Le film documentaire Timebox de Nora Agapi, dans la course aux Prix Gopo
Le film documentaire « Timebox » de Nora Agapi a remporté le trophée du meilleur documentaire d’Europe centrale et de l’Est dans la section « Between the Seas », « Entre les mers », au Festival international du film documentaire de Jihlava. Pour motiver son choix, le jury s’est dit touché par la profondeur avec laquelle la réalisatrice a exploré l’importance de la mémoire, tout comme par la vision artistique et la force narrative. Malgré un fil narratif extrêmement personnel, le film soulève des questions qui dépassent l’histoire proprement dite. Timebox figure parmi les cinq nominations à la 14ème édition des Prix Gopo des meilleurs documentaires.
Corina Sabău, 23.05.2020, 00:24
Le film documentaire « Timebox » de Nora Agapi a remporté le trophée du meilleur documentaire d’Europe centrale et de l’Est dans la section « Between the Seas », « Entre les mers », au Festival international du film documentaire de Jihlava. Pour motiver son choix, le jury s’est dit touché par la profondeur avec laquelle la réalisatrice a exploré l’importance de la mémoire, tout comme par la vision artistique et la force narrative. Malgré un fil narratif extrêmement personnel, le film soulève des questions qui dépassent l’histoire proprement dite. Timebox figure parmi les cinq nominations à la 14ème édition des Prix Gopo des meilleurs documentaires.
Prévu fin mars, l’événement a été reporté en raison de la pandémie mondiale de coronavirus.Le film raconte l’histoire d’Ioan Matei Agapi, un charismatique réalisateur de film documentaire âgé de 80 ans. Vivant à Iasi, celui-ci détient toute une collection de films en 16 mm qui couvre presqu’un demi-siècle d’histoire roumaine. Dans un premier temps, Nora Agapi a souhaité faire un film sur ces riches archives que son père détenait. Mais elle se ravise et change d’angle à partir du moment où les autorités locales réclament à son père de déménager sinon il sera évacué.
La réalisatrice Nora Agapi sur son film Timebox :« Dès le départ, j’aimerais préciser que ce film porte sur mon père. C’est lui qui m’a influencée pendant toute ma vie. Il est un caractère très fort, comme l’affirment tous les jeunes auxquels il a enseigné, à sa manière, les secrets de la photographie et du film. Pourquoi je dis à sa manière ? Parce que mon père a essayé de voir au-delà de la photographie pour se préoccuper de la philosophie et des aspects hilares de la vie. Il a un sacré sens de l’humour. Et puis, il est aussi quelqu’un de très courageux pour qui la vie a été une sorte de spectacle. Donc, l’idée de départ a été de faire un film sur mon père. Mais ce ne fut pas facile. Je me trouvais très proche du sujet. Du coup, j’ai choisi de me pencher notamment sur l’espace dans lequel j’ai grandi et sur la façon dont mon père s’y rapportait. Dans le film, mon père est aussi bien pédagogue que réalisateur. Il ne supporte pas le mot cinéaste, et donc je m’en méfie aussi. Mon père reste un excellent documentariste, qui maitrise à merveille les techniques de composition et de tournage sans qu’il se prenne pour un artiste. Dans un premier temps, je n’ai pas voulu apparaitre dans mon film, parce que le film ne devait pas porter sur moi. Sauf que voilà, au moment où l’on se penche sur son père, inévitablement on finit par parler de soi-même aussi ».
Nora a démarré son projet en 2011, mais peu de temps après, en 2012, elle s’est rendu compte qu’elle devait changer d’approche afin que son film ne raconte pas que l’histoire du père, mais aussi celle de la maison familiale. Cet espace qui abritait toutes les archives et d’où Ioan Matei Agapi s’est vu contraint de déménager sous la pression des autorités. « L’histoire est assez complexe, mais bon, pour faire court, je vous dis que dans un premier temps, mon père avait loué un espace dans un grand édifice pour y garder ses archives et pouvoir mener ses activités pédagogiques. Cet espace, il a fini par le transformer en son chez soi. Or, après 1990, il n’a pas eu le droit d’en devenir propriétaire, puisque l’endroit, connu sous le nom du Palais Braunstein, était un édifice de patrimoine. Du coup, il a continué à payer des frais de location. Sauf qu’en 2012, sans aucun préavis, la Municipalité a envoyé une lettre à mon père pour le sommer de déménager. Il a porté plainte et quatre ans durant, il a subi la torture psychologique d’un combat contre un système obtus qui s’est montré complètement indifférent face à un senior de 80 ans ayant contribué à sa manière à l’histoire de la ville. Mon film se construit autour de ce combat sans qu’il prenne la forme d’un documentaire social. N’empêche, je pense que par son parcours, mon père devient le symbole d’une lutte que nombre d’entre nous sommes tenus de mener contre toutes ces choses que l’on désapprouve, contre l’esprit souvent étroit de ceux qui nous entourent. Mon rêve fut justement de mettre en lumière tout ce travail de mon père, en sortant de leurs boîtes ses films qu’il a précieusement gardés. »
A part le trophée du Festival de Jihlava, le palmarès de Timebox est complété par une mention spéciale du jury accordée en 2019 au Festival international du film Transilvania et le prix du meilleur documentaire dans la section Balkan Dox du festival Dokufest IDFF du Kosovo.(trad. Ioana Stancescu)