Ruxandra Cesereanu – la poésie en tant que vocation
«Cest un volume qui a de la force, qui est bien construit, probablement le meilleur que Ruxandra Cesereanu ait écrit jusquici. Initialement son titre était « Hôtel Californie sur les quais du Somes ». Mais lauteure a renoncé au mot « hôtel » juste avant la publication, décidant quil était « limitatif » pour un livre dans lequel elle voulait parler de lenfance, de ladolescence, de la jeunesse et de la maturité, de la foi dans la poésie et de la lutte pour la poésie. Ruxandra Cesereanu : « Je navais pas fixé de projet au moment où jai commencé, cette démarche qui sest concrétisée à mesure quelle sest développée. Au début, je croyais que jallais écrire un poème de 5 pages. Javais déjà pensé à 3 niveaux: un niveau visuel réaliste, à savoir les rives de la rivière Somes, un niveau de la foi en poésie et en la méta-poésie et un 3e niveau consacré aux souvenirs. Mais je ne savais pas quil allait se développer tant, je croyais que ce serait un poème plus concentré. Ensuite, à partir dun moment, jai constaté que ces niveaux étaient en fait beaucoup plus amples. Au début javais donc pensé au titre « Hôtel Californie sur les quais du Somes », inspiré de la célèbre chanson Hotel California du groupe Eagles. Cela aurait suffi pour un poème de 5 pages. Mais au moment où le poème initial sest transformé en plusieurs poèmes, en une sorte de fleuve comportant plusieurs niveaux et se développant dans différentes directions, je me suis rendu compte que le terme dhôtel désignait un espace trop limité pour contenir tout ce flux didées ». En 2013, Ruxandra Cesereanu a acheté un vélo et a commencé à faire des randonnées sur les rives du Somes. Elle raconte: « Je rentrais chez moi après avoir fait plusieurs tours à vélo le long de la rivière, lorsque jai entendu le son dune guitare et des voix: des garçons et de filles jouaient la chanson « Hotel California » du groupe Eagles. Ces notes improvisées, ces voix tantôt aiguës, tantôt rauques mont transportée dans le temps, à lépoque où jétais moi-même adolescente et je chantais avec frénésie aux côtés de mes copines de lycée (et plus tard de faculté) le même morceau soit sur les bords du Somes, soit à différentes fêtes de lycéens ou détudiants qui se croyaient le centre de lunivers. Ce voyage dans le temps a fait naître un poème ou plutôt un livre composé dun seul poème sur trois niveaux ».
Corina Cristea, 25.07.2015, 13:00
«Cest un volume qui a de la force, qui est bien construit, probablement le meilleur que Ruxandra Cesereanu ait écrit jusquici. Initialement son titre était « Hôtel Californie sur les quais du Somes ». Mais lauteure a renoncé au mot « hôtel » juste avant la publication, décidant quil était « limitatif » pour un livre dans lequel elle voulait parler de lenfance, de ladolescence, de la jeunesse et de la maturité, de la foi dans la poésie et de la lutte pour la poésie. Ruxandra Cesereanu : « Je navais pas fixé de projet au moment où jai commencé, cette démarche qui sest concrétisée à mesure quelle sest développée. Au début, je croyais que jallais écrire un poème de 5 pages. Javais déjà pensé à 3 niveaux: un niveau visuel réaliste, à savoir les rives de la rivière Somes, un niveau de la foi en poésie et en la méta-poésie et un 3e niveau consacré aux souvenirs. Mais je ne savais pas quil allait se développer tant, je croyais que ce serait un poème plus concentré. Ensuite, à partir dun moment, jai constaté que ces niveaux étaient en fait beaucoup plus amples. Au début javais donc pensé au titre « Hôtel Californie sur les quais du Somes », inspiré de la célèbre chanson Hotel California du groupe Eagles. Cela aurait suffi pour un poème de 5 pages. Mais au moment où le poème initial sest transformé en plusieurs poèmes, en une sorte de fleuve comportant plusieurs niveaux et se développant dans différentes directions, je me suis rendu compte que le terme dhôtel désignait un espace trop limité pour contenir tout ce flux didées ». En 2013, Ruxandra Cesereanu a acheté un vélo et a commencé à faire des randonnées sur les rives du Somes. Elle raconte: « Je rentrais chez moi après avoir fait plusieurs tours à vélo le long de la rivière, lorsque jai entendu le son dune guitare et des voix: des garçons et de filles jouaient la chanson « Hotel California » du groupe Eagles. Ces notes improvisées, ces voix tantôt aiguës, tantôt rauques mont transportée dans le temps, à lépoque où jétais moi-même adolescente et je chantais avec frénésie aux côtés de mes copines de lycée (et plus tard de faculté) le même morceau soit sur les bords du Somes, soit à différentes fêtes de lycéens ou détudiants qui se croyaient le centre de lunivers. Ce voyage dans le temps a fait naître un poème ou plutôt un livre composé dun seul poème sur trois niveaux ».
