Récompenses internationales pour un film documentaire roumain
Corina Sabău, 08.01.2022, 08:38
Le film documentaire Pentru mine tu ești Ceaușescu/You
Are Ceauşescu To Me/Pour moi, tu es Ceauşescu, du réalisateur roumain Sebastian Mihăilescu, a reçu, à la fin
de l’année passée, des prix festivaliers importants : celui du meilleur
film d’Europe centrale et orientale et celui de la meilleure photographie au
Festival international du film documentaire de Jihlava, en République Tchèque,
ainsi que le prix du meilleur premier long-métrage (New Talent Award) au Festival
DocLisboa, au Portugal. Le jury du festival de Jihlava a motivé son choix par
« la manière ludique dont le film recrée l’histoire de la Roumanie en
utilisant la méthode de la reconstitution historique et en analysant ceux qui
l’interprètent, dans une narration basée sur l’autoréflexion. ».
Pentru
mine tu ești Ceaușescu est un mélange expérimental de documentaire et de
fiction, qui veut découvrir la motivation des actions du jeune Nicolae
Ceaușescu, le dernier dictateur roumain et le chef de la République socialiste
de Roumanie depuis 1967 jusqu’à la chute du régime communiste, le 22 décembre 1989.
Dans le film expérimental de Sebastian Mihăilescu, des jeunes entre 15 et 22 ans,
de milieux sociaux différents, participent à un casting pour le rôle de Nicolae
Ceaușescu dans sa jeunesse des années 1930. Les adolescents prennent la pose
imitant les photos d’archives, transformant en fiction des documents officiels
et interagissant les uns avec les autres. Ils se rapportent à Nicolae Ceaușescu
comme à un personnage fictif, sans idées préconçues et en s’appropriant ses
caractéristiques en fonction de leurs passions, à travers les clichés véhiculés
par le cinéma commercial.
Le réalisateur Sebastian Mihăilescu explique: « Je voudrais souligner
le fait que le personnage de mon documentaire n’a pas beaucoup de points
communs avec le personnage historique Nicolae Ceaușescu. Celui-ci m’a tout
simplement servi de prétexte, dans le sens d’avoir choisi de recourir à un
personnage à la fois caricatural et iconique, à l’exemple du leader communiste
chinois Mao Zedong et ses portraits réalisés par Andy Warhol – c’est un personnage
sur lequel tout le monde a une opinion, même si on ne connaît pas beaucoup de
choses sur lui ou même si on n’a pas
connu la vie sous un régime communiste. Moi, j’ai eu la chance de collaborer
avec un historien, ce qui m’a donné accès au dossier sur le jeune Ceaușescu de
la Sûreté de l’État, le service secret de la Roumanie jusqu’au 13 novembre
1940. Lorsque j’ai eu l’idée de faire ce film, j’avais en tête de montrer Nicolae
Ceaușescu comme un personnage iconique, que nous pensons tous connaître, mais
que nous tous ignorons en fait. Et, puisqu’il m’a été impossible d’imaginer un
quelconque acteur interpréter ce rôle, j’ai eu l’idée d’un portrait collectif
et j’ai choisi de m’arrêter sur la période de la vie de Ceauşescu d’avant 1945,
quand il faisait de la politique dans l’illégalité, quand il est passé par la
prison. J’ai trouvé que cette période était plus intéressante pour mon film,
surtout qu’il n’existe pas du matériel filmé avec Ceaușescu dans les archives,
puisqu’à l’époque, il ne présentait aucun intérêt. Mon défi a été de créer des
images qui n’existent pas en réalité et de lancer cette interrogation sur la
possibilité qu’un film construit à partir de cette idée puisse contenir un
petit bout de vérité. J’ai pensé que le casting d’interprètes aussi jeunes que Ceaușescu
à cette époque-là pourrait me permettre d’approcher la vérité. J’ai donc
cherché des jeunes de milieux sociaux différents, plus éduqués, moins éduqués,
des jeunes qui ont abandonné l’école avant le collège, tout comme Ceaușescu, mais aussi des gens qui ont
continué leurs études. Par ce casting, j’ai essayé de voir si je pouvais
trouver le jeune Ceaușescu, mais j’ai aussi essayé de me rendre compte quelle
serait la graine du futur dictateur, la graine du mal, découvrir quand et
comment un être humain change, ce qui se cache dans un homme tellement
controversé. »
La distribution du film Pentru mine tu ești Ceaușescu/You
Are Ceauşescu To Me/Pour moi, tu es Ceauşescu, du réalisateur roumain Sebastian Mihăilescu, rassemble des
acteurs professionnels et des non-professionnels. Le documentaire est produit
par la maison de production Wearebasca, avec le soutien du Centre national de
la cinématographie et de la Société roumaine de télévision. Sebastian
Mihăilescu (né en 1983) est diplômé de l’Université d’art théâtral et
cinématographique « I.L. Caragiale » (promotion 2013), où il a aussi
fait un master. Son
film de fin d’études, Appartement de
l’entre-deux-guerres, dans une magnifique zone, ultra-centre-ville, (court-métrage
sur un scénario de Sebastian Mihailescu et Andrei Epure, produit par la
société de production HiFilm) a été présenté en première à l’édition 2016 du
Festival international du film de Locarno – Pardi di Domani Competition. (Trad.
Ileana Ţăroi)