Le théâtre « Anton Pann » de la ville de Râmnicu Vâlcea
« Je ne crois pas qu’il existe au monde un autre théâtre neuf, élégant, doté d’équipements ultra-modernes, comme celui-ci, dans une ville de 120 mille habitants. Je vais signaler ce cas absolument unique aussi à l’Institut international de théâtre ». Cette affirmation a été faite par le patriarche de la scène roumaine, le comédien Radu Beligan (qui a fêté en 2013 son 95e anniversaire) ; il se référait au Théâtre « Anton Pann », de la ville de Râmnicu Vâlcea (centre-sud de la Roumanie), une institution artistique sur laquelle ont mis leur empreinte des metteurs en scène réputés, tels Silviu Purcărete ou Alexandru Dabija.
Luana Pleşea, 04.01.2014, 13:00
« Je ne crois pas qu’il existe au monde un autre théâtre neuf, élégant, doté d’équipements ultra-modernes, comme celui-ci, dans une ville de 120 mille habitants. Je vais signaler ce cas absolument unique aussi à l’Institut international de théâtre ». Cette affirmation a été faite par le patriarche de la scène roumaine, le comédien Radu Beligan (qui a fêté en 2013 son 95e anniversaire) ; il se référait au Théâtre « Anton Pann », de la ville de Râmnicu Vâlcea (centre-sud de la Roumanie), une institution artistique sur laquelle ont mis leur empreinte des metteurs en scène réputés, tels Silviu Purcărete ou Alexandru Dabija.
Le Théâtre « Anton Pann » en tant qu’institution professionnelle est né au mois de mai 1990, mais il continue une tradition artistique locale plus que centenaire. Dans les années 1960 — 1980, le théâtre dit « populaire » de la ville de Râmnicu Vâlcea a été une des troupes d’amateurs les mieux cotées du pays. « Il campiello » (le Carrefour) de Goldoni, dans la mise en scène de Silviu Purcărete est un des meilleurs spectacles de la période plus récente.
La direction du théâtre est assurée depuis plus d’une décennie par le metteur en scène Adrian Roman, qui a beaucoup rajeuni la troupe : « Depuis plusieurs années déjà, nous essayons de faire baisser la moyenne d’âge des comédiens. Quand j’ai assumé la direction du théâtre, en 2000, j’ai tenu à professionnaliser cette troupe, et j’ai commencé en invitant à nous rejoindre de jeunes diplômés de l’école de théâtre de Craiova. Ensuite, il y a deux ans, je me suis tourné vers Cluj, d’où j’ai fait venir ici la moitié des jeunes formés par Miklos Bacs, un professeur et un être humain que j’admire. Il inculque à ses étudiants une attitude extraordinaire envers le travail et la scène, une attitude que je n’ai pas rencontrée chez d’autres jeunes comédiens. Il y a eu aussi trois autres jeunes formés par Miriam Cuibus et aujourd’hui nous avons une troupe de 15 comédiens, 10 jeunes et 5 anciens. »
Des metteurs en scène, tels Cristi Juncu ou Vlad Massaci, qui avaient déjà rencontré ces jeunes magnifiques, comme les appelle leur directeur, sont spécialement venus à Vâlcea, afin de travailler avec cette équipe. Adrian Roman : « J’essaie de faire venir ici des metteurs en scène qui affectionnent le théâtre « Anton Pann » et qui, de ce fait, y reviennent constamment. Ce ne sont pas les plus grands, car ils sont chers à embaucher. Ceux qui travaillent avec notre troupe viennent ici pour le plaisir et acceptent nos honoraires, parce que le théâtre est beau, on y travaille bien, à la différence d’autres troupes, notamment de Bucarest, nos comédiens sont logés à l’intérieur du théâtre, donc ils sont toujours là. En été, nous organisons des ateliers professionnels. Notre bâtiment a aussi une très belle salle de répétitions et une très belle terrasse. Ceux qui nous ont rendu visite et les ont vues ont promis de revenir avec des projets intéressants. Nous voulons créer une équipe qui impose une évolution bien précise. »
L’évolution en question est ciblée sur un certain public, qui n’est pas difficile à deviner. Le metteur en scène Adrian Roman, directeur du théâtre « Anton Pann » de Râmnicu Vâlcea : « Nous ciblons principalement le public jeune. J’ai pu constater que des comédiens jeunes attirent un public jeune, parce qu’ils ont aussi bien l’ouverture d’esprit que la mobilité nécessaire, en province surtout, où les gens bougent peu. Nos concitoyens ont compris que le théâtre « Anton Pann » a une bonne équipe, qui produit de bons spectacles. Nous avons également une troupe de théâtre de poupées et marionnettes, qui propose des spectacles pour enfants ; les petits apprennent ainsi à venir au théâtre, à apprécier cet art, et cela restera dans leurs esprits à l’âge adulte aussi ; nous formons, pour ainsi dire, notre public. »
Effectivement, le metteur en scène Cristi Juncu s’est profondément attaché à la compagnie « Anton Pann » de Râmnicu Vâlcea. L’automne dernier, il y a créé « La trilogie de Belgrade » de Biljana Srbljanovic, un spectacle touchant sur le quotidien des immigrants à Prague, à Sydney et à Los Angeles. Une dizaine de très jeunes comédiens du théâtre montent sur scène dans cette production. Parmi eux, Vlad Bârzanu, diplômé de 2012 de la Faculté de théâtre de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj (centre-ouest) de la Roumanie. Juste après être sorti de l’école, Vlad Bârzanu a été nommé au Prix du meilleur espoir masculin de l’Union théâtrale roumaine (UNITER), pour le rôle Flaut (Flûte) du « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, mis en scène par Botos Bálint au théâtre « Anton Pann ».
Tandis que le monde artistique roumain est divisé par un débat sur le statut des comédiens indépendants et celui des comédiens en CDI dans les théâtres d’Etat, Vlad Bârzanu préfère son emploi stable et sans surprises : « Cela me convient, en tout premier lieu parce que j’appartiens à une équipe que j’aime beaucoup et que je connaissais d’ailleurs bien avant d’arriver à Râmnicu Vâlcea parce que nombre de ses membres ont été mes collègues d’université. En plus, je trouve qu’il est rassurant de se trouver dans une position bien claire, notamment de nos jours quand de nombreux comédiens sortent chaque année de toutes les universités théâtrales du pays tout en ignorant quelle voie ils pourraient suivre. Pour moi, c’est très bien comme ça — je me trouve près de Bucarest, je peux suivre mes cours, finir mon master. Les choses s’agencent à merveille ! »
Pour son nouveau spectacle à Râmnicu Vâlcea, « La trilogie de Belgrade », Vlad Bârzanu parle un peu sur scène de sa propre condition aussi. La pièce est un récit de vie — les personnages racontent à ceux qui sont restés en République serbe, la vie de ceux qui l’ont fuie pour diverses raisons, liées notamment à la situation politique et aux conditions de vie dans le pays. La pièce est un triptyque de conversations téléphoniques à l’occasion du réveillon du Nouvel An, des conversations entre ces immigrants et leurs proches, des monologues sur leurs réussites vraies ou fausses, leur isolement ou leur mal du pays.
Vlad Bârzan : « Je n’ai pas tant réfléchi au rôle de l’immigrant, qu’à la relation avec mon frère, qui a lui aussi quitté le pays. J’ai travaillé tout d’abord à ce niveau personnel et je suis ainsi arrivé aux gens qui vivent dans un pays étranger, qui ne sont plus chez eux, qui sont seuls, sans amis, loin de ceux qui leur sont chers. Pour un comédien, un tel rôle est difficile mais très beau, parce qu’il offre la possibilité de travailler sur les nuances et de faire passer nombre de choses au public. Après tout, à mon avis, presque chacun d’entre nous a été dans une telle situation, à un moment de son existence — loin de chez lui, sans certitudes pour le lendemain, avec un travail qui lui déplaît mais sans alternative, dans une situation dont la seule certitude est le mal du pays. En quelque sorte, je suis moi-même dans ce cas de figure… Moi, je suis originaire de Baia Mare (nord-ouest de la Roumanie), j’ai fait mes études universitaires à Cluj et maintenant je vis ici, dans le sud du pays… Je suis donc assez loin de chez moi, je suis un petit immigrant, on va dire. Bien sûr, mon cas n’est pas du tout grave, mais a fait travailler mon imagination. »
Le théâtre « Anton Pann » de Râmnicu Vâlcea a non seulement une troupe très jeune. Il n’a investi ses locaux actuels qu’au 25 septembre 2009, date de l’inauguration de ce premier édifice spécialement conçu pour un théâtre professionnel du département de Vâlcea. Avec ses deux salles, un amphithéâtre extérieur et ses dotations dernier cri, le Théâtre « Anton Pann » dispose d’un des outils les plus modernes et fonctionnels du secteur artistique roumain. Qu’il promet d’utiliser pleins feux… (trad. : Ileana Taroi, Andrei Popov)