Ruxandra Cesereanu. «Il marrive quelque chose de bizarre, mais cest aussi quelque chose de bénéfique, qui me remplit dénergie et de vie, d«ultravie», comme je lappelle. Parce quil est évident que, pour moi, ce livre est déjà une forme de vie. Je suis sûre et certaine quil va se développer. Je crois que les niveaux ajoutés donneront naissance à dautres, surtout pendant les vacances dété, parce que cest à ce moment – là que se déclenchent mon proustianisme, mes souvenirs. Ce livre va donc évoluer dans le temps, mais il restera uniquement sous forme de manuscrit ; je ne vais plus en publier la suite. Jai déjà publié une édition avec 17 fragments ajoutés. Dorénavant, peu importe combien je vais écrire, il ny aura quun manuscrit électronique, qui nappartiendra quà moi et qui aura pour moi une fonction vitale».
Sur le volume « Californie sur les quai du Somes », on a dit que cest un livre sur la poésie comme vocation à perpétuité et sur la confiance existentielle que lon fait à la poésie. Le poème comporte aussi des références livresques essentielles pour lart poétique de Ruxandra Cesereanu : « Personnellement, je me suis formée dans un climat dominé par la poésie. Dans mon adolescence, mon père avait pris lhabitude de me lire des poésies. Javais 17 ou 18 ans quand il ma fait découvrir les poètes de la génération dite « des années 80 » et cest avec lui que jai commencé à commenter ce genre de poésie et par la suite, toute la grande poésie universelle. Jai donc grandi avec cette idée dans la tête que la poésie, cest ce quil y a de plus beau. Mais à lépoque, jignorais complètement que la poésie deviendrait si importante pour moi. Il est pourtant vrai quà force de vivre au sein dune société dévêtue de tout mystère et post post moderniste qui tourne le dos aux archétypes, on essaie de se mettre à labri des paroles pathétiques. Mais moi, tout en madaptant aux exigences de la société actuelle, je reste fidèle à mes repères de jadis. Du coup, pour moi, la poésie représente une sorte de rédemption vitale. Je fais confiance à la poésie et je me débats pour elle car cest la forme suprême de lart, le seul genre littéraire que lon pourrait comparer à la musique symphonique. Et quand je parle de la poésie je ne me réfère pas seulement aux techniques de la poétique, mais à la haute qualité esthétique des vers. Cest pour cela que je lutte. Je suis certaine quau sein dun monde désenchanté, il nous reste encore des solutions pour rallumer le mystère par de belles histoires. Car cest par des histoires et de la poésie que lon peut toujours sauver notre monde. Je doute quune poésie du dérisoire ou du sentimentalisme soit capable de résister. Par contre, je parie sur une poésie mélangée à la méta-poésie qui fait de la croyance dans la littérature une véritable forme de vie ».
Schizoid Ocean (Locéan schizoïde – poèmes, 1997); Panopticon. Political Torture in the 20th Century (La Torture politique au XXème siècle – essais, 2006); Forgiven Submarine (Le sous-marin pardonné – poème, 2009) figurent parmi les volumes écrits en anglais et signés Ruxandra Cesereanu. Jane Elridge Miller lui consacre plusieurs pages dans le volume « Whos Who in Contemporary Womans Writing », paru chez Routledge Publishing House, à Londres et New York. (Trad. Valentina Beleavski, Ioana Stancescu)