« Moromeții 3 »
le chapitre final de la trilogie inspirée par Marin Preda
Corina Sabău, 11.01.2025, 16:01
« Moromeții 3 », du réalisateur Stere Gulea, a été un des films les plus attendus par la public et la critique l’année dernière. Il est également le troisième et dernier volet d’une trilogie unique dans le cinéma roumain, extraite de l’œuvre et de la vie de l’écrivain Marin Preda. Le premier volet, lancé en 1988, avait été une adaptation plutôt fidèle du premier volume d’un roman très apprécié, « Moromeții / Les Moromete », la suite, « Moromeții 2 » (sortie en 2018), s’est inspirée du second volume du même roman, ainsi que d’un autre, intitulé « Viața ca o pradă / La vie comme une proie », et de l’œuvre journalistique de Marin Preda.
Un scénario tiré du journal personnel de Marin Preda et de documents divers
Cette troisième partie de la trilogie, dont le réalisateur Stere Gulea a aussi écrit le scénario, s’appuie sur le journal intime de l’écrivain Marin Preda, mais également sur des documents, privés ou publics, qui recréent l’atmosphère des années 1950, une époque marquée par une très forte tension sociale et idéologique, par l’ascension du parti communiste, devenu le seul parti politique officiel en Roumanie. Cette production continue à raconter l’histoire de Niculae, le benjamin de la progéniture d’Ilie Moromete, qui est devenu un jeune écrivain à succès, un personnage alter ego de l’écrivain Marin Preda, déçu aussi bien par ses convictions politiques que par la guilde littéraire, obligée à obéir aux contraintes idéologiques. Le film met aussi en lumière le rôle important joué dans la vie de Marin Preda par deux artistes spéciales: Nina Cassian et Aurora Cornu. « C’est une image qui couvre le comportement et l’attitude adoptés par Marin Preda dans des situations politiques de l’époque. J’ai essayé de comprendre son itinéraire et d’illustrer ce voyage essentiel en recourant à la fiction. J’ai aimé l’idée de faire un film sur ces temps-là, qui sont assez ignorés de nos jours », nuance le réalisateur Stere Gulea.
Une histoire d’amour très spéciale
Nous avons invité au micro de RRI l’actrice Olimpia Melinte, interprète du personnage Vera Solomon, inspiré par la poétesse Nina Cassian. Elle nous a parlé de l’évolution du scénario, écrit par Stere Gulea, et de sa propre documentation pour le rôle qu’elle a assumé, puisque Nina Cassian a été une artiste particulièrement complexe, à la fois complice et contestatrice du régime stalinien : « Tout a commencé avec un casting. Ensuite, j’ai rencontré monsieur Stere Gulea, j’ai pu voir son scénario de plus près et j’ai appris ses attentes, ce qui m’a permis de conclure que le destin m’avait choisi pour interpréter ce personnage. Si on me compare à Nina Cassian du point de vue de l’apparence physique, elle et moi n’avons pas beaucoup de choses en commun. Mais je crois que ce qui nous unit c’est la passion. Nina Cassian s’est beaucoup passionnée pour la poésie, la musique, pour le dessin et la peinture, elle était attirée par tous les beaux-arts. Elle était une artiste complète et je crois que c’est justement cette passion qui l’a soutenue en général et en particulier durant cette époque très compliquée, quand elle avait fait le choix de se tourner vers la musique et de ne rien publier, tellement le régime était horrible. Or cette passion pour les arts a été le lien très fort avec mon personnage. Quant à la documentation de l’époque en question, les années 1950, et du personnage, il y a eu des mois de conversations et de répétitions aux côtés de monsieur Stere Gulea. J’ai lu les journaux intimes de Nina, ses interviews, tout ce que j’ai trouvé sur elle en ligne. J’ai regardé aussi, bien-sûr, le documentaire avec Nina Cassian, « Distanța dintre mine și mine / La distance entre moi et moi-même », réalisé par Mona Nicoară et Dana Bunescu, et ça m’a beaucoup aidée à comprendre cette artiste, qui faisait l’objet de certains préjugés. J’ai voulu comprendre l’être intime et la profondeur d’esprit de Nina, telle que d’autres ne l’avaient pas vue, telle qu’on peut la voir vers la fin de sa vie, dans ce documentaire. Ce sont des instants de sincérité, quand Nina Cassian enlevait son masque social, quand elle s’était donné la chance de vivre cette histoire d’amour difficile à expliquer avec Marin Preda. »
Marin Preda et Nina Cassian
Olimpia Melinte a raconté comment la relation amoureuse entre Marin Preda et Nina Cassian a été recréée dans le film : « Nous n’avons pas voulu l’expliquer, parce que dans la vie on n’arrive pas à expliquer. Ou bien on le fait des années plus tard, quand deux personnes se revoient et réussissent à expliquer certaines choses. Concernant nos protagonistes, nous avons essayé de reconstruire leur relation à partir de leurs journaux intimes et nous avons voulu la rendre aussi proche de la réalité que possible. Le travail de nous tous a été colossal, parce que le scénario a été modifié d’innombrables fois, de nouvelles séquences y ont été introduites au fur et à mesure, car monsieur Stere Gulea a travaillé sans arrêt là-dessus. Il nous est arrivé d’apprendre le jour-même du tournage qu’il avait introduit une nouvelle séquence. Par exemple, quand les répétitions avaient commencé, l’histoire d’amour entre Marin Preda et Nina Cassian était secondaire dans le scénario initial. Mais je crois qu’elle a pris du poids avec l’évolution de notre travail et j’en suis très contente car elle a été très importante pour eux deux. »
Générique final
Outre Olimpia Melinte, l’affiche du film « Moromeții 3 » inclut les noms de plusieurs acteurs roumains des plus appréciés : Alex Călin, qui a endossé le personnage Niculae Moromete, et Horaţiu Mălăele, qui reprend pour la deuxième fois le rôle Ilie Moromete. La distribution est complétée par Mara Bugarin, Răzvan Vasilescu, Iulian Postelnicu, Cătălin Herlo, Dana Dogaru, Toma Cuzin, Ana Ciontea, Laurențiu Bănescu, Conrad Mericoffer, Ioan Andrei Ionescu, Andreea Bibiri, Ilinca Hărnuț, Dorina Chiriac et Oana Pellea. Cristian Niculescu a créé les décors et Dana Păpăruz les costumes. Vivi Drăgan Vasile est le directeur de la photographie, Alexandra Gulea a signé le montage, Ioan Filip et Dan-Ștefan Rucăreanu le son, et Cristian Lolea la musique du film. Récompensé du prix du public au Festival international du film Transilvania TIFF 2024, « Moromeții 3 » a également été projeté à plusieurs autres festivals nationaux (TIFF Chișinău, Serile Filmului Românesc/Les Soirées du film roumain – Iași, Film în Sat/Film au village – Peștișani, TIFF Timișoara). (Trad. Ileana Ţăroi)