« La maison à poupées »
Corina Sabău, 12.08.2023, 11:20
Le documentaire « La maison à poupées »,
« House of Dolls » premier documentaire de Tudor Platon, a eu sa
première internationale au Festival de Film de Sarajevo. Projeté pour la
première fois, en Roumanie, dans le cadre du Festival international de Film
Transilvania, dans la section « Les journées du film roumain », le
documentaire marque le début comme réalisateur de Tudor Platon, un des directeurs
photo les plus connus de Roumanie. Nominé en 2016, aux Prix Gopo, dans la
catégorie « Jeunes Espoirs de la photographie », pour le film
« Tous les fleuves se jettent dans la mer », d’Alexandru Badea, Tudor
Platon a vu son film « La maison à poupée » parmi les nominations aux
Prix Gopo 2022, dans la catégorie du meilleur début et dans celle du meilleur
documentaire.
Véritable plaidoyer pour l’espoir et l’amitié, le
documentaire nous invite à accompagner la grand-mère du réalisateur et ses
quatre copines dans leurs vacances annuelles, passées dans la Vallée de l’Olt.
Produit par Carla Fotea, Ada
Solomon, Tudor Platon et Alexandru Solomon, le film a surpris tout le monde.
D’abord, Tudor Platon lui-même qui a commencé à filmer sa grand-mère et ses amies
sans la moindre intention de porter les images sur grand écran. Au départ, il
s’est proposé de passer un peu plus de temps en compagnie de sa grand-mère,
Cica, pour essayer de mieux la connaitre. D’ailleurs, celle-ci et ses copines
ont été persuadées que le jeune homme de 25 ans se lassera vite de les filmer
et finira par rentrer chez lui. Tudor Platon nous raconte:
Dans un premier temps, mon intention fut de
passer du temps avec elles et non pas de faire un film, surtout que je ne
connaissais pas trop bien ma grand-mère, Cica. Mais, durant cette semaine, on a
fini par se raprocher. Depuis ce moment-là, on a commencé à partager beaucoup
de choses, des choses que je n’avais jamais imaginées pouvoir lui raconter.
Comme beaucoup de Roumains de mon âge, moi-aussi, j’ai été élevé par mes
grands-parents. Sauf que ce ne fut pas ma grand-mère Cica qui s’était occupée
de moi, mais l’autre grand-mère, celle qui est morte deux ans avant que je ne commence
à filmer les images qui deviendront par la suite le documentaire La maison à
poupées. D’où mon besoin de me rapprocher de Cica, ne serait-ce que pour
combler le vide créé par la mort de l’autre grand-mère. Et je pense que Cica
aussi a senti le besoin de passer du temps avec moi, surtout qu’elle est plutôt
du genre à ne pas exprimer facilement ses sentiments. Voilà pourquoi, au moment
où elle m’a dit vouloir partir en vacances avec ses copines, je lui ai proposé
de les accompagner. Ces vacances sont une tradition pour ma grand-mère et ses
amies qui partent chaque année, une semaine, ensemble. Ce sont des vacances
pendant lesquelles elles s’isolent des autres ce qui leur permet de remonter
dans le passé et se sentir à nouveau jeunes. Cela fait 50 ans que ces femmes se
connaissent. D’après ce que l’une d’entre elles m’a dit, elles étaient
persuadées qu’au bout de deux jours, je finirai par en avoir marre et que je
rentrerai chez moi. Sauf que notre relation est devenue très forte au sein de
cet univers isolé qu’elles se construisent à chaque fois qu’elles partent en vacances,
ensemble. Surtout qu’avec elle, je n’étais plus un homme, mais un gamin.
D’ailleurs, c’est comme cela qu’elles m’appellaient: mon p’tiot. Et peut-être
qu’elles avaient raison, car je pense que ma jeunesse m’a permis à surprendre
leur candeure et cette relation spéciale qui existe entre elles. Elles ont
accepté de se laisser surprendre par la caméra, car elles étaient persuadées
que mon intention était tout simplement de me faire des beaux souvenirs avec ma
grand-mère.
Comment cet excellent directeur photo a eu l’idée de faire un film?
Tudor Platon se confesse:
« Le besoin était là, sauf que je
n’avais pas une idée concrète de ce que j’aurais pu faire, je n’avais pas de
projet. Au départ, ce fut juste ce besoin d’enregistrer, d’immortaliser ce que
j’étais en train de vivre. D’ailleurs, ce besoin est depuis toujours au fond de
moi. Je pense que je suis surtout un compteur, j’aime bien raconter des
histoires ou retenir les histoires qu’on me raconte. J’aime bien transposer sur
l’écran les émotions, c’est ce que je fais d’ailleurs quand je tourne les films
des autres, j’essaie de comprendre et de traduire en image. En tant que
directeur de photo, je laisse exprimer me sentiments à travers les cadres. En
revanche, comme réalisateur, je me sers de tous les moyens pour raconter mon
histoire. »
Tudor Platon
a fait des études à l’Université nationale d’Art théâtrale et de
cinématographie de Bucarest. Il a travaillé comme chef opérateur et comme
directeur de photo pour de nombreux courts-métrages parmi lesquels Tous les fleuves se jettent dans la mer (2016), d’Alexandru
Badea et 4:15 PM La fin du monde (2016), de Gabi Virginia Șarga et Cătălin
Rotaru, les deux présentés à Cannes. Tudor Platon est aussi le directeur photo
du court-métrage Cadeau de Noël, de Bogdan Muresanu, grand prix de l’Académie
européenne de film, figurant sur la liste courte des Oscars en 2020. Comme
réalisateur, Tudor Platon prépare un nouveau documentaire inspiré d’une
histoire de famille, très personnelle.