Bihor Couture
La beauté du costume traditionnel roumain est bien connue et… reconnue. Aussi, au grand étonnement de tous, une veste en fourrure très semblable à celles spécifiques de la contrée de Bihor, dans le nord-ouest du pays, a été découverte dans la collection d’une maison de mode très connue. Pourtant, rien n’indiquait l’appartenance de ce modèle à notre culture, ce qui a déclenché une campagne visant à protéger les métiers traditionnels. La campagne, baptisée Bihor Couture, a attiré de nombreux militants, parmi lesquels des représentants des communautés locales et de plus en plus d’artisans.
Ana-Maria Cononovici, 02.09.2018, 13:20
Ioana Zamfir, responsable du service de création de l’agence de publicité qui a lancé la campagne, nous parle des débuts de ce projet : « Ce plagiat Dior Bihor n’est pas le premier de ce genre. Ce fut aussi le cas de Tory Burch et puis celui de Valentino, tous récents. En outre, cela ne concerne pas uniquement la Roumanie. Partout dans le monde, de grands noms de la mode copient des modèles de vêtements traditionnels appartenant à différentes cultures. Nous ne souhaitons nullement bloquer les sources d’inspiration des maisons de haute couture, qui devraient continuer à puiser des idées dans les différentes cultures ; le problème, c’est qu’elles ne leur offrent rien en échange : ces cultures ne sont pas promues, elles ne gagnent rien du point de vue matériel, non plus, alors que les artisans de ces pays n’ont plus de ressources pour perpétuer les traditions. Le grand défi pour nous, c’était de canaliser des ressources financières vers les communautés – d’où l’idée de Bihor Couture. Nous avons créé un site pour que les gens puissent y présenter leurs produits et les vendre. C’est le but de cette plate-forme : les aider à vendre leurs produits plus facilement et de manière plus profitable. »
Comment lutter pourtant contre la tendance des gens à préférer des vêtements créés par des maisons de haute couture aux vêtements traditionnels, même s’ils se ressemblent jusqu’au moindre détail ?
Ana Florea, institutrice de maternelle à Beiuş et directrice artistique d’une association culturelle, a assumé dans le cadre de la campagne le rôle d’intermédiaire entre des clients potentiels qui souhaiteraient acheter des produits présentés sur le site Bihor Couture et les artisans censés livrer ces produits.
Ana Florea : « Les artisans sont difficiles à trouver, car ils sont de moins en moins nombreux. Mon rêve est qu’une école ou un atelier soit créé où l’on enseigne la pelleterie et le travail des fourrures, le tissage, la manière de réaliser un costume traditionnel. A présent, dans la zone de Beiuş il y a très peu d’artisans. Je souhaite que leur nombre augmente, à l’avenir. »
A quoi ressemble la veste en fourrure de la zone de Bihor, copiée à 99% par la maison de haute couture ? Ana Florea : « La pelisse de la zone de Bihor n’est pas la plus richement décorée et n’est pas la seule, dans le paysage du costume traditionnel roumain, à mériter l’attention de ceux qui aiment la beauté. La veste de Bihor est plus belle que sa copie, les nuances des couleurs sont un peu différentes et les matériaux utilisés sont naturels. Elle est en cuir tanné et ornée de broderies en laine. On peut également utiliser le cuir écologique, travaillé main, bien sûr. La pelisse de la zone de Bihor est ornée de symboles et fournit des indications sur le statut social de celui qui la porte. Motif de fierté aux temps jadis, elle n’était pas portée par les enfants et les personnes âgées. La veste pour hommes est ornée de broderies florales, même la rivière Criş y était représentée, avec ses poissons. Un symbole sur le dos des pelisses fait la distinction entre ceux pour homme et ceux pour femme. La veste pour homme est ornée d’un symbole phallique. D’ailleurs, c’est la multitude des symboles qui ornent les manteaux qui les rend si beaux. »
Ioana Zamfir, responsable du service de création de l’agence de publicité qui a lancé la campagne Bihor Couture, est optimiste quant au déroulement du projet, malgré les difficultés à affronter : «Travailler une telle pelisse, ça prend du temps, car tout est fait main. Le retour est positif, les gens sont d’avis qu’il fallait faire quelque chose, surtout en Roumanie, pour protéger les traditions et promouvoir nos artisans que personne ne connaît. Il y a de l’espoir et le projet se développe. Nous aimerions que ce soit un exemple pour d’autres cultures, pour qu’elles préservent leurs traditions et que les artisans puissent vendre leurs produits et gagner leur vie. »
Les initiateurs de la campagne nous exhortent à rechercher les produits authentiques et à les acheter chez les artisans des villages, pour contribuer à sauvegarder les traditions. (Trad. : Dominique)