Au-delà des paroles
Cette année, en novembre, elle fêtera son 104e anniversaire. Il sagit de la première association de personnes malentendantes de Roumanie, fondée le 9 novembre 1919, soit lAssociation roumaine des amis des personnes malentendantes.
Ana-Maria Cononovici, 24.10.2023, 14:14
Sa création a été le résultat de l’association bénévole d’un groupe de personnes sourdes. Son premier président fut Alexandru Clarnet, alors que le prince Henry Ghica, fils sourd du souverain Constantin Ghica, a fait partie du premier comité de gestion de cette association. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif qui vise à contribuer à l’insertion des personnes malentendantes dans la société. Dans ce contexte, cet automne un projet inédit a vu le jour : « La semaine de la communauté et de la culture des personnes malentendantes », dont nous a parlé Bogdan Anicescu, directeur culturel de l l’Association roumaine des amis des personnes malentendantes : « La Semaine de la culture et de la communauté des personnes malentendantes est une initiative bilatérale, mise en œuvre par l’Association nationale roumaine des personnes malentendantes, en partenariat avec l’Organisation norvégienne et l’Organisation internationale pour la démocratie et les droits de l’homme. A travers ce projet, nous souhaitons montrer une dimension culturelle de la surdité, mettre la personne malentendante au premier plan en tant que membre d’une communauté, en tant que membre d’une minorité culturelle et linguistique, fondée sur une langue autre que la langue roumaine, soit la langue des signes en roumain. Bénéficiant pratiquement des subventions norvégiennes et incluant ce projet dans le cadre du programme « Timişoara Capitale européenne de la culture », nous avons voulu transformer Timişoara non seulement en capitale européenne de la culture, mais aussi en capitale de la culture des personnes malentendantes, y organisant toute une série d’événements dédiés à la culture des personnes malentendantes du 11 au 24 septembre 2023.»
A l’affiche de cette « Semaine de la communauté et de la culture des personnes malentendantes » figuraient : le concours de beauté et de talents « Miss et Mister Silence », un festival de danse et de pantomime, un séminaire conjoint avec des partenaires norvégiens sur la question de l’insertion culturelle des personnes malentendantes et la première du court métrage réalisé dans le cadre de ce projet, « Amour sans paroles ». S’y ajoutaient une Marche du silence, où des centaines de personnes malentendantes se sont réunies dans le Parc Botanique de Timisoara et sont parties pour un parcours à travers le centre, ainsi que l’atelier sur le langage des signes, où les personnes non malentendantes ont eu l’occasion d’apprendre quelques expression de base dans cette langue.Octavian Iacob est le réalisateur du film « Amour sans mots ». Il nous a raconté comment les enregistrements avec des acteurs malentendantes se sont déroulés. : « Nous avons eu un interprète, qui devait être toujours devant eux. Souvent, « devant eux » ne signifiait pas qu’il restait derrière la caméra, mais souvent juste à côté d’eux, voire même dans le cadre de la caméra. Du coup, il a fallu du temps pour ajuster l’image et le cadre à ce que nous devions filmer. C’était un défi que nous avons accepté, que nous avons aimé et que nous devons à toutes ces personnes qui ont été très ouvertes, très transparentes, très disposées à jouer, à s’affirmer. Qui plus est, elles ont bénéficié d’une attention exceptionnelle durant les quatre jours du tournage. C’était vraiment exceptionnel et une expérience complètement nouvelle, que l’on ne rencontre sur aucun plateau et, il faut l’avouer, que l’on ne rencontre pas dans la vie quotidienne non plus. »
Et Octavian Iacob aussi de nous donner des informations sur le développement du casting « Nous sommes allés à Timișoara. C’est là où nous avons fixé un jour pour le casting, lorsque plusieurs personnes malentendantes se sont présentées, et nous avons fait la sélection selon plusieurs critères, par exemple, du point de vue du scénario, pour correspondre aux personnages tels qu’ils avaient été décrits. Nous avons également fait attention au talent de ces personnes, à leur relation avec la caméra, à leur capacité d’apprendre et de reproduire un texte, à travers des signes. J’ai dû moi-même apprendre ces signes, car la technique d’enregistrement était différente. »
Etant donné qu’il s’agissait d’un court métrage, Octavian Iacob a également fait appel à des acteurs professionnels, notamment à Paul Diaconescu et à Cristina Velciu, qui ont attiré l’attention du public sur l’histoire initiale, sur ce qu’ils voulaient exprimer. Quant aux acteurs malentendants du film, Octavin Iacob nous a raconté que : « Ce ne sont pas des acteurs, et ils n’ont même pas eu le temps de faire une seule répétition. Ils ont lu le scénario pendant deux semaines et tout s’est déroulé en ligne, sur la plateforme Zoom à l’aide d’un interprète, ce qui était très difficile. Le premier jour du tournage, nous avons commencé par des scènes plus faciles, pour qu’ils puissent s’adapter, et j’ai été surpris de constater qu’ils connaissaient très bien leur texte. L’interprète suivait le texte et il me confirmait que presque chaque mot était exprimé. J’ai dit « presque », parce que dans la langue des signes on ne parle pas de la même manière qu’avec la voix. »
Pour finir, nous repassons le micro à Bogdan Anicescu, le directeur culturel de l’Association roumaine des amis des personnes malentendantes, qui dresse le bilan de ce projet : « « Amour sans paroles » est aussi ce que nous ressentons, puisque nous avons réussi à mettre en place cette activité dans le cadre de notre projet commun de la Semaine de la communauté et de la culture des malentendants. Cette idée existait depuis un certain temps déjà et nous avons souhaité très fort pouvoir mettre sur pied un tel projet à Timisoara, pour que la ville devienne la scène de la toute première production cinématographique de ce type de Roumanie, ciblée sur les malentendants et le langage des signes. C’est le résultat du travail d’une petite équipe, mais animée par de grandes ambitions et une grande âme et nous sommes heureux d’avoir pu collaborer si bien avec le réalisateur Octavian Iacob, la productrice Mirela Musat et l’ensemble de leur équipe. Tout s’est passé très vite et le résultat final est exceptionnel, surtout que nous avons eu des retours positifs tant de la part du public malentendant, que de la part des autres spectateurs, ce qui est vraiment important. Bref, notre film veut transmettre le message suivant : l’amour franchit toutes les barrières de communication et le langage des signes peut nous unir. »
Voilà donc, un projet qui n’est qu’à ses débuts et qui va à la rencontre du mouvement culturel des malentendants de Roumanie, un mouvement qui va bien au-delà des limites de l’Association que nous avons découverte aujourd’hui ou de la communauté des malentendants. (Trad. Andra Juganaru, Valentina Beleavski)