Le théâtre national de Chişinău, en tournée en Roumanie
En tournée en Roumanie, du 19 au 27 janvier, le Théâtre national Mihai Eminescu de Chisinau a participé, pour la troisième année de suite, au projet «Le théâtre roumain à Bucarest, Iasi et Chisinau». Démarré en 2014 à l’initiative du théâtre moldave, qui, à l’époque, avait ouvert la saison artistique du Théâtre national de Bucarest, le projet est déjà devenu tradition opine l’acteur et metteur en scène Petru Hadârca, à la tête du Théâtre moldave «Mihai Eminescu».
Luana Pleşea, 04.02.2017, 13:10
Petru Hadârca: « Le projet a immédiatement cartonné auprès du public roumain et moldave à la fois, ce qui a rendu les spectateurs impatients de se retrouver en salle à Bucarest, tout comme à Chisinau. La tradition veut que la troupe moldave joue à Bucarest et puis à Iasi dans la semaine consacrée aux cérémonies marquant l’Union des Principautés roumaines, tandis que les théâtres nationaux de Iasi et de Bucarest sont attendus à Chisinau le 27 mars pendant la semaine qui marque l’Union de la Bessarabie avec la Roumanie. Le théâtre n’a pas besoin de frontières. Partout, que ce soit à Bucarest, à Iasi ou à Chisinau, c’est du théâtre roumain qu’on parle puisque tous nos spectacles sont en roumain. Cela me fait penser au poète Nichita Stanescu qui disait «notre patrie c’est la langue roumaine.»
Cette saison, la troupe moldave a fait découvrir au public roumain trois de ses succès les plus récents. «Dans tes yeux pleins de charme» d’Alexandru Vasilache, d’après des récits de Gib Mihaiescu, ancien membre du comité artistique du Théâtre de Chisinau, «Vous n’avez rien à déclarer?» de Georges Feydeau, mis en scène par Petru Hadârca et «La grande maison» de Ion Druta, un spectacle signé Alexandru Cozub.
Chef de file du théâtre moldave, le National «Mihai Eminescu» de Chisinau propose un répertoire exclusivement en roumain, inspiré de la dramaturgie universelle.
Petru Hadârca: «Les thèmes abordés renvoient principalement à nos réalités moldaves. Notre répertoire, digne d’un théâtre national, est à 80% inspiré de la dramaturgie autochtone. Nos pièces de théâtre sont pour tous les goûts. On a, par exemple, un spectacle joué par de jeunes comédiens et qui porte sur un sujet dramatique de l’histoire de la Bessarabie: la grande famine des années ’46-’47 qui a coûté la vie à quelque 500.000 personnes. Intitulée «Les enfants de la famine», la pièce puise son inspiration dans les témoignages recueillis par Alexei Vakulovski. C’est un spectacle dur. Il suffit de regarder les spectateurs. Il y en a qui, enfants à l’époque, s’en souviennent toujours. Pour eux, le spectacle est un exercice de mémoire. C’est un public spécial que nous avons à Chisinau. Je l’aime bien et il nous aime à son tour. Je constate que, de nos jours, la société a elle aussi ses comédiens, qui se donnent en spectacle à la télé ou au Parlement. Mes collègues et moi, nous nous amusions en les voyant jouer la comédie, alors que nous autres, nous nous efforçons d’être aussi naturels que possible sur scène.»
De passage à Bucarest pour la tournée du théâtre qu’il dirige, Petru Hadârca a présenté la conférence «Les documents – une force irrésistible face aux spéculations historiques» consacrée aux débuts du Théâtre national de Chisinau. L’occasion de lancer deux ouvrages comportant une série de documents extraits des Archives nationales de Bucarest et de la Bibliothèque de l’Académie roumaine sur l’histoire du théâtre national moldave. Il s’agit du volume «La genèse du Théâtre national de Chisinau:1818- 1960» de Iurie Colesnic et «d’Une chronique du Théâtre national Mihai Eminescu de Chisinau:1918 – 1930» portant sa propre signature.
Petru Hadârca: «Chaque fois que je pense à tous ces documents, j’ai envie de sauter de joie comme un enfant puisqu’ils m’ont donné l’occasion d’y découvrir l’acte original attestant la création du Théâtre National de Chisinau. Un document datant de 1921, rédigé sur une feuille de papier avec pour entête avec le logo du Théâtre national de Chisinau. C’est absolument incroyable! Et vous savez pourquoi? Parce qu’à l’époque communiste, les historiens affirmaient que l’édifice accueillant le théâtre aurait été construit entre 1953 et 1954 par deux architectes soviétiques. Or, les documents que j’ai trouvés témoignent justement du fait qu’en 1930 le bâtiment était déjà dressé. Ils répertorient les succès remportés par ce théâtre pendant l’entre – deux – guerres, ils parlent aussi des sujets considérés comme tabou jusqu’en 1990 et même après. Pourtant, à l’issue du lancement de ces deux ouvrages, une partie de la presse accusant de graves carences d’histoire, s’est mise à les attaquer. N’empêche. Moi, je suis fier d’affirmer que les documents à la base de ces deux recueils font la preuve du beau passé de notre théâtre. Cette année, j’ai pu finalement apprendre le nombre des saisons théâtrales qu’il a recensées et annoncé l’ouverture de la 95ème saison!»
La troupe du Théâtre Mihai Eminescu de Chisinau présente ses spectacles dans deux salles, totalisant 500 places. Bien qu’il s’agisse d’une institution nationale, elle n’est financée qu’à hauteur de 80% du budget d’État, le reste de ses recettes provenant de la vente des billets et de sources privées. (Trad. Ioana Stancescu)