L’exposition « Shaving the Caterpillar »
La
Galerie d’art contemporain Mobius, de Bucarest, accueille,entre la mi-octobre
et la mi-novembre, l’exposition intitulée « Shaving the Caterpillar »
et signée par Ileana Pașcalău. Née dans la ville de Caransebeș (à l’ouest de la
Roumanie), mais établie à Berlin, Ileana
Pașcalău est une artiste visuelle et historienne de l’art particulièrement
intéressée par l’histoire du corps humain, notamment du corps de la femme.
Voici comment elle a mise en page son expo: J’ai réalisé cette expo, « Shaving the Caterpillar », ensemble
avec la commissaire Valentina Iancu, à l’invitation de la Galerie Mobius.
L’exposition, dont le titre « Smulgând părul omizii » se traduirait
par « Arracher les poils de la chenille », est une incursion dans
l’histoire médicale du corps féminin. Le point de départ du projet est une
recherche plus ample, que je suis depuis 2017 déjà, quand j’essayais de choisir
un thème pour ma thèse de doctorat. Il s’agit donc d’une investigation
théorique, déroulée sur plusieurs années et axée sur l’anatomie de la femme, vue
par les médecins, des hommes pour la plupart, entre les XVIIème et XIXème
siècle. J’ai souvent souligné, en parlant de cette expo, le poids de mon
environnement familial dans le développement de ces idées. Ma mère, médecin
interniste, m’offrait des tas d’instruments et d’accessoires médicaux en guise
de jouets. Mes grands-mères, infirmières dans des cliniques
d’obstétrique-gynécologie, m’ont transmis cet intérêt pour l’anatomie de la
femme, tout comme une espèce de curiosité à l’origine de l’investigation de
type artistique. »
Ion Puican, 05.11.2022, 04:41
La
Galerie d’art contemporain Mobius, de Bucarest, accueille,entre la mi-octobre
et la mi-novembre, l’exposition intitulée « Shaving the Caterpillar »
et signée par Ileana Pașcalău. Née dans la ville de Caransebeș (à l’ouest de la
Roumanie), mais établie à Berlin, Ileana
Pașcalău est une artiste visuelle et historienne de l’art particulièrement
intéressée par l’histoire du corps humain, notamment du corps de la femme.
Voici comment elle a mise en page son expo: J’ai réalisé cette expo, « Shaving the Caterpillar », ensemble
avec la commissaire Valentina Iancu, à l’invitation de la Galerie Mobius.
L’exposition, dont le titre « Smulgând părul omizii » se traduirait
par « Arracher les poils de la chenille », est une incursion dans
l’histoire médicale du corps féminin. Le point de départ du projet est une
recherche plus ample, que je suis depuis 2017 déjà, quand j’essayais de choisir
un thème pour ma thèse de doctorat. Il s’agit donc d’une investigation
théorique, déroulée sur plusieurs années et axée sur l’anatomie de la femme, vue
par les médecins, des hommes pour la plupart, entre les XVIIème et XIXème
siècle. J’ai souvent souligné, en parlant de cette expo, le poids de mon
environnement familial dans le développement de ces idées. Ma mère, médecin
interniste, m’offrait des tas d’instruments et d’accessoires médicaux en guise
de jouets. Mes grands-mères, infirmières dans des cliniques
d’obstétrique-gynécologie, m’ont transmis cet intérêt pour l’anatomie de la
femme, tout comme une espèce de curiosité à l’origine de l’investigation de
type artistique. »
En
quoi consiste sa démarche créatrice ? Quelles sont les questions à
l’origine de cette démarche ou qu’elle veut éveiller chez le public ?
Ileana Pașcalău a répondu: « Mes ouvrages parlent d’histoires assez douloureuses. Ma démarche
artistique repose sur les informations comprises dans une étude, des
informations que j’ai souvent ressenties comme choquantes, douloureuses, et
leur présentation au public pourrait s’avérer traumatisante à nouveau. Loin
d’être scientifique dans un sens médical, psychiatrique, psychologique ou
autre, ma recherche est artistique, une étude de l’histoire qui ouvre le sujet
de l’anatomie féminine, sans la capacité ni la prétention de tout dire. Et
puisque j’utilise un vocabulaire médical tout au long de ma démarche théorique
et pratique, j’espère que l’expérience des visiteurs ressemble à celle
ressentie quand on touche une cicatrice de grandes dimensions. Éveiller des
questions et le désir d’obtenir des réponses: Que s’est-il passé dans la
construction de l’anatomie de la femme par des médecins et des hommes? Combien
douloureuses les théories médicales ont-elles été pour les femmes? Avec quelles
conséquences? Ou bien des questions telles « cette cicatrice est-elle
guérie »? Qu’est-ce qu’il en reste? Même cette expression très courante
« elle est hystérique » n’est qu’une fiction de type XIXème siècle. Il
faut donc faire attention lorsqu’on traite quelqu’un d’hystérique, car c’était
un instrument de manipulation et de torture. Enfin, mais pas en dernier lieu,
une question du genre: comment éviter des blessures avec de tels effets? Qu’est-ce
qu’on en apprend? Comment devenir de plus en plus fortes? »
Ileana
Pașcalău a aussi analysé l’exposition, les ouvrages présentés et le parcours
proposé aux visiteurs: «Un premier fil narratif de l’expo s’appuie
sur la question: «Comment le deuxième sexe est-il né? » Une première
partie de l’expo inclut des dessins rappelant les discours et les illustrations
de médecine des traités scientifiques des XVIIème et XVIIIème siècles, des
dessins qui retracent une histoire de l’anatomie féminine marquée par les
obsessions des médecins liées à son appareil de reproduction. Il s’agit donc de
montrer comment les médecins ont construit l’image anatomique de la femme en
partant de l’utérus, considéré comme le principal élément de différenciation
entre les sexes. Plus encore, l’utérus était considéré comme un organe
capricieux, dangereux, capable de déclencher la folie et des déviations
comportementales majeures. Dans la seconde partie de l’expo, on parcourt le
siècle des Lumières, lorsqu’il y a eu la première représentation d’un squelette
féminin. C’est le moment où le second sexe acquiert une cage thoracique et une
colonne vertébrale. C’est un moment important, que j’ai marqué artistiquement
par des installations réalisées en cuir artificiel et métal. D’ailleurs, le
cuir, par ses connotations organiques, est un matériau que j’ai spécialement
utilisé dans cette exposition. J’ai coupé, perforé, collé des couches de cuir,
tel un médecin chirurgien. D’où cette comparaison entre l’artiste et le
médecin, qui m’a guidée durant ma démarche créatrice. L’exposition culmine avec
le moment final, de l’ « hystérie », et j’y mets des guillemets
car j’insiste sur le fait que l’hystérie a été une fiction, avec l’espoir que
le public garde au moins cette idée, de ne plus utiliser ce mot. » (Trad. Ileana Taroi)