Odeon 70 ans
Rebaptisé plus tard Théâtre Giuleşti, il allait emménager en 1974 dans un célèbre édifice situé Avenue de la Victoire et qui abritait le Théâtre de comédie Majestic. En 1990, il changea de nom une nouvelle fois, sur linitiative du directeur de lépoque, le metteur en scène Vlad Mugur. Depuis lors, il sappelle Théâtre Odeon. Selon lhistorienne Maria-Magdalena Ioniţă, le choix du nom na pas été aléatoire, vu que larchitecte du bâtiment, Grigore Cerchez, sétait inspiré du célèbre Théâtre de lOdéon de Paris. En plus, les comédiens roumains avaient même repris certains éléments du répertoire de leurs confrères français. Le Théâtre Odeon de Bucarest vient de célébrer son 70e anniversaire. Lévénement a été marqué, entre autres, par le dévoilement des bustes dElena Deleanu, qui a dirigé cette institution culturelle 38 années durant, et du comédien Ştefan Bănică. Considéré comme la vedette du quartier, ce dernier avait fait partie de la troupe qui se produisait sur les planches du Théâtre Giuleşti. Quant à Elena Deleanu, cest elle qui a fait toutes les démarches nécessaires pour que le Théâtre Giuleşti obtienne lactuelle Salle Majestic. Et cest toujours à loccasion de son 70e anniversaire qua été lancé le volume « Odeon 70. Aventure historique et hommage », signé par Miruna Runcan, critique dart et ancienne secrétaire littéraire de ce théâtre entre 1991 et 1994.
Luana Pleşea, 31.12.2016, 13:16
Le titre sest voulu incitatif, précise lauteure : « Jai souhaité inciter les lecteurs. Il ne sagit pas que de données commentées, vu que le livre entend marquer aussi lâge vénérable du Théâtre Odeon, dénommé Giuleşti par le passé. Par ailleurs, la recherche a été pour moi une véritable aventure. Le matériel documentaire est pauvre. Certains éléments, surtout des chroniques, sont conservés dans les archives du Théâtre Odeon, dautres non. La période la plus étrange est celle des années 1950-1960, juste après la création de ce théâtre, en 1946. Comme je nai trouvé presque rien sur les années 46 – 50, jai dû pousser mes recherches. Le titre essaie aussi de rendre le ton que jai peiné à trouver pour mon récit. Un ton assez émotionnel, étant donné que jai vu le jour dans limmeuble situé vis-à-vis du Théâtre Giuleşti. Jai donc été intéressée à en connaître lhistoire et surtout ce mélange didéologie communiste, qui la fait naître dun jour à lautre, et de besoins réels ressentis par les habitants de lespace où ce théâtre est apparu. Complètement oubliée de nos jours, la tradition de cet endroit précis de la capitale doit être récupérée ».
Le livre a bien évidemment une structure chronologique, mais son auteure sest rapportée aussi à la situation politique du moment, aux avatars du communisme pendant les 45 années dexistence du régime, de sorte que le lecteur puisse mettre en contexte lactivité du théâtre. Dautre part, elle a envisagé dillustrer les différents débats esthétiques, lévolution de la mise en scène du théâtre roumain.
Miruna Runcan a également indiqué les moments les plus représentatifs de lhistoire du Théâtre Odeon de Bucarest : « Un moment très important cest lannée 1956, un véritable tournant de la pensée esthétique et de la vision de la mise en scène. Or, le Théâtre Giuleşti était alors le fer de lance dune nouvelle réflexion sur lacte théâtral, puisquil bénéficiait de la présence de deux jeunes metteurs en scène très énergiques et qui étaient au courant des nouvelles tendances esthétiques. Il sagit de Lucian Giurchescu et de Horea Popescu. Le deuxième moment important est celui des années 70. Ce fut une période très faste pour le théâtre roumain dans son ensemble. Pour le Théâtre Odeon, elle est connue sous le nom de lépoque Dinu Cernescu. Malgré quelques très bons spectacles, la décennie suivante allait être tout le contraire, pour le théâtre comme pour la vie des gens. Ce laps de temps a été vraiment affreux. Un autre épisode remarquable de lhistoire du théâtre roumain est celui du metteur en scène Alexandru Dabija, qui a monté des spectacles tout à fait extraordinaires. Je ne saurais oublier de mentionner aussi la pièce « Et ils passèrent des menottes aux fleurs… », qui a marqué larrivée en Roumanie de Hausvater, puis « Richard III », mis en scène par Măniuţiu, « Chez les gitanes », un autre spectacle monté par Hausvater, enfin quelques pièces montées par Dragoş Galgoţiu. Jai lembarras du choix, parce que ce théâtre a eu une trajectoire constante. Cest dailleurs lun des rares théâtres de Roumanie à avoir connu une telle évolution après 1996. Presque invariablement, son niveau artistique est allé croissant dune saison théâtrale à lautre. »
Le théâtre Odeon de Bucarest a également été le premier à avoir beaucoup diversifié son répertoire, après 1990. Il sest penché sur les créations les plus récentes et a accueilli en permanence lectures spectacles, expositions et programmes dédiés aux enfants. Cela fait maintenant 20 ans que la comédienne Dorina Lazăr tient les rênes de cette prestigieuse institution. Membre de la troupe de ce théâtre dès 1969, elle en a été la directrice artistique entre 1996 et 2002 avant dêtre nommée, en 2003, à la tête du théâtre.
Dorina Lazăr nous a parlé de la relation du Théâtre Giuleşti/Odeon avec le public, au fil de toutes ces années : « Le public qui se rend à la salle Giuleşti, tout comme celui qui vient ici à lOdéon, est formé de passionnés de théâtre. Quand nous jouions dans le quartier de Giulesti, nous avions notre public fidèle qui venait même du centre de la ville pour nous applaudir. Voilà pourquoi, sur linsistance de la directrice, madame Deleanu, un arrêt de bus a été créé expressément, de sorte que les gens puissent venir au théâtre. Il existe aujourdhui encore, près du Pont Grant. Certains des spectateurs qui fréquentent notre théâtre depuis leur jeunesse, y emmènent maintenant leurs petits-enfants, car nous avons des spectacles pour tous les âges. Il y a aussi beaucoup de jeunes. En plus, chez nous, le prix des billets na pas augmenté, justement pour rendre le théâtre accessible au grand public. »