Mircea Cantor à Art Safari 2023
Ion Puican, 04.03.2023, 12:52
Plus de 600 œuvres d’art sont exposées
dans centre-ville de la capitale roumaine, Bucarest, à l’intérieur du Palais
Dacia-Roumanie. C’est bien la 11e édition du plus grand pavillon
d’art de Roumanie : le déjà célèbre Art Safari. Cette année, il aborde plusieurs
thématiques : art contemporain de France et de Roumanie et art de
patrimoine d’Espagne et de Roumanie.
En donnant le coup d’envoi de cette 11e
édition, sa directrice générale, Ioana Cioca, a déclaré :
« Si vous avez jamais pensé que l’art était
ennuyeux, alors sachez que vous changerez tout de suite d’avis en franchissant les
portes de l’exposition préparée par nos artistes invités. Ici, à Art Safari,
vous verrez des autoportraits, des scènes avec des paysans, des lumières
spectaculaires, même des danseurs de l’Opéra de Paris, des toiles, des huiles
et, surprise, des plantes qui poussent dans des baskets aussi. »
Un des artistes présents dans le cadre
de cette 11e édition d’Art Safari est le lauréat du prix Marcel
Duchamp 2011, Mircea Cantor. L’artiste roumain qui vit et travaille entre
Paris, en France, et Cluj, en Roumanie, survole différents milieux artistiques,
à commencer par le cinéma, en passant par la peinture et les installations,
ainsi que les interventions éphémères. Il nous a parlé de ses deux créations
exposées à Art Safari 2023.
Mircea Cantor : « Il s’agit d’une exposition réunissant
plusieurs lauréats du prix Duchamp, une sélection qui s’intitule « Palace
of Memory » (Le Palais de la Mémoire). Moi, j’y suis invité avec deux ouvrages
inédits pour la Roumanie, dont un est cette rosette réalisée avec des cannettes
de soda. Elle a été inspirée par la rosette de la cathédrale de Reims, en France,
lors d’une résidence artistique de 2007. J’ai vu cette rosette-là et j’ai voulu
créer un dialogue entre l’artiste contemporain que je suis et l’art classique,
ancien. Mais que pourrais-je faire ? On y retrouve Chagall, avec ses
vitraux magnifiques. Les rois de France y ont été couronnés. C’est donc un
endroit très prestigieux et je cherchais quelque chose comparable à l’histoire
de cet endroit. Et en faisant, en weekend, la navette entre Paris et Reims, à
un moment donné j’ai vu un mendiant près de l’Hôtel de ville de Paris, qui
fabriquait une sorte de cendriers, comme il les appelait, et qui avaient la
forme de cette rosette. Cela m’a beaucoup plu. Ce fut un véritable déclic. Je
lui ai demandé de m’en fabriquer 2000 sur le même modèle avec lesquels j’allais
faire cette rosette. Il a accepté et c’est ainsi qu’est née cette
rosette : de l’idée de sublimer le banal à l’aide de quelque chose qui
peut aller plus loin, vers une expérience esthétique, par un acte artistique
bien défini. C’est-à-dire, le spirituel, que signifie aujourd’hui ce spirituel
qui est sous nos yeux ? Il faut juste le transformer, le transmettre, le
sublimer dans une œuvre d’art. C’est ça le rôle de tout artiste, n’est-ce pas,
de sublimer la réalité, pas de l’exprimer telle qu’elle est. Du coup, il existe
des artistes divers, de domaines divers, certains optent pour le dessin,
d’autres pour la sculpture, d’autres encore pour le cinéma. Par exemple,
Clément Cogitore est un artiste qui me plaît beaucoup, qui travaille beaucoup
avec le film, tout comme moi, et qui présente son film dans cette exposition.
(…) Ma seconde création est quelque chose de très spécial, de très beau, elle
m’est très chère, puisqu’elle est née d’une relation de longue durée avec Geta
Brătescu (n.d.r : artiste plasticienne, photographe, écrivaine). Une
relation d’amitié entre artistes. En fait, en 2014, alors que je lui rendais
visite dans son atelier, et j’y allais assez souvent, je lui ai dit :
« Madame, je vous lance un défi, comme ça, entre collègues. J’aimerais utiliser
vos mains dans une chorégraphie, parce que la main, vous le savez très bien,
est l’instrument de l’artiste. Un artiste travaille avec ses mains. Il a besoin
de ses mains pour matérialiser ses idées, ce que son cœur ou sa tête lui dicte.
Alors, j’ai fait plein de photos que vous pouvez voir ici, dans cette
exposition. J’en ai apporté 7, une pour chaque journée de travail avec les
mains, une sorte d’hommage rendu au travail, qui a donné du courage et de
l’élan à de nombreux artistes de la nouvelle génération, et à moi-même aussi…
C’est un aspect qui m’a beaucoup aidé, même si je ne sais plus s’il existe
encore de nos jours. Mais c’est un aspect important parce que l’art est
toujours direct, il va de l’artiste à l’artiste, de l’artiste au public, il n’a
pas d’intermédiaire (…) »
Autant de sources d’inspiration pour Mircea
Cantor, cet artiste roumain pas comme les autres. Et ses projets ne s’arrêtent
pas là : « J’ai plein de
projets, dont une exposition dont je suis le commissaire et que j’aimerais voir
inaugurer au niveau national et international. Puis, il y a le monument d’Ivan
Patzaichin (n.d.r. sportif roumain, champion du kayak-canoë). On est 5 artistes
à travailler là-dessus et il sera inauguré le 8 septembre à Tulcea. Récemment,
j’ai été nominé pour un prix de dessin en France appelé «DrawingNow» et dont
les lauréats seront annoncés fin mars. Aussi, un livre qui paraîtra cet
automne. Beaucoup de projets… »
Comme vous avez pu le constater, Mircea
Cantor est un artiste contemporain avec une vision spéciale du monde et de
l’art. Rien d’étonnant donc qu’il ait déjà été récompensé par de nombreux prix
prestigieux. Micea Cantor nous en parle :
« « Duchamp » est un prix prestigieux. J’en suis honoré, je suis
ravi de l’avoir reçu, car c’est en quelque sorte la confirmation de la carrière
d’un artiste. Il est remis lorsqu’un artiste a déjà une grande visibilité sur
la scène artistique. S’y ajoute le Prix Richard que j’ai reçu en 2004, qui
récompense les jeunes artistes français. C’est la preuve qu’on te fait
confiance en tant qu’artiste. D’ailleurs, c’est très rare qu’un artiste soit
récompensé des deux prix. On est très peu nombreux. Cela, parce que les prix
Richard et Duchamp sont en quelque sorte le couronnement de la carrière
artistique. Mais il faut encore le confirmer dans le temps. De nombreux
artistes ont reçu ce prix et puis ont disparu. Ce n’est pas une critique à leur
adresse, je veux dire qu’il faut garder la flamme vivante, garder un regard
frais, c’est notre responsabilité pour les années à venir. Ce prix nous oblige
à continuer notre travail pour garder sa confirmation ».
Avant de terminer, précisons que Mircea
Cantor est le seul artiste roumain à avoir décroché le prix Marcel Duchamp. Pour
ce qui est d’Art Safari, ce n’est pas sa première participation. Cette année,
ses deux créations peuvent être admirées à Bucarest, dans le cadre de l’exposition
« Le Palais de la Mémoire» qui occupe tout un étage du Palais Dacia,
aux côtés d’autres artistes internationaux qui ont décidé de revisiter
l’histoire et la culture par une approche contemporaine. A ne par rater donc
Art Safari, le plus grand rendez-vous de l’année avec les arts visuels. Pour
davantage de détails sur les expositions et les artistes, rendez-vous sur le
site www.artsafari.ro. (trad. Valentina Beleavski)