Le style brancovan
A l’occasion des trois centenaires écoulés depuis le martyre du prince régnant Constantin Bracovan et de ses fils, 2014 a été décrété l’année Brancovan afin de célébrer la majeure contribution du voïvode à l’histoire et à la culture nationale. Coiffé de la couronne valaque entre 1688 et 1714, Constantin Brancovan s’inscrit dans la galerie des grands princes érudits. Il était doté d’une vision architecturale très cohérente qui a débouché sur la création d’un style propre que la postérité a appelé le style brancovan.
Luana Pleşea, 09.08.2014, 14:28
A l’occasion des trois centenaires écoulés depuis le martyre du prince régnant Constantin Bracovan et de ses fils, 2014 a été décrété l’année Brancovan afin de célébrer la majeure contribution du voïvode à l’histoire et à la culture nationale. Coiffé de la couronne valaque entre 1688 et 1714, Constantin Brancovan s’inscrit dans la galerie des grands princes érudits. Il était doté d’une vision architecturale très cohérente qui a débouché sur la création d’un style propre que la postérité a appelé le style brancovan.
Pour plus de détails, nous passons le micro à Ruxandra Beldiman, chercheur à l’Institut national d’Histoire de l’Art: Grand diplomate et fin stratège, Constantin Brancovan était également un homme de culture qui doit sa notoriété principalement au nombreux édifices religieux et civils qu’il a fait construire tout au long de son règne. Le style brancovan tire ses origines de l’architecture plus simple et plus aérée des règnes des princes Serban Cantacuzène et Matei Basarab, toujours au XVIIème siècle. Mais, à la différence de ses prédécesseurs, Brancovan imagine un style riche en décorations renvoyant aussi bien à la Renaissance italienne qu’au baroque. Le nouveau style met un accent particulier sur les décorations sculptées en pierre, les portails en bois ou encore les colonnes, autant d’éléments d’architecture qui le caractériseront par la suite.”
Sur l’ensemble des monuments érigés en style brancovan, le Monastère de Hurezi, inscrit sur la liste du Patrimoine de l’UNESCO depuis 1993, est sans nulle doute l’un des plus célèbres.
Soeur Ecaterina Olteanu nous propose un petit tour guidé: « Pour ce premier édifice construit à son initiative, Constantin Brancovan s’est proposé de réaliser quelque chose de grandiose et donc il a fait venir de grands constructeurs et des figures importantes du clergé. C’est alors que ce style connu par la suite sous le nom de brancovan est apparu. C’est le style d’une Renaissance à la roumaine caractérisé par de larges vérandas rappelant les maisons paysannes, mais qui se complètent par des éléments décoratifs d’inspiration occidentale, tels les loggias à l’italienne. A la différence des vérandas paysannes, les vérandas en style brancovan sont beaucoup plus larges avec des colonnes surmontées par des arches. Sur l’ensemble des éléments architecturaux, notons le plafond en voûte décoré d’ornements relevant du style gothique et roman, tout comme les accolades surmontant les portes et les fenêtres renvoyant à l’architecture occidentale. Par ailleurs, des influences du baroque sont à remarquer dans les décorations des fenêtres et des terrasses à colonnes sculptées”.
Des éléments du style brancovan sont à retrouver également dans les sculptures en bois et les fresques qui couvrent les murs du monastère de Hurezi. Soeur Ecaterina Olteanu nous en parle: « Issue principalement du style byzantin, la peinture se caractérise par un art du portrait tout à fait nouveau: les portraits, même ceux des saints deviennent plus expressifs. Le monastère renferme toute une galerie de portraits laïcs, tels ceux des membres de la famille des Brancovan. En plus, les couleurs utilisées sont spécifiques au nouveau style”.
Quant aux édifices autres que ceux religieux, c’est le Palais de Mogosoaia qui en est le plus représentatif, aux dires de Ruxandra Beldiman, chercheur à l’Institut national d’Histoire de l’Art: « Le palais de Mogoşoaia est une résidence privée que Constantin Brancovan se fait construire aux environs de Bucarest. Pour arriver de son palais de Bucarest à Mogoşoaia, il trace le premier boulevard bucarestois — la Calea Victoriei, l’avenue de la Victoire, en 1692. Le palais de Mogoşoaia est un monument clé pour le style brancovan. D’ailleurs, à son époque, toutes ces résidences d’été acquièrent un aspect très imposant. Le palais est au milieu de la propriété, il est entouré de jardins — on faisait venir des jardiniers italiens pour aménager les parcs et aussi des maîtres italiens pour construire les palais. Ces loggias ou ces belvédères sont des éléments extrêmement importants dans l’architecture du palais — c’est comme une architecture dans l’architecture. Et à l’intérieur, les murs sont eux aussi peints d’éléments floraux d’inspiration orientale. Et bien entendu, les éléments en pierre, très riches au niveau des parapets et des colonnes ».
A part le Monastère de Hurezi et le Palais de Mogosoaia, la Roumanie recense de nombreux autres monuments illustrant le style brancovan. Ruxandra Beldiman nous en donne quelques exemples: « Constantin Brancovan fait construire le monastère de Hurezi, l’église du monastère Surpatele et l’Eglise Doamnei, dont la fondatrice est Marie, l’épouse de Constantin Brancovan, le monastère de Sâmbăta de Sus, parce que les princes de Valachie avaient aussi des propriétés en Transylvanie. D’autre part, il fait reconstruire les anciennes propriétés de la famille, et là, je mentionnerais le monastère de Brâncoveni, d’Olténie. Il n’est pas le seul à agir ainsi ; d’autres ont une riche activité à ce même effet. Un autre membre de sa famille, le connétable Michel Cantacuzène, est le fondateur de l’Eglise Colţea, un exemple spécifique pour l’architecture brancovane, et fondateur aussi de la petite église du monastère de Sinaia. Ou encore l’Eglise Fundenii Doamnei, qui est un exemple particulièrement intéressant, étant donnée sa décoration extérieure très raffinée, qui n’embellit pas que le portail d’entrée et les colonnes de l’exonarthex, mais toutes les façades ».
Trois siècles depuis ses débuts, le style brancovan continue à inspirer, tout en restant un des grands styles de l’évolution de l’architecture en terre roumaine. (Trad. Ioana Stancescu, Ligia Mihaiescu)