de l’Association roumaine pour la culture, l’éducation et la normalité ARCEN, initiateur du projet Block Party, explique : « Nous métamorphosons la rue, nous y créons plusieurs espaces. Pendant toute une journée, il se passe bien des choses rue I.L. Caragiale : nous y amènerons une partie de l’exposition « Mnemonix », qui a représenté la Roumanie à la Biennale d’architecture de Venise. Y sera également présent le projet « Devant le bâtiment de logements », qui rassemble tous les jeux de l’enfance dans un seul livre. Block Party est une fête du jeu, de la danse, du dialogue. »
Ana-Maria Cononovici, 23.10.2018, 12:47
Assis sur des chaises ou des chaises longues et enveloppés dans des couvertures, dans la rue couverte de tapis, les visiteurs ont bénéficié d’une salle de séjour agrandie, meublée d’étagères pleines de livres. Une installation innovante incitait les personnes présentes à choisir parmi une vingtaine de titres : à l’extrémité d’une tige métallique fixée dans une brique se trouvait une plaque sur laquelle reposait un livre. En enlevant le livre, le lecteur trouvait sur la plaque, résumée en cinq lignes, la raison pour laquelle on recommandait la lecture de ce livre. Quelle est l’idée du projet ? Edmund Niculuşcă: « Bucarest avait besoin d’un centre à la fois historique et culturel, et la zone Icoanei peut être un tel centre : c’est une zone historique, elle est située au centre-ville et elle a ce potentiel culturel qui peut créer une vie différente à l’intérieur de la ville. C’est un centre historique d’une autre facture. »
L’histoire y a une valeur culturelle et elle souhaite se faire connaître. Edmund Niculuşcă: « La rue Caragiale deviendra partenaire du projet District 40. L’Institut français, l’Ecole Centrale, Le Hotspot culturel Scena 9, la librairie Cărtureşti et le Centre international de recherches dans le domaine de l’éducation CINETic sont déjà partenaires du projet District 40 et si, lors de la Nuit des Musées, toutes ces institutions ont organisé des projets dans leurs propres espaces culturels, à présent ces espaces culturels se donnent rendez-vous dans une seule rue, prouvant que la collaboration est possible et rendant l’impossible possible à réaliser. »
La poétesse Nora Iuga a rejoint les Bucarestois, rue Caragiale, pour une lecture de ses poèmes. Y ont également été présents Romeo Cuc, commissaire du projet MNEMONICS, l’architecte Şerban Sturdza et le fondateur des librairies Cărtureşti, Şerban Radu. En débat, dans la rue, entre autres, un des projets qui a joui d’un grand succès et qui visait à familiariser le public avec les zones protégées de la capitale. Alberto Groşescu, vice-président de l’Association roumaine pour la culture, l’éducation et la normalité, explique: « Parmi tous les projets que notre association a menés jusqu’ici, celui-ci semble être le plus dynamique, il s’est développé le plus. Initialement, en 2015, nous avions recensé deux zones habitées protégées. Depuis, je me suis rendu compte que le paysage urbain changeait vite et que les zones protégées étaient peu connues des Bucarestois, ce qui m’a donné l’idée de sauver tout ce que l’on pouvait au niveau de l’image. En 2016, nous nous sommes proposé de dresser un inventaire de 98 zones habitées protégées et nous avons recensé environ 14.500 immeubles. L’élaboration de la méthodologie a duré 8 mois et nous avons bénéficié du concours de plusieurs professeurs de l’Université d’architecture « Ion Mincu », de spécialistes de l’Institut du Patrimoine et de l’Ordre des Architectes de Roumanie. »
Nous nous sommes glissés, nous aussi, parmi les visiteurs, pour connaître leurs impressions sur Block Party. Dana, 43 ans, y est venue avec son fils : «Nous avons lu la nouvelle sur Internet et nous sommes venus voir ce qui s’y passait. Et nous avons découvert des gens qui nous ressemblaient, des livres et un endroit calme, comme il n’y en a pas beaucoup à Bucarest. Les gens qui nous ressemblent sont des gens qui aiment le calme, les livres et la ville de Bucarest telle qu’elle est ici et non pas le Bucarest chaotique. » Radu, le fils de Dana, a 13 ans. Pourquoi est-il venu à la Block Party ? « J’étais curieux de voir ce qui s’y passait. C’est agréable de se détendre ainsi, un jour de dimanche, assis sur une chaise longue, d’échapper au stress, de lire. Peu de mes collègues viendraient à de tels événements. »
Les deux soirées se sont achevées dans la bonne humeur, avec quelques dizaines de personnes dansant dans la rue, après une mise en forme avec Paul Dunca. Parmi les questions existentielles lancées sur la musique, il y a eu une qui a retenu notre attention : « Combien d’années vous êtes-vous proposé de vivre ? Votre réponse a changé, n’est-ce pas, avec le temps ? » Or, le temps passé à Block Party semble avoir justement suspendu le temps. (Trad. : Dominique)