« Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens »
Le Musée
national d’histoire de la Roumanie accueille ces temps-ci une exposition
exceptionnelle – « Tezaurul de la Sveștari. Din aurul tracilor
sud-dunăreni/Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens » – qui
renoue avec la tradition de la collaboration muséale en matière d’histoire et
d’archéologie avec nos voisins bulgares. Le trésor de Svechtari (nord-est de la
Bulgarie) a été découvert en novembre 2012 dans la nécropole tumulaire d’une
ville fortifiée construite au IVème siècle avant J.-C. Le directeur du MNIR, Ernest Oberländer-Târnoveanu, a parlé de cette
collaboration et des objets exposés:
Ion Puican, 14.01.2023, 07:38
Le Musée
national d’histoire de la Roumanie accueille ces temps-ci une exposition
exceptionnelle – « Tezaurul de la Sveștari. Din aurul tracilor
sud-dunăreni/Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens » – qui
renoue avec la tradition de la collaboration muséale en matière d’histoire et
d’archéologie avec nos voisins bulgares. Le trésor de Svechtari (nord-est de la
Bulgarie) a été découvert en novembre 2012 dans la nécropole tumulaire d’une
ville fortifiée construite au IVème siècle avant J.-C. Le directeur du MNIR, Ernest Oberländer-Târnoveanu, a parlé de cette
collaboration et des objets exposés:
« Au bout de plus de 45 ans d’interruption, le Musée national d’histoire
de la Roumanie et l’Institut national d’archéologie et musée de Sofia ont
repris leur collaboration. En avril dernier, l’Institut de Sofia a accueilli
une grande exposition consacrée aux armes des élites traces. Le musée de
Bucarest et l’Institut d’études éco-muséales de Tulcea (Est de la Roumanie) y
ont exposé plusieurs objets fastueux, découverts dans la tombe princière d’Agighiol
(fin du IVème siècle av. J.-C.). En réponse à l’événement de la capitale
bulgare, une exposition absolument magnifique a été inaugurée à Bucarest, avec
des objets récupérés dans un des tombeaux royaux de Svechtari. Un événement associé
à un thème plus large, car le Musée national d’histoire de la Roumanie
accueille aussi l’exposition d’objets en or gètes du sud du Danube « Dacia,
ultima frontieră a romanității/La Dacie, dernière frontière de la
romanité ». Cette exposition, qui vient compléter le Trésor historique et
la copie de la Colonne de Trajan, permet aux visiteurs de connaître des
facettes particulières de l’art et de la civilisation des Gètes, qui, tout
comme les Daces, faisaient partie du monde trace. Nous avons pensé que le
Trésor était le meilleur endroit pour exposer ces magnifiques bijoux en or de
Svechtari aux côtés de leurs cousins et cousines découverts sur le territoire
de la Roumanie. »
Pourquoi
ce trésor est-il différent d’autres, découverts par les archéologues? Qu’est-ce
qu’il y en a d’exceptionnel? Ernest Oberländer-Târnoveanu répond à ces
questions:
« Je commencerais avec le site fortifié,
un des grands centres au sud du Danube. Les archéologues et les historiens
bulgares ainsi que bon nombre de nos confrères roumains considèrent qu’il
s’agit de Helis, la capitale de Dromichaetes. Ce serait donc là qu’auraient eu
lieu les événements racontés par Diodore de Sicile, la rencontre de Dromichaetes
avec le roi Lysimaque et ses fils, vaincus sur le champ de bataille. Tout
autour du site, situé d’ailleurs au milieu d’un paysage exceptionnel, les
fouilles ont déterré une nécropole avec des tumuli de grandes dimensions.
L’archéologue bulgare Diana Gheorghieva en a étudié un et elle a eu la chance
extraordinaire de tomber sur une situation rare dans son domaine d’activité: relique
naturelle, un chêne géant antique était encastré dans la paroi extérieure du
tumulus. Chez les indo-européens, le chêne est un arbre sacré, consacré à Zeus,
père des dieux. Attachée aux branches, une cassette en bois était remplie de
bijoux féminins et de pièces de harnais. Le tombeau avait une structure en
pierre, avec une chambre centrale voûtée, innovation technologique importante
du IVème siècle et du début du IIème siècle av. J.-C. Deux personnages y ont
été enterrés et les archéologues ont pu documenter, pour la première fois, un
tombeau royal érigé autour d’un arbre sacré. Le lieu devenait lui aussi sacré
et les personnages enterrés étaient placés sous la plus haute protection
possible, celle du père des dieux. Le trésor est composé de tiares et bracelets
féminins ornés de représentations d’animaux mythologiques ou fantastiques-
griffons ou têtes de lion – et de pièces de harnais. Il s’agit donc d’une
offrande féminine et d’une autre, masculine. Toutes les découvertes
archéologiques de tombeaux princiers – que ce soit aux bouches du Danube à
Agighiol, ou dans la Plaine de Munténie à Peretu (au sud de la Roumanie), ou
bien ailleurs – nous font croire que les élites traces considéraient que la vie
après la mort continuait avec les mêmes éléments de leur vie sur Terre. Durant
leur existence terrestre, ils étaient des chefs militaires, dont le cheval
faisait partie de la présence royale. Alors, ce roi inconnu y avait déposé des
pièces en or, des ornements du harnais de son cheval préféré, tandis que son
épouse y avait mis de ses bijoux. Car il était hors de question de se présenter
devant les dieux sans se parer d’or, d’objets indiquant leur position sociale. »
Qu’est-ce
qui rend uniques les pièces du trésor découvert en Bulgarie ? Réponse du
directeur du Musée national d’histoire de la Roumanie, Ernest
Oberländer-Târnoveanu:
« Ce sont des objets issus d’ateliers
grecs de la meilleure tradition classique, car au IVème siècle les Gètes maintenaient
un contact serré avec les Grecs, ayant adopté des éléments importants de leur
civilisation. Ils aimaient donc le vin et probablement le poisson, les bijoux
raffinés. Ce que nous voyons ici ce sont des bijoux royaux, peu accessibles aux
gens ordinaires. Or, ça n’arrivent pas souvent qu’un musée tel le nôtre
accueille une telle découverte. Le trésor de Svechtari n’a pas beaucoup voyagé
au-delà des frontières bulgares. L’exposition est ouverte au public roumain et
aux touristes étrangers jusqu’au mois de juin 2023, tandis que la grande
exposition « La Dacie, dernière frontière de la romanité », qui
inclut ce sujet aussi, reste ouverte jusqu’en mai, car en juin elle voyagera en
Italie, au Musée national romain. », a conclu le directeur du
Musée national d’histoire de la Roumanie, Ernest Oberländer-Târnoveanu. (Trad.
Ileana Ţăroi)