Le projet « Art Machine »
À quoi un
monde, où des distributeurs automatiques d’ouvrages d’art contemporain seraient
accessibles dans les stations de métro, dans les galeries commerciales ou dans
le hall d’entrée d’un bâtiment de bureaux, ressemblerait-il ? Le projet « Art
Machine » du trio d’artistes contemporain « Pastila Roz » pourrait
nous aider à imaginer une réponse à cette question.
Ion Puican, 09.09.2022, 09:45
À quoi un
monde, où des distributeurs automatiques d’ouvrages d’art contemporain seraient
accessibles dans les stations de métro, dans les galeries commerciales ou dans
le hall d’entrée d’un bâtiment de bureaux, ressemblerait-il ? Le projet « Art
Machine » du trio d’artistes contemporain « Pastila Roz » pourrait
nous aider à imaginer une réponse à cette question.
C’est un projet qui
encourage une consommation d’art saine, grâce à une relation directe et sans
intermédiaires entre les artistes et le grand public, à l’aide d’un
distributeur automatique d’œuvres d’art, explique l’artiste visuel Alexandru
Claudiu Maxim: « « Art Machine » est
une vending machine (distributeur automatique) d’art, qui contient des petites
séries de 100 créations originales, du vrai art. Elles ont les dimensions d’une
carte de visite, coûtent 10 lei (soit 2 euros) et sont signées par un artiste
déjà connu ou qui nous donne envie de le découvrir. C’est aussi un concept qui
veut tisser un lien entre les artistes contemporains et le public, comme une
sorte de catalogue subjectif à travers lequel nous disons: voilà, nous pensons
que c’est ça ce qu’il vaut acheter en ce moment en matière d’art. Et puis,
c’est aussi un jeu à la collection d’art miniature, un jeu nécessaire, selon
nous, pour multiplier les façons de consommer de l’art. Le distributeur
automatique est installé dans une librairie ouverte dans une galerie
commerciale de Bucarest. »
Quel est l’élément essentiel de la conception du projet ? Quelle
est l’approche sur laquelle repose le choix des idées, des créations et des
artistes, auxquels le distributeur automatique d’art contemporain donne accès? « La conception d’ensemble
appartient à Marian Codrea, lui-même artiste visuel et sculpteur. Les deux
autres membres de « Pastila Roz », c’est-à-dire Beaver et moi, y contribuent
également avec des idées, mais, dans la plupart des cas, c’est lui qui prend
contact et qui discute avec les artistes. Moi, je peux vous dire que nous
sommes à la recherche d’artistes audacieux et originaux, qui aient un style
particulier ou dont les propositions collent avec l’idée de distributeur automatique
et d’art miniature. Il nous est arrivé d’être contactés sur Instagram par des
gens qui, même aujourd’hui, ne se définissent pas comme artistes, mais qui ont
eu de très bonnes idées, dont certaines se sont retrouvées dans la « vending
machine ». Par exemple, pendant le confinement, Syd Buzoianu nous a
proposé de réaliser une collection de billets d’avion vers des destinations
surprenantes – des époques culturelles passées, d’autres planètes, des films,
des sentiments de bonheur ou d’extase. Nous avons beaucoup aimé son idée tellement
originale et nous l’avons tout de suite adoptée. », répond-il.
Le monde actuel est saturé par les médias sociaux et le
consumérisme. Alors, est-il souhaitable de mettre ensemble le distributeur
automatique comme élément représentatif du consumérisme et l’art en tant
qu’expression de valeurs culturelles et morales? Alexandru Claudiu Maxim précise : « À propos du consumérisme
actuel, moi, je dirais que ce projet est une alternative qui encourage une
consommation saine d’art original au lieu des copies envahissantes. Certes, « Art
Machine » se sert de cette façade de consommation, mais il met en avant,
essentiellement, un matérialisme qui va dans le sens de l’amour et du respect
pour un objet, dont on prend soin et que l’on protège parce qu’il est unique. En
tant que citadins, il nous est impossible, je crois, d’échapper au consumérisme
et la bataille pour s’attirer l’attention du public est rude. À notre avis, ce
projet devrait créer des communautés d’artistes et d’amateurs d’art. Nous
ciblons les gens curieux et ouverts d’esprit, qui s’intéressent à l’art
contemporain, sans pour autant savoir comment s’en approcher, car c’est un
milieu parfois obscur. « Art Machine » pourrait s’avérer un portail
d’accès pour eux. Le premier prototype d’« Art Machine » a fait son
apparition en mars 2019, lors de l’exposition « Pastila Roz – The Resolution Will Be Supervised », à
la galerie « Atelier 030202 », un espace coordonné par Mihai
Zgondoiu. Ce fut une des premières expositions bucarestoises du groupe « Pastila
Roz ». Six mois plus tard, en septembre 2019, à « Art Safari », « Art
Machine » trouvait une place à l’exposition d’art sur-contemporain « Young
Blood, Art of Your Time », dont Mihai Zgondoiu a été le commissaire. Un
objet d’art fonctionnel dans un appareil professionnel, qui distribuait des
créations artistiques contre 1 leu, 5, 10 ou 50 lei (soit entre 20 centimes
d’euro et 10 euros). Les visiteurs choisissaient eux-mêmes le montant en
fonction de ce qu’ils pensaient de l’art contemporain. Il n’y avait aucune
différence entre les ouvrages, tout était une question de perception. Tous les 700
ouvrages que nous, le trio « Pastila Roz », avions préparés s’étaient
vendus dès le premier jour. Donc, nous trois, on s’était transformé en une
machine d’art, qui fonctionnait à longueur de journée. Une idée tellement bonne,
que d’autres artistes et même des visiteurs d’« Art Safari » nous ont
rejoints; les gens s’arrêtaient, un crayon à la main, au bar ouvert à
l’extérieur. Sur les dix jours d’exposition, nous avons réussi à vendre trois
mille ouvrages et à épuiser nos idées. En août 2020, « Art Machine » a
changé de trajectoire et veut développer une communauté qui propose une
nouvelle façon de consommer l’art contemporain. Le nombre d’artistes qui
s’impliquent dans notre projet s’accroît constamment. Dans un premier temps,
nous avons travaillé avec des artistes plasticiens et des graphistes, afin de
promouvoir l’idée d’art original. Je mentionnerais Pisica Pătrată, Obert,
Teodora Gavrilă ou bien Irina Iliescu, mais nous avons aussi collaboré avec des
photographes et des metteurs en scène. »
À la fin de l’interview, l’artiste visuel Alexandru Claudiu
Maxim a parlé de l’avenir de ce projet, tel que ses auteurs l’imagine: « Nous envisageons
de développer le projet dans d’autres villes aussi, notamment là où il existe
des institutions d’enseignement artistique supérieur, à Cluj, Timișoara ou
Iași. À propos de la mise en place d’autres communautés, d’autres « Art
Machine », c’est une entreprise que les artistes locaux devraient assumer.
Nous cherchons aussi à fabriquer un nouveau distributeur automatique, pour des
ouvrages plus grands, de type carte postale. », a conclu l’artiste visuel Alexandru Claudiu Maxim. (Trad. Ileana Ţăroi)