Mariţa
Fin 2017, « Mariţa », le premier long métrage de Cristi Iftime, sortait en salle après avoir remporté le Grand prix du jury FEDEORA du Festival international du film de Karlovy Vary (section « East of the West ») et le trophée de la 14e édition du Festival international du film indépendant « Anonimul ». La simplicité de sa mise en scène a été un des atouts de ce film, qui se focalise sur la vie de tous les jours d’une famille dont les membres, bien que séparés après le divorce des parents, se réunissent autour d’un repas de Noël et se réjouissent spontanément de l’énergie positive qui se glisse dans leurs vies.
Corina Sabău, 14.07.2018, 13:50
Fin 2017, « Mariţa », le premier long métrage de Cristi Iftime, sortait en salle après avoir remporté le Grand prix du jury FEDEORA du Festival international du film de Karlovy Vary (section « East of the West ») et le trophée de la 14e édition du Festival international du film indépendant « Anonimul ». La simplicité de sa mise en scène a été un des atouts de ce film, qui se focalise sur la vie de tous les jours d’une famille dont les membres, bien que séparés après le divorce des parents, se réunissent autour d’un repas de Noël et se réjouissent spontanément de l’énergie positive qui se glisse dans leurs vies.
L’histoire est fondée sur un geste qui a hanté pendant longtemps le réalisateur Cristi Iftime: bien que divorcée depuis des années, une femme suit, par habitude, son ex-mari, jusqu’à la voiture ayant appartenu jadis à la famille, une Dacia baptisée « Mariţa ».
N’était-il pas risqué de construire une histoire destinée à l’écran autour d’un geste qui pouvait paraître anodin ? Cristi Iftime : « Ce geste-là m’a beaucoup impressionné, il m’a hanté – et je dois dire que d’habitude mes films naissent de ce genre d’instants qui me hantent. Je n’ai pas pensé, alors, au risque de prendre ce geste comme point de départ. Il est vrai qu’en général la fameuse règle selon laquelle on doit renoncer aux éléments que l’on chérit le plus dans une histoire se vérifie, mais pour «Mariţa», je n’en ai pas tenu compte. A un moment donné, j’ai eu peur, en pensant que le film ne répondrait peut-être pas à mes attentes, mais je dois dire, sans fausse modestie, que ça a marché. Nous avons essayé de condenser le plus de choses dans une structure qui devait rester simple et aérée. »
Pour Cristi Iftime, un des enjeux du film a été de faire en sorte que les spectateurs comprennent son personnage Sandu, au lieu de le juger. Sandu, le propriétaire de Mariţa, est père de trois garçons, collectionneur passionné de timbres, un homme qui affirme aimer la vie et qui souhaite raconter ses expériences et ses aventures extraconjugales. Cette famille, qui n’en est plus une, se réunit fortuitement pour fêter Noël.
Cristi Iftime : « C’est l’aliénation qui m’a intéressé le plus, le fait qu’ils sont tous là, bien qu’ils ne vivent plus ensemble depuis longtemps. Ils se rencontrent et ils passent de bons moments dans une ambiance amicale et conviviale. Pourtant, l’instant d’après, ce lien se défait, c’étaient les circonstances qui les avaient amenés à se conduire comme une famille. Il en est de même pour le geste final, celui de la femme qui suit par habitude son ex-mari vers la bagnole, pouvant faire croire qu’ils forment encore une famille, bien que ce ne soit pas le cas. Si des tensions et des scandales avaient existé entre eux, ce beau côté de leur rencontre aurait été compromis et inutile. »
« Mariţa » est un road movie qui tâche de surprendre un moment de transition dans la vie d’un jeune, celui où il se détache de son père. Il s’agit de Costi, un des fils de Sandu, le plus enclin à le juger. Road movie dans l’espace physique, il l’est aussi dans le monde intérieur du personnage. Cette complexité a séduit l’acteur Alexandru Potocean, un des meilleurs représentants de la nouvelle vague. Il a déjà joué une trentaine de rôles dans des films roumains ou dans des coproductions internationales, collaborant avec les réalisateurs Radu Muntean, Cristian Mungiu, Cristi Puiu, Constantin Popescu.
Alexandru Potocean explique : « Je me suis senti très attiré par ces relations tissées autour du père de famille. Il y avait là quelque chose qui me semblait très familier. Et j’ai commencé à comprendre le personnage Sandu, j’ai également compris la façon dont un de ses fils, Costi, se rapportait à son père. Au début, lors des répétitions, nous avons voulu pénaliser Sandu, le pénaliser constamment. Seulement, en fin de compte, ce n’était pas ça et ce n’était pas tout. Il ne s’agissait pas de juger Sandu, mais d’essayer plutôt de le comprendre et de comprendre sa façon de voir la vie – même si ça ne nous plaît pas ou ne nous convient pas. »
Considéré comme l’acteur le plus prolifique du moment, Adrian Titieni a décroché le prix spécial Silver Hugo au Festival de Chicago pour le rôle principal du long-métrage « Baccalauréat » de Cristian Mungiu et 5 trophées Gopo en Roumanie – 3 pour le meilleur acteur dans un rôle principal et 2 pour le meilleur acteur dans un rôle secondaire. Rien qu’en 2017, il a joué 12 rôles dans des courts- et des longs-métrages. Dans « Mariţa », il n’en était pas à sa première collaboration avec Cristi Iftime. Il avait déjà joué dans « 15 juillet », un court-métrage qui a figuré dans la sélection officielle du Festival de Berlin.
Adrian Titieni : « Le parcours du réalisateur Cristi Iftime est très intéressant, car, à part ses études d’art théâtral et cinématographique, il est diplômé de la faculté de philosophie. Sa vision de la mise en scène est par conséquent tout à fait différente. Il est extrêmement attentif aux détails. J’aime beaucoup sa façon de penser et de voir les choses. Cela me fait plaisir de travailler avec des gens qui voient au-delà de la réalité immédiate, bien que cette approche soit un véritable défi. Je me réjouis que le réalisateur Cristi Iftime ait pensé à me distribuer, le rôle est très incitant et en même temps très difficile. Je ne sais pas si j’ai vraiment été à la hauteur. »
Le réalisateur Cristi Iftime cosigne, avec Anca Buja, le scénario de « Mariţa ». (Trad.: Dominique)