Hommage à Nina Cassian – la grande séductrice de la littérature roumaine
« Etre d’une grande sensibilité, ayant l’air d’une sirène séduisante et d’une biche apeurée, dont le profil ressemble à Dante, aux doigts d’une élégance hors du commun, qu’on a du mal à oublier. La musique lui coule dans le sang, la poésie dans la chair, son discours est séduisant comme un champagne de luxe. Consommatrice frénétique de vodka et de cigarettes, cynique et ludique, romantique et mélancolique, frêle et cruelle, gracile et intransigeante — c’est comme ça qu’a été Nina.» La description appartient à l’historien Vladimir Tismaneanu, qui l’a écrite juste après la mort de la poétesse, en ce 16 avril 2014. Renée Annie Cassian est née le 27 novembre 1924, à Galati, (est) dans une famille d’origine juive. Elle a fait ses études à Brasov, (centre) et à Bucarest. A 16 ans, elle rejoint l’organisation de la jeunesse communiste.
Corina Sabău, 23.08.2014, 01:00
« Etre d’une grande sensibilité, ayant l’air d’une sirène séduisante et d’une biche apeurée, dont le profil ressemble à Dante, aux doigts d’une élégance hors du commun, qu’on a du mal à oublier. La musique lui coule dans le sang, la poésie dans la chair, son discours est séduisant comme un champagne de luxe. Consommatrice frénétique de vodka et de cigarettes, cynique et ludique, romantique et mélancolique, frêle et cruelle, gracile et intransigeante — c’est comme ça qu’a été Nina.» La description appartient à l’historien Vladimir Tismaneanu, qui l’a écrite juste après la mort de la poétesse, en ce 16 avril 2014. Renée Annie Cassian est née le 27 novembre 1924, à Galati, (est) dans une famille d’origine juive. Elle a fait ses études à Brasov, (centre) et à Bucarest. A 16 ans, elle rejoint l’organisation de la jeunesse communiste.
Ses premières tentatives littéraires sont encouragées par deux grands poètes roumains, Tudor Arghezi et Ion Barbu. «Un talent incontestable » fut le verdict d’Arghezi. « Nina est attirée par le mouvement communiste mais les « camarades » ne l’agréent pas, la considérant comme orgueilleuse et dominatrice» écrivait pour sa part, le critique, Alex Stefanescu.
Après une brève période durant laquelle elle écrit de la poésie réaliste socialiste, Nina revient à la littérature authentique, en s’adonnant à celle pour enfants.
En 1985, bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Sörös, Nina Cassian se rend aux Etats-Unis en tant que professeur invitée pour donner un cours à New York. C’est là qu’elle apprend l’arrestation et le meurtre en prison de son ami, le dissident Gheorghe Ursu. Elle décide de ne plus rentrer au pays. En représailles à sa décision, Nina se voit confisquer son appartement de Roumanie. Ses livres sont interdits et retirés des bibliothèques, jusqu’à la chute du régime de Nicolae Ceausescu, en décembre 1989.
Ses poèmes sont parus dans les revues américaines, The New Yorker, Atlantic Monthly, New England Review et American Poetry Review. Une grande partie de la poésie de Nina Cassian a été traduite en anglais, italien et français. A son tour, Nina a traduit des œuvres de Vladimir Maiakovski, Kornei Ciukovski, Margarita Aliger, Yannis Ritsos, Christian Morgenstern, Paul Celan, Bertolt Brecht, Molière, Shakespeare.
Dix ans après s’être établie à New York, Nina Cassian déclarait dans une interview à la poétesse Liliana Ursu: « Au début, je n’ai rien fait car j’étais inapte pour n’importe quelle action, j’étais immune, anesthésiée par un nombre trop grand de pertes fondamentales. J’étais très bonne amie de la notion de mort. Cependant, sans faire aucun effort, j’ai eu de la chance et c’est pour cela qu’à une première vue je peux me considérer comme un être triomphant. A une deuxième vue — un morceau de chair triste, ”hélas, la chair est triste et jai lu tous les livres”. Voilà, en dernière analyse et en métaphore, ce qui m’arrive. En effet, mon impact sur les publics américain et britannique fut pour moi une surprise et une révélation. Car en emmenant mes paroles d’une terre différente, et non seulement d’une autre langue, mais d’une configuration psychique et mentale totalement différente, j’ai été surprise de constater que le public a été si réceptif et moi si convaincante. Et le résultat est vraiment celui-ci, ce fut un coup de foudre.»
En se référant à Nina Cassian, le critique Alex Stefanescu affirme qu’elle a été acceptée « avec une ironie caustique, explicable, d’un côté, par un esprit d’observation aigu, typiquement féminin, de l’autre par cette lucidité intellectualiste qui allait devenir plus tard à la fois un trait caractéristique de la poétesse et un thème de méditation, une cause soutenue avec ardeur, une profession de foi ». Nina Cassian: « Comme tout poète, moi aussi je suis rongée de doutes. Si plusieurs mois passent sans rien écrire, je me dis que tout n’a été qu’une impression, que j’ai eu seulement l’impression d’émaner de la poésie, mais qu’en réalité, voilà je ne suis pas une poétesse. Je pense être seulement douée d’un certain savoir-faire, d’une inertie du savoir-faire et que c’est tout. Mais le doute n’est pas mauvais. Le doute est créateur, à condition qu’il ne devienne pas dominateur, qu’il ne s’empare pas complètement de toi. »
Lors de la Journée Mondiale de la Poésie, le 21 mars 2014, Nina Cassian a été célébrée à Venise, à l’occasion de la parution en italien du premier volume anthologique de vers « Cè modo e modo di sparire », titre d’un des poèmes les plus importants proposés ces dernières années par les Maisons d’Edition d’Italie. A l’Institut culturel roumain on a aussi présenté une interview avec Nina Cassian, réalisée en 2010 par Maria Stefanache et extrait du film documentaire « Nous, Roumains dans le monde ».
Considérée comme une « des grandes séductrices de la littérature roumaine », Nina Cassian a été aimée par des écrivains célèbres. «J’ai aimé et on m’a aimée. J’ai créé non-stop. Parfois, j’ai été appréciée ; fréquemment, même de nos jours, marginalisée. Mais tout cela relève de l’équilibre de la vie», affirmait Nina Cassian dans une interview récente. (trad. : Alexandra Pop)