« Horror Vacui » (La phobie du vide), l’événement théâtral le plus long au monde
La galerie d'art Galateca de Bucarest a récemment été la scène d'un événement théâtral hors du commun. Durant sept jours, du 15 au février, 505 acteurs se sont relayés à raison de trois par heure, 24h sur 24, pour interpréter 505 textes littéraires et dramaturgiques qui parlent du sentiment de vide et d'abandon. Le projet « Horror Vacui » (La phobie du vide) a été une première théâtrale mondiale. Découverte.

Ion Puican, 01.03.2025, 10:25
L’événement théâtral le plus long au monde
La galerie d’art Galateca de Bucarest a récemment été la scène d’un événement théâtral hors du commun. Durant sept jours, du 15 au 22 février, 505 acteurs se sont relayés à raison de trois par heure, 24h sur 24, pour interpréter 505 textes littéraires et dramaturgiques qui parlent du sentiment de vide et d’abandon. Le projet « Horror Vacui » (La phobie du vide) a été une première théâtrale mondiale, réalisé avec le soutien du Musée de l’Abandon et de l’initiative pour un changement civique « Papercuts ». Ce « performance » théâtral s’était proposé de réaliser une médiation émotionnelle et un appel à la reconnaissance d’une partie du passé dramatique de la Roumanie : l’abandon des enfants dans notre pays et l’histoire communiste et post-communiste de ce phénomène. Pendant le régime communiste, plus d’un million d’enfants ont été abandonnés par leurs parents, devenant ainsi les victimes d’un système qui les a transformés en « enfants de personne ». Cette initiative veut encourager le changement social à travers une résilience culturelle et civique renforcée.
Les sources d’inspirations
L’acteur, dramaturge et initiateur du projet, Alexandru Ivanoiu a dévoilé ses sources d’inspiration :
« C’est une question que j’ai souvent entendue ces derniers temps et à laquelle j’ai l’impression de trouver une nouvelle réponse avec chaque jour de performance. Aujourd’hui, je me suis rendu compte que, par ce projet, j’ai aussi voulu inciter mes collègues acteurs à être plus unis, à venir regarder le jeu des autres, laissant de côté nos éventuelles différences esthétiques ou politiques. Je crois aussi que j’ai en plus été curieux de voir si l’on était capable de rallier au moins 500 personnes sur un seul projet, sur une seule idée. Par les temps actuels, quand il me semble facile plutôt de trouver les différences qui nous séparent, il est encore plus facile de transformer ces différences en raisons d’éviter les moments passés ensemble. Je crois qu’à l’exemple de cette dimension de l’abandon et de son opposé, explorés dans chaque histoire racontée, il est tout aussi important pour les artistes d’explorer de nouveaux formats et des moments où le travail ensemble est plus important que celui individuel. »
Une réflexion collective
Les textes présentés dans le spectacle-événement « Horror Vacui » reposent sur des histoires et des témoignages archivés au Musée de l’Abandon ou sur des textes d’auteurs contemporains. En plus de la mise en œuvre d’une réflexion collective sur le thème de la reconnaissance du passé et la reconstruction de l’avenir, cette initiative souhaite créer un espace de dialogue protégé et permanent, afin de trouver des solutions.
Alexandru Ivănoiu explique :
« Nous pouvons parler d’au moins 253 exemples, témoignages, photographies, documents, mis à notre disposition par le Musée de l’Abandon pour les utiliser dans « Horror Vacui ». A cela s’ajoutent des textes écrits par des auteurs contemporains qui nous les ont donnés pour ce projet, et des témoignages offerts par des ONG ou d’autres acteurs sociaux et culturels qui se battent contre l’abandon. Tout cela s’est ajouté aux 505 comédiens. Et je dois dire ici aussi nos remerciements et notre reconnaissance aux personnels du Musée de l’Abandon, car leur travail nous a permis de donner vie à ce spectacle. »
Les difficultés
Quelles ont été les plus grosses difficultés rencontrées par les organisateurs du projet ? Alexandru Ivănoiu a précisé :
« Les principaux défis ont été sans aucun doute liés aux horaires et agendas personnels. Il est très difficile d’harmoniser les agendas de 500 comédiens sur une marge de temps très stricte, mais qui, paradoxalement, était la meilleure que l’on ait pu souhaiter. Rassembler 500 acteurs en deux mois est particulièrement difficile, mais pas impossible. »
Quels objectifs ?
En réalisant le projet « Horror Vacui », les organisateurs visent plusieurs objectifs, explique son initiateur, Alexandru Ivănoiu:
« Ce que nous souhaitons atteindre c’est d’abord un changement de la législation. La création d’une commission qui documente et enquête sur les faits d’abus contre les enfants institutionnalisés de 1966 à 2007. C’est une demande portée aussi par l’ONG Papercuts, par le Musée de l’Abandon et par d’autres ONG actives dans ce domaine. Nous voulons avoir des recherches qui montrent clairement combien, qui, comment. Car nous croyons que seul un tel acte pourra amorcer le changement. Je crois qu’avant des récompenses, des modifications et des moyens punitifs, la reconnaissance des faits est le plus grand pas vers la guérison et c’est tellement simple à faire. »
Des retours positifs
Alexandru Ivănoiu a enfin abordé la participation des réalisateurs et du public au projet « Horror Vacui » :
« En général, les participants au projet ont répondu très positivement. Nous avons travaillé avec un réseau de bénévoles et d’acteurs très ouverts à l’idée, qui ont relayé les informations et les objectifs de notre mission. De son côté, le public a magnifiquement réagi. Cela fait chaud au cœur de voir que le public est présent à 4h ou à 5h du matin. Les gens se réveillent pour aller regarder leurs amis, la famille, les collègues, et ensuite ils restent voir les autres aussi. La nuit c’est pareil. C’est une petite communauté qui se crée et ça c’est quelque chose de spécial. » (trad. Ileana Taroi)