L’écrivain Mircea Cărtărescu, invité au Festival international de littérature et de traduction de Ia
“La littérature est une sorte de lance d’Achille: elle blesse et guérit à la fois », affirmait Mircea Cărtărescu dans son dialogue avec l’écrivain et journaliste Cezar-Paul Bădescu, lors du Festival international de littérature et de traduction, accueilli par la ville roumaine de Iaşi en octobre dernier. Les belles lettres facilitent la rencontre avec soi-même et cette rencontre est la plus terrible des choses qui puissent vous arriver. »
Corina Sabău, 22.11.2014, 13:49
“La littérature est une sorte de lance d’Achille: elle blesse et guérit à la fois », affirmait Mircea Cărtărescu dans son dialogue avec l’écrivain et journaliste Cezar-Paul Bădescu, lors du Festival international de littérature et de traduction, accueilli par la ville roumaine de Iaşi en octobre dernier. Les belles lettres facilitent la rencontre avec soi-même et cette rencontre est la plus terrible des choses qui puissent vous arriver. »
Sur la scène du Théâtre national de Iasi, Cezar – Paul Bădescu, a incité son interlocuteur, l’auteur de la « Nostalgie », du Levant”, de la trilogie » Orbitor », nominé ces dernières années au Prix Nobel de littérature, à parler de la période où il avait dirigé le Cénacle littéraire de la Faculté des Lettres. A cette même époque, il avait sorti, avec l’aide de ses étudiants, plusieurs volumes collectifs, dont Tableau de famille”. Dans quel but?
Mircea Cărtărescu: Il y a eu deux raisons à cela. La première et la plus simple, c’est que ma génération, qui avait reçu un don important, a jugé bon d’en faire de même. Ce don nous est venu des critiques littéraires Nicolae Manolescu, Ovid Crohmălniceanu, Eugen Simion, Mircea Martin, Ion Pop et de bien d’autres personnalités qui ont marqué de leur empreinte notre vie. Nous leur devons tout. Nous avons trouvé naturel de transmettre, à notre tour, tout ce qu’ils nous avaient appris, au plan théorique, moral ou éthique. La seconde raison pour laquelle je me suis investi dans le cénacle littéraire de la Faculté des Lettres c’est que je me sentais comme étant un des vôtres. Les six ou sept ans que j’ai dirigé ce cénacle ont été la plus belle période de ma vie. Le fait de m’avoir accepté parmi vous, même si j’étais de 15 ans votre aîné, a été pour moi une grande joie. J’aimais bien travailler à nos livres. Si je dis nos livres c’est parce c’était moi qui préfaçais ces anthologies.”
”La littérature a été tout pour moi, mais je ne saurais dire si moi je n’ai été que littérature”. Voilà la réponse de Mircea Cărtărescu à la question de savoir ce que la littérature lui offre : C’est comme si l’on me demandait ce que l’air signifie pour moi. J’ai maintes fois réfléchi à ce qu’écrivait Kafka dans une des lettres envoyées à son éternelle fiancée Felice Bauer: « en définitive, je ne suis rien dautre que littérature”. Je me suis demandé ce que veut dire le fait qu’un homme se mue en littérature et par quelle alchimie son corps et son cerveau deviennent littérature. C’est ce qui est arrivé à Kafka, surtout vers la fin de sa vie. Avant de mourir, il n’était plus un homme parmi les hommes, mais un personnage de ses livres. Il n’était rien d’autre que littérature. Bien sûr, peu d’entre nous sont capables d’atteindre des horizons aussi lointains, car cela suppose d’énormes sacrifices. C’est détruire sa vie pour se l’approprier autrement. Nichita Stănescu affirmait à un moment donné: nous souhaiterions tous écrire comme Eminescu, mais qui voudrait vraiment vivre sa vie? En voilà une bonne question. Qui voudrait vivre la vie de ceux qui ne sont rien d’autre que littérature? Faire ce choix c’est devenir, d’une façon ou d’une autre, un martyr.”
Mircea Cărtărescu ne saurait imaginer sa propre vie sans littérature. « Pour moi, écrire c’est vivre. Un point, c’est tout. » – affirme Mircea Cărtărescu, le plus important écrivain roumain contemporain, selon la plupart des critiques et des lecteurs : «Je ne sais pas si ce que j’écris, c’est de la thérapie. Je ne puis m’en rendre compte. Il y a en moi tant d’anomalies, tant de blessures intérieures, tant de choses bizarres ou mises de travers, que toute la littérature du monde ne pourrait me guérir. Pour moi, la littérature est quand même une façon de secréter une carapace, une croûte. Et je considère la littérature comme un organe de mon corps, tout comme le crâne est un organe de mon corps. C’est donc ça, la littérature, pour moi : un organe de mon corps, plutôt qu’un processus de psychanalyse, de sublimation. J’ai toujours senti que la littérature faisait partie de moi-même. »
Invité au Festival international de littérature et de traduction de Iaşi, Mircea Cărtărescu s’est également rapporté à cet événement: « C’est une rencontre de haut niveau, un événement important non seulement pour la vie culturelle roumaine, car, si j’ai bien compris, c’est un des plus grands festivals, sinon le plus grand, organisé en Europe Orientale. C’est une grande réussite. » déclarait Mircea Cărtărescu. (trad. Mariana Tudose, Dominique)