La première édition du Festival « Gellu Naum »
Le Musée national de la littérature roumaine de Bucarest, en collaboration avec la Fondation « Gellu Naum », a organisé cette année la première édition du Festival « Gellu Naum ». Deux jours durant, les poètes contemporains les plus importants, proches, d’une façon ou d’une autre, de Gellu Naum, se sont donné rendez-vous à Bucarest et à Comana (sud), où le poète s’était retiré, pour rendre hommage à ce dernier grand surréaliste européen. Par ces deux rencontres, les organisateurs se proposaient de réaliser un dialogue à travers l’espace et le temps, pour mieux mettre en valeur le patrimoine littéraire roumain et la culture écrite récente. Les poètes invités ont proposé des lectures de leurs poèmes et ils ont tâché de donner une réponse aussi personnelle que possible à la question : « Comment suis-je arrivé à connaître Gellu Naum ? », évoquant mémoires, souvenirs, croquis, idées liés au grand poète surréaliste Gellu Naum.
Corina Sabău, 08.10.2016, 13:10
Le Musée national de la littérature roumaine de Bucarest, en collaboration avec la Fondation « Gellu Naum », a organisé cette année la première édition du Festival « Gellu Naum ». Deux jours durant, les poètes contemporains les plus importants, proches, d’une façon ou d’une autre, de Gellu Naum, se sont donné rendez-vous à Bucarest et à Comana (sud), où le poète s’était retiré, pour rendre hommage à ce dernier grand surréaliste européen. Par ces deux rencontres, les organisateurs se proposaient de réaliser un dialogue à travers l’espace et le temps, pour mieux mettre en valeur le patrimoine littéraire roumain et la culture écrite récente. Les poètes invités ont proposé des lectures de leurs poèmes et ils ont tâché de donner une réponse aussi personnelle que possible à la question : « Comment suis-je arrivé à connaître Gellu Naum ? », évoquant mémoires, souvenirs, croquis, idées liés au grand poète surréaliste Gellu Naum.
L’hôtesse des événements a été l’écrivaine Simona Popescu, auteure des livres : « Sur le surréalisme avec Gellu Naum », et « Clava. Critifiction avec Gellu Naum », publiés à quelques années d’intervalle, le dernier s’étant enrichi de plusieurs essais. « Ayant vécu pendant des années auprès de Gellu Naum, ce sens de la dignité existentielle qui est le principe vital de la poésie s’est éclairci pour moi de plus en plus. Gellu Naum avait un besoin viscéral de pureté et c’est pourquoi il manifestait une intransigeance féroce tout d’abord envers lui-même et ensuite envers les autres, il essayait de ne pas se mêler à eux, à leurs erreurs. (…) Ses propres erreurs lui provoquaient une grande souffrance. (…) L’erreur, c’était, pour lui, s’éloigner du « centre » de l’existence poétique. Le plus petit éloignement de ce qu’il appelait « les principes » apportait avec lui la disharmonie, l’opacité, l’hostilité », affirme Simona Popescu.
L’idée d’organiser un festival « Gellu Naum » lui est venue à la fin de 2015, année ayant marqué le centenaire de la naissance du poète, qui a vu lu jour le 1er août 1915. Surtout qu’à son avis, les écrits de Gellu Naum « créent de la solidarité ».
Vu qu’une grande partie de la critique considère Gellu Naum comme le dernier grand surréaliste européen, nous avons demandé à Simona Popescu si, de nos jours, on peut encore parler de surréalisme : « Le surréalisme existe, il y a des poètes surréalistes qui écrivent de nos jours et il y a des groupes surréalistes très intéressants à travers le monde. J’aimerais faire venir aux prochaines éditions du festival le groupe surréaliste de Londres, le groupe suédois, les surréalistes de Prague. Il y a dans le monde des poètes qui se présentent comme des surréalistes. Ainsi, le surréalisme continue d’exister dans la littérature aussi. Autrement, au-delà de la littérature, le surréalisme est immortel – tout comme le romantisme et tous les courants littéraires. Nous sommes tous des surréalistes, à notre façon – ne serait-ce que lorsque nous rêvons. Quand nous rêvons, nous sommes tous des surréalistes et, que nous le voulions ou pas, nous sommes des romantiques, des postmodernistes et des classiques. Et de temps en temps, toutes ces choses-là reçoivent un nom. Le surréalisme a existé depuis toujours, mais il s’est vu attribuer un nom à peine dans les années ’30, lorsque les surréalistes français l’ont théorisé, empruntant ce terme à Apollinaire. Et voilà que, de nos jours encore, on parle de surréalisme et on en parlera jusqu’à la fin du monde. »
« La poésie est une forme du mécontentement supérieur. Elle met en doute les principes, les systèmes, les hiérarchies, tout en refusant, en même temps, avec héroïsme, la vulgarité au visage de plus en plus humain, alors que les mécontents de ce monde recherchent ces « tempêtes terribles » où ils peuvent mesurer leurs forces » – disait Gellu Naum dans « Mon père fatigué ».
Parmi les poètes invités au Festival comptait Nora Iuga, dont les écrits ont été considérés, dès le premier volume, comme apparentés au surréalisme. Nora Iuga : « Je suis absolument convaincue que les surréalistes naissent ainsi, ils naissent surréalistes. Moi, je ne pense pas qu’un poète puisse devenir surréaliste grâce à des cours d’écriture créative. En effet, c’est le poète Miron Radu Paraschivescu qui a écrit la préface mon premier volume et il y affirmait qu’il y avait une ressemblance entre moi et Gellu Naum. Depuis, de tels rapprochement n’ont presque plus été faits en Roumanie. Je n’ai pas fait partie du groupe très bien connu d’amis – littéraires ou pas – de Gellu Naum. J’ai connu Gellu Naum plus tard, car ses écrits ne circulaient pas pendant la période stalinienne. Je n’ai appris l’existence du mot « surréalisme » que très tard, vers le milieu des années 60. C’est à cette époque-là que j’ai lu le premier poème de Gellu Naum, intitulé Athanor. Je l’ai lu et j’ai ressenti une sorte d’électrochoc… de perplexité ; je n’ai pas compris grand-chose à ce poème, mais je l’ai adoré. C’est que je n’avais jamais lu rien de semblable et je ne savais pas que l’on pouvait penser ou écrire de cette façon, sans que l’on y comprenne quoi que ce soit, mais en ressentant une telle vibration de beauté et ce perpétuel inattendu. Ce fut, pour moi, le moment où j’ai pris conscience du fait que, souvent, je préfère l’inintelligible, c’est-à-dire ce qui ne ressemble à rien d’autre et reste incompréhensible, parce que c’est là que se cache le grand mystère. Et c’est le grand mystère qui domine nos vies. » (Trad. : Dominique)