Le metteur en scène et l’écrivain Alexander Hausvater
En cette période pandémique tellement restrictive avec les manifestations culturelles, un événement littéraire s’est produit sur la scène du Théâtre Stela Popescu de Bucarest. Le metteur en scène d’origine roumaine Alexander Hausvater, figure controversée du théâtre roumain pour ses visions osées et particulières, a lancé trois romans écrits dans le courant de l’année dernière. Il s’agit d’Ici radio Eros, de La Pénombre et du Spleen voyageur, les trois parus chez les Editions Integral.
Ion Puican, 27.03.2021, 08:29
En cette période pandémique tellement restrictive avec les manifestations culturelles, un événement littéraire s’est produit sur la scène du Théâtre Stela Popescu de Bucarest. Le metteur en scène d’origine roumaine Alexander Hausvater, figure controversée du théâtre roumain pour ses visions osées et particulières, a lancé trois romans écrits dans le courant de l’année dernière. Il s’agit d’Ici radio Eros, de La Pénombre et du Spleen voyageur, les trois parus chez les Editions Integral.
Plus de détails sur ces volumes et sur leur auteur, avec l’écrivain Varujan Vosganian :
« C’est avec grand plaisir que je vous parle de ces trois livres que je viens de lire et qui laissent entrevoir un esprit sans repos, impatient dans son existence quotidienne puisque voilà, il écrit des livres qui emportent le lecteur vers d’autres horizons. Cela m’a fait penser à un film que j’ai vu et dont une bonne partie de l’action avait lieu d’abord dans la 5e dimension, après dans la 6e. Même sentiment avec l’écriture d’Alexander Hausvater, grâce à laquelle le lecteur peut se déplacer de son salon directement dans la rue ou même dans une autre ville ou un autre pays. Les endroits que l’écrivain nous fait découvrir n’ont pas forcément de nom – il s’agit du pays qu’il a quitté ou encore de celui où il est arrivé, les actions se passent dans une temporalité indéfinie. L’auteur est en même temps metteur en scène – et il se permet même de nous donner des indications scéniques, en nous disant, par exemple, d’écouter telle ou telle chanson, jusqu’à une minute précise, en indiquant le nom de l’artiste, les décors qui nous entourent, bref, il est très rigoureux dans la lecture de son texte qui ne peut pas se faire n’importe comment. Il nous prend subtilement et gentiment par la main et nous emmène avec lui, tout en nous permettant notre part de fantaisie. Bien qu’écrit chacun dans un autre registre, les trois romans reposent sur une humanité profonde. »
Davantage sur cette nouveauté éditoriale avec le directeur de la Maison d’édition Integral, Cornel Postolache :
« Après plusieurs livres de théâtrologie parus voici une décennie, après la parution en 2017 du roman puzzle « Et alors ? », voilà que la véritable surprise vient de se produire au moment du lancement, d’un coup, de ces trois romans. J’ai eu la chance magique d’être le premier lecteur, et j’en fus complètement ravi. Ce sont des bouquins émouvants, qui touchent énormément, qui produisent toute la gamme de sentiments puisqu’il suffit de lire la première page pour se dire : wow, voilà un écrivain ! »
L’événement s’est clôturé par un discours de l’auteur, profondément ému par les retours des gens présents sur place. L’occasion pour Alexander Hausvater de s’attarder sur la démarche créatrice qui lui a inspiré ces trois histoires pendant la période de pandémie. Alexander Hausvater :
« Je voudrais vous parler de ce transfert particulier produit par la pandémie dans la tête d’un artiste qui a passé 30, même 40 ans à travailler dans des théâtres, en cherchant, sans succès, des auteurs qu’il puisse adapter. Et tout d’un coup, cet artiste se retrouve dans une situation invivable, écrasé par les murs de sa propre maison, étouffé par le masque et par l’absence de contacts humains. Et c’est alors qu’il est envahi par des histoires qui naissent dans sa tête. Toute ma vie, je me suis pris pour un conteur, quelqu’un qui invente des histoires dont il finit par être le spectateur aussi. Quand j’ai fini ces trois romans, je me suis rendu compte qu’une histoire similaire à celle racontée dans La Pénombre s’était passé pendant la Seconde Guerre mondiale, dans l’hôtel Europe de Varsovie. Les nazis réunissaient dans cet hôtel les Juifs les plus aisés de la ville qui, en échange de leurs fortunes, se voyaient offrir un visa pour l’Argentine. Le roman « Ici Radio Eros » tire sa source d’une de mes créations pour la télévision canadienne, tandis que l’histoire du « Spleen voyageur » m’a été inspirée par la relation que j’ai eue avec mon père, la relation la plus profonde, la plus antagoniste, la plus difficile et pourtant, la plus précieuse que j’ai eue sur cette terre. »
A la fin, l’auteur et metteur en scène Alexander Hausvater a avoué :
« On se demande pourquoi quelqu’un perdrait son temps à écrire ? Eh bien, à la différence du théâtre qui reste un phénomène éphémère, avec la littérature, on ne sait jamais. Peut-être qu’un jour, à la fin de notre siècle, un enfant trouve dans un grenier un coffre, il l’ouvre et tombe sur un livre paru des années auparavant. Et comme il fait trop chaud dehors, il décide de rester au frais, dans le grenier, et il se met à lire. C’est tout ce qu’un auteur espère : qu’il soit lu. Après, la quête de l’amour c’est le fil conducteur de nos vies. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à la base, l’amour doit être quelque chose d’éternel qui nous accompagne depuis notre naissance jusqu’à la mort. Du coup, je me dis que si en lisant mes romans, un lecteur ressent le besoin de prendre sa femme dans ses bras et de l’embrasser, eh bien, mon pari est gagné. »
Par le lancement non pas d’un, mais de trois romans de début, Alexander Hausvater n’en finit pas d’étonner. (Trad. Ioana Stancescu)