La Plate-forme internationale de théâtre de Bucarest
« L’autre/Migration » un thème déjà récurrent de notre existence, a été la proposition pour la 3e édition de la Plate-forme internationale de théâtre de Bucarest.
Luana Pleşea, 29.10.2016, 13:34
« L’autre/Migration » un thème déjà récurrent de notre existence, a été la proposition pour la 3e édition de la Plate-forme internationale de théâtre de Bucarest.
Par les spectacles invités d’Allemagne, du Royaume Uni, des Etats-Unis et de Roumanie, le public a pu connaître différentes façons de négocier la relation avec l’autre – estime le commissaire de la Plate-forme, le critique de théâtre Cristina Modreanu. « Comment accepter chez nous ceux qui nous sont étrangers et comment nous faire accepter là où nous sommes, nous, étrangers aux autres – voilà des thèmes suscités par la nouvelle vague migratoire qui a déferlé sur l’Europe suite aux conflits armés du Proche Orient » – affirme Cristina Modreanu.
Elle ajoute : « La vague migratoire est composée de personnes très différentes qui arrivent sur un certain territoire – de l’Allemagne, du Royaume Uni ou d’autres pays européens. Dans chacun de ces pays, les problèmes sont différents. Les systèmes d’asile ou ceux auxquels ils tâchent de s’intégrer sont à leur tour très différents et évidemment, à chaque fois, les problèmes qui se posent aux migrants ne sont pas les mêmes. Et ces problèmes nous concernent, nous aussi, car, comme tous les autres pays européens, la Roumanie a son quota de réfugiés. Nous accueillons ces personnes, qui restent chez nous, égarées dans un système qui ne sait pas trop quoi faire d’elles. J’ai choisi ces spectacles justement pour présenter leur cas, leurs histoires, pour que nous puissions nous rendre compte qu’ils sont des gens comme nous, des gens confrontés à des situations critiques, à des souffrances, et que nous devrions mieux comprendre. »
Lors de cette édition de la Plate-forme, ces histoires ont été racontées de différentes façons : par la voix, le rythme et la musique, par le théâtre physique, sans paroles, par un discours semblable à celui des politiciens, par un tour guidé dans les rues de Bucarest ou par des pièces de théâtre radiophonique.
L’événement s’est ouvert par un spectacle invité d’Allemagne : « Monologues depuis l’asile », dont le texte et la mise en scène étaient signés par Michael Ruf. Il présente, de manière minimaliste, 3 histoires vraiment impressionnantes. Nous avons affaire là à une structure théâtrale spéciale : « Acteurs pour les droits humains », un théâtre de projet qui fonctionne comme un réseau.
Lara Chahal, assistante mise en scène : « Nous avons créé un réseau d’acteurs et de musiciens d’Allemagne et nous présentons des spectacles dans différentes villes. Par exemple, si nous présentons un spectacle à Munich, nous cherchons des acteurs qui habitent aux alentours de Munich, pour qu’ils puissent participer au projet. Le spectacle est donc joué à chaque fois par d’autres acteurs. Les textes reposent sur les interviews que m’ont accordées des réfugiés arrivés en Allemagne. Ils y racontent leur expérience du système européen d’asile. Nous souhaitons faire entendre les voix des réfugiés, pour que de plus en plus de personnes deviennent conscientes des problèmes auxquels ils sont confrontés en Europe. D’habitude, après le spectacle, nous entamons un dialogue avec le public, l’invitant à un débat sur ce que l’on pourrait faire pour remédier à ces situations. Certains sont choqués par ces histoires, car ils ne savent pas que de telles choses arrivent, d’autres sont déjà impliqués et veulent faire davantage. Nous souhaitons vivement entraîner les gens dans ce genre de discussions et les convaincre également à parler de ce qu’ils ont entendu, à diffuser l’information et à parler entre eux de la façon dont ils peuvent venir en aide aux réfugiés au niveau local, dans leurs communautés. »
Dans son texte « Migraaaants ou On est trop nombreux sur ce putain de bateau », présenté comme spectacle-lecture dans le cadre de la Plate-forme, le dramaturge Matei Vişniec aborde le problème de la migration. Ce spectacle a donné au public un avant-goût du spectacle de théâtre radiophonique « Migraaaants », mis en scène par Mihai Lungeanu, qui sera présenté en première au début de l’année prochaine.
De l’avis de Mihai Lungeanu, l’auteur du texte y fait une analyse objective du problème de la migration : « Matei Vişniec choisit de faire une description des événements, sans implication émotionnelle. Une description des rapports qui se créent entre ceux qui gèrent la venue des Arabes, ceux qui font du commerce, ceux qui font des affaires, ceux qui font de la politique… à tous les niveaux : culturel, politique, administratif, humain… Il y a quelques scènes très émouvantes liées à l’universalité de la mort, lorsque les corps inanimés sortis de l’eau n’ont plus d’ethnie, plus de sexe, plus d’âge… Et alors, à notre capacité de recevoir les vivants s’ajoute le problème des morts, que l’on doit gérer d’une façon ou d’une autre. Comme d’habitude, Matei Vişniec y jette un regard plein d’humour, de poésie, très sensible et en même temps très lucide. »
Ces derniers temps, à Bucarest, les artistes ont commencé à témoigner de l’intérêt pour les projets d’exploration urbaine. Un de ces projets est la carte sensorielle de la capitale, un tour guidé utilisant des acteurs, des invités d’honneur qu’une relation particulière lie à certaines maisons et à leurs histoires mémorables, ainsi que de l’équipement audio et vidéo. La carte sensorielle de Bucarest a figuré au programme de la Plate-forme internationale de théâtre de Bucarest.
Le commissaire du projet, Cristina Modreanu, explique : « La carte sensorielle de Bucarest est un projet qui nous fait connaître de nombreuses facettes de la ville, à différentes époques. Nous l’avons intégrée à la Plate-forme, car « l’autre » est une notion à laquelle nous avons été confrontés au fil de l’histoire. Il est surprenant de voir que des gens ayant participé à ce tour ne savaient pas jusqu’ici qu’il y un quartier juif à Bucarest, dont une petite partie seulement a survécu, qu’il y a un quartier arménien et que de nombreuses populations d’autres ethnies y ont vécu et continuent d’y vivre, faisant la diversité de la ville. »
La compagnie britannique a abordé le problème de la migration d’un point de vue psychologique. Gagnant en 2014 du prix du Meilleur spectacle au Festival Fringe, « Confirmation » est un spectacle qui semble nous chuchoter à l’oreille : Et si les autres arguments, qui nous semblent tellement contraires à notre discours et à nos préjugés, étaient tout aussi vrais ? (Trad.: Dominique)