Europa Passage, un nouveau documentaire d’Andrei Schwartz
« Europa Passage », le dernier film en date du réalisateur
roumano-allemand Andrei Schwartz a été projeté à la seizième édition du Festival
du Film Documentaire et des Droits de l’homme One World Romania. Tourné durant
six ans, le documentaire suit de près le quotidien de plusieurs Roms de
Roumanie, obligés à faire des allers retours entre la Roumanie et la ville
allemande où ils essaient de gagner leur vie.
Corina Sabău, 10.06.2023, 10:00
« Europa Passage », le dernier film en date du réalisateur
roumano-allemand Andrei Schwartz a été projeté à la seizième édition du Festival
du Film Documentaire et des Droits de l’homme One World Romania. Tourné durant
six ans, le documentaire suit de près le quotidien de plusieurs Roms de
Roumanie, obligés à faire des allers retours entre la Roumanie et la ville
allemande où ils essaient de gagner leur vie.
Né à Bucarest en 1955,
Andrei Schwartz a émigré, en 1973, en Allemagne, où il a fait des études à
l’Ecole des arts de la ville de Hambourg. En 1997, il présente au Festival
international du film documentaire d’Amsterdam son film « Auf der Kippe/Au
bord du précipice », qui décroche le Prix Joris Ivens. Tourné dans la
ville roumaine de Cluj, ce documentaire raconte la vie des Roms dont le
quotidien tourne autour de la décharge publique de la ville. En 2015, Andrei
Schwartz réalise le documentaire « Vieţaş până la
moarte/Himmelverbot/Outside/A perpète jusqu’à la mort », sélectionné au Festival
One World Romania, dont le personnage principal est un ancien condamné à
perpétuité, qui est gracié au bout de vingt-et-un ans derrière les barreaux.
Nous
avons rencontré Andrei Schwartz, qui nous a parlé de son plus récent
documentaire, « Europa Passage », et de son intérêt pour des sujets
qui racontent des histoires de vie de gens marginaux: Comme
vous le savez, en 1997, j’avais déjà fait un film sur ce qu’il se passe à
Pata-Rât, la décharge publique de la ville de Cluj-Napoca. Alors, quand j’ai vu
ces Roms à Hambourg, j’ai cru retrouver les personnages de mon documentaire. En
général, je préfère regarder la société en me tenant à l’écart, parce qu’une
telle perspective aide à comprendre ce qu’il se passe au centre. Mon dernier
documentaire n’est pas qu’un film sur ces gens qui font la navette entre la
Roumanie et Hambourg, il est également un portrait de la ville allemande, de
son visage moins plaisant. Puisque je considère cette ville comme ma maison,
j’ai aussi voulu connaître sa partie moins connue. Concernant mon intérêt pour
les marginaux, moi je suis né à Bucarest, du côté de Balta Cocioc, une immense
décharge où une communauté Rom vit du tri des déchets. Je me souviens que,
pendant mon enfance, quand j’allais à l’école, je passais toujours en bus
devant ce lieu où je n’ai jamais eu le courage d’entrer. Les marginaux
m’intéressent aussi parce que je suis juif et les membres de ma famille qui
vivaient en Hongrie ont été exterminés dans les camps de concentration. Or,
l’extermination fait malheureusement aussi partie de l’histoire des Roms. Lors
de la première du film dédié aux Roms, « Auf der Kippe/Au bord du précipice »,
primé au Festival du Film Documentaire d’Amsterdam, une sorte de Festival de
Cannes du film documentaire, on m’a dit que j’avais réalisé une leçon sur la
condition humaine et sur la vie des Roms. Personnellement, je ne crois pas
qu’il soit un simple film sur les Roms, et là je pense au documentaire « Europa
Passage » ; c’est un film sur des gens qui essaient de sauvegarder
des miettes de vie normale dans des circonstances très dures. Dans « Europa
Passage », les personnages font preuve d’un humour extraordinaire, qui les
aide à se tenir debout, à ne pas baisser les bras. Ce qui est admirable.
Țîrloi, un des personnages principaux, a le don de toujours voir le verre à
moitié plein et j’avoue que j’aimerais bien être aussi optimiste que lui.
« Obligés de vivre comme dans un ghetto, humiliés à
travers des emplois improvisés et rejetés par la société, ces gens représentent
la face invisible, de paria, d’une prétendue histoire à succès d’intégration
dans « la grande famille européenne ». Le film fait en sorte que ces
gens aient une présence et un nom – Țîrloi, Maria et les membres de leur
famille – en les arrachant ainsi, même temporairement, à leur triste anonymat.
Comme un rappel constamment utile de l’essentiel du documentaire: accompagnement,
refuge et force pour les démunis. », écrivait le critique Victor Morozov.
Le réalisateur Andrei Schwartz s’est souvenu des réactions suscitées par son
film « Europa Passage » lors de la première: Ce
qui a été intéressant c’est que nous avons projeté le film dans à peu près
vingt-cinq villes allemandes, où j’ai participé aux échanges d’après la
projection. Cela m’a permis de comprendre que la situation décrite dans « Europa
Passage » ne se rencontre pas uniquement à Hambourg, mais dans toutes les villes de tous
les pays occidentaux. Ce qui est impressionnant ce sont les réactions positives
des gens qui ont vu le film. Et puis, cette attitude, envers ceux qui mendient,
peut donner naissance à des problèmes de conscience, mais elle n’est pas
typiquement roumaine et je ne suis pas l’unique concerné. De mon point de vue,
les gens qui ressemblent à mes personnages, Țîrloi și Maria, sont un symptôme
d’une société déraillée et je ne pense pas que nous puissions y trouver une
solution sans résoudre aussi les autres problèmes. Seuls les décideurs
pourraient prendre des décisions qui rendent la vie de ces gens plus facile.
Ajoutons qu’au générique du documentaire « Europa
Passage » on peut lire les noms de Susanne Schuele pour l’image, de
Rune Schweitzer pour le montage, de Giacomo Goldbecker, Helge Haack, Marin
Cazacu, Stefan Bück et Simon Bastian pour le son, et de Stefan Schubert pour la
production. (Trad. Ileana Ţăroi)