Construire le détail – Veronica D. Niculescu
« Mon écriture se construit avec imagination, autour d’un facteur déclencheur, quel qu’il soit. « Vers des vallées de jade et de nielle » fait, par la voix de Miranda Dortloft, un plaidoyer pour ce type d’écriture, pour l’imagination et la construction. » C’est la déclaration de Veronica D. Niculescu concernant son roman « Vers des vallées de jade et de nielle », paru cette année aux Editions Polirom. Voici sa présentation : « Un roman sur les départs, les pertes et le vide, écrit avec tendresse et parsemé de surprises. Un livre à structure circulaire, renfermant un conte en un millier de vers. Loin de la ville natale, de la famille et de celui qu’elle aime, Miranda Dortloft écrit un conte à rimes. La prose dense qui entoure ce jeu imaginaire révèle la vie réelle de l’héroïne : des années d’enfance sous le communisme, dans une famille mixte, passant par une histoire d’amour, jusqu’au présent ravagé et affaibli par la dépression. »
Corina Sabău, 19.11.2016, 13:40
« Mon écriture se construit avec imagination, autour d’un facteur déclencheur, quel qu’il soit. « Vers des vallées de jade et de nielle » fait, par la voix de Miranda Dortloft, un plaidoyer pour ce type d’écriture, pour l’imagination et la construction. » C’est la déclaration de Veronica D. Niculescu concernant son roman « Vers des vallées de jade et de nielle », paru cette année aux Editions Polirom. Voici sa présentation : « Un roman sur les départs, les pertes et le vide, écrit avec tendresse et parsemé de surprises. Un livre à structure circulaire, renfermant un conte en un millier de vers. Loin de la ville natale, de la famille et de celui qu’elle aime, Miranda Dortloft écrit un conte à rimes. La prose dense qui entoure ce jeu imaginaire révèle la vie réelle de l’héroïne : des années d’enfance sous le communisme, dans une famille mixte, passant par une histoire d’amour, jusqu’au présent ravagé et affaibli par la dépression. »
Veronica D. Niculescu : « Cette fois-ci, il était clair que je devais écrire une histoire longue, parce que c’était l’idée du livre et, d’autre part, j’avais très envie d’un verbe plus ample, élaboré, après des livres très courts qui étaient un plaidoyer pour les petites choses. Etre petit, être caché, le monde intérieur peut être immense quand vous êtes petit et vous vous tapissez sur une petite chaise, au théâtre, par exemple, le dos tourné vers la scène. C’est à peu près ce qui est arrivé avec le premier roman. Point de vue structure, ce n’est peut-être pas le plus classique des romans possible, la forme peut être déroutante, mais moi, j’estime avoir écrit un roman qui comprend un conte en vers.
Certes, quand on commence à construire autour d’un conte la vie réelle de l’auteure du conte, on finit par développer toute sorte de contrastes. Car c’est cela, le plaidoyer en faveur de l’imagination : ce qui se passe dans sa vie est une chose, ce qui se passe dans le conte en est une autre, et pourtant il y a des éléments communs. L’auteure du conte fait une déprime après un échec amoureux, elle quitte sa ville, elle n’a plus de maison, plus de famille — alors que dans le conte, ce sont les richesses qui arrivent, les pierres précieuses, des prétendants, une noce se prépare. Comme dans les contes de fées. Pourtant, dans sa propre vie, il n’y a rien de tout cela. Ce serait là le plaidoyer en faveur de l’imagination. C’est pour cela que j’ai eu besoin d’une construction ample, car on ne saurait raconter la vie d’un être humain en toute tranquillité seulement. Pourtant, je voulais que cela se déroule sur des rythmes et des tonalités différentes. »
« Adeb », le premier livre de Veronica D. Niculescu, un volume de prose courte publié en 2004 aux Editions Limes, décroche le Prix de Début de l’Union des écrivains de Roumanie. Ses prochains volumes de prose — « L’Orchestre orange », « Rouge, rouge, velours », « La symphonie animalière » – sont récompensés de nombreux prix et nominations. Veronica D. Niculescu a également écrit deux livres en collaboration avec le poète Emil Brumaru: « Le conte de la princesse Vite-Vite » (publié en 2009) et « Les châtaignes tombent des châtaigniers » (paru en 2014), les deux aux Editions Polirom