Le festival national du théâtre 2016 sous le signe de la danse
L’inauguration officielle du festival a été marquée lors du vernissage de l’exposition « Caciuleanu », un hommage au chorégraphe roumain Gigi Caciuleanu. Parmi les invités étrangers de marque du Festival ont figuré Angelin Preljocaj et Carolyn Carlson. A l’affiche également – des spectacles où la danse occupe une place importante, avec des chorégraphies signées par de grands créateurs, tels Pal Frenak, Răzvan Mazilu et Andrea Gavriliu.
Luana Pleşea, 12.11.2016, 15:52
Bref, une édition sous le signe de la danse, cette année, au Festival national de théâtre. « Lorsque l’on dédie un festival à une personnalité comme celle de Miriam Răducanu, on la dédie non seulement à la danse, mais aussi à la culture et à la beauté », affirmait le chorégraphe Gigi Căciuleanu, un des disciples de l’artiste. Née en 1924, Miriam Răducanu « a révolutionné la danse en Roumanie par la manière dont elle a réuni des arts tels la poésie ou la musique, jointes par la force et le message d’une gestualité unique », affirme aussi la critique de danse Gina Şerbănescu.
« Le créateur de danse» Gigi Căciuleanu a ouvert le Festival national de théâtre de cette année. C’est toujours lui qui a marqué la tombée du rideau de la manifestation lors du lancement du volume « Miroirs », réunissant des textes qu’il a écrits au fil des années. Gigi Căciuleanu : «Depuis toujours j’écris sur des bouts de papier, où que je sois. C’est ainsi que je note mes danses. C’est ce que j’ai dit au lancement du livre : c’est un livre qui contient des danses, tout comme mes danses contiennent de la poésie et des dessins. Ce n’est pas du tout un livre ennuyeux, ni difficile à lire. Au contraire, il comporte des poésies à réciter. Le volume est écrit en plusieurs langues, parce qu’une bonne partie des poésies n’ont pas été écrites directement en roumain. J’ai traduit en roumain les vers écrits en français et j’ai recommencé à écrire, j’ai redécouvert notre belle langue. Et je me demande pourquoi existe l’espéranto, s’il existe la langue roumaine, qui contient tant d’éléments qui auraient pu unifier un langage international. »
Les deux premiers jours du Festival national de théâtre ont ramené devant le public roumain un des meilleurs chorégraphes européens, le Français d’origine albanaise Angelin Preljocaj. Après « Blanche Neige », il est revenu avec un spectacle inspiré d’un conte chinois : « La Fresque », dont la première mondiale a eu lieu un mois auparavant.
Née en Californie et établie à Paris, la chorégraphe Carolyn Carlson a animé un atelier de danse dans le cadre du Festival national de théâtre. Elle y a également présenté deux spectacles: « Short Stories/ Petites histoires » et « Now/ Maintenant ». Ce dernier spectacle promeut des idées comme « la danse vit et meurt maintenant » ou « nous avons la possibilité de changer le monde maintenant ». Carolyn Carlson explique comment sont nées ces idées: « D’une part, j’aime beaucoup Gaston Bachelard. J’ai fait trois spectacles d’après ses pièces : « Water and Dreams» (Eau et rêves), « Air and Dreams » (Air et rêves) et celui-ci qui est inspiré de « La poétique de l’espace ». Il parle de forêts, d’intimité et d’immensité. D’autre part, j’ai commencé à prendre le métro pour aller aux répétions. Et j’ai remarqué qu’il n’y avait personne. C’est-à-dire, chacun était préoccupé par son portable. Je parle de Paris, là… Et j’ai pensé : y a-t-il quelqu’un qui soit vraiment là ? Pourquoi ne peut-on pas tout simplement regarder les gens et profiter du voyage ? Je trouve que nous faisons moins attention à la vie. Il y a trop de choses. J’ai donc décidé d’intituler mon spectacle «Now » (Maintenant). »
C’est toujours pour la danse en tant que forme d’expression qu’a opté la Roumaine Andreea Gavriliu dans les deux spectacles présentés à l’édition 2016 du Festival national de théâtre. Le premier – « Dancer in the Dark » inspiré du célèbre film homonyme de Lars Von Trier – a été mis en scène par Vlad Massaci à Brasov. Le second, intitulé «A vos ordres, Führer ! », a été mis en scène par Mihai Măniuţiu à Turda, ayant pour protagoniste la célèbre comédienne roumaine Maia Morgenstern. Par ses chorégraphies, Andreea Gavriliu réussit à créer de nouveaux univers dans chacun de ses spectacles. Ecoutons-la : « Dans « Dancer in the Dark » j’ai essayé d’imaginer un univers sonore aussi expressif que possible, parce qu’au moment où quelqu’un est presque aveugle, tous les autres sens deviennent très aigus, et notamment l’ouïe. Nous avons voulu exprimer par le biais du mouvement le fait que le rythme et les sons qui nous entourent deviennent beaucoup plus forts et ont un effet sur notre corps. C’est pourquoi j’ai choisi une musique très suggestive, dans laquelle tous les sons apparemment habituels, qui nous entourent dans la vie quotidienne, se transforment en musique. Par contre, dans le spectacle «A vos ordres, Führer ! », c’est tout autre chose. Il s’agit du destin d’une femme élevée dans l’idéologie nazie, mais c’est une personne qui a voulu faire du bien, même si le régime s’est avéré une catastrophe pour l’humanité. D’un point de vu chorégraphique, j’ai tenté de développer un langage inspiré par la rigueur du régime nazi ».
Et c’est toujours Andreea Gavriliu qui nous explique pourquoi la danse a eu cette année une place si importante dans le Festival national du théâtre :SON : «Tout ce qu’un acteur fait pour construire son rôle a une composante chorégraphique très importante. Et je pense que cet aspect doit être de plus en plus évident tant pour les créateurs de théâtre que pour les spectateurs.» Pour Gigi Căciuleanu, cette édition du festival a été une véritable célébration de l’art : «Personnellement, je trouve très symbolique et réjouissante l’opportunité de faire partie du Festival de théâtre, la danse étant une particularité de cette généralité qui est le théâtre », a conclu Gigi Căciuleanu. (Trad. Valentina Beleavski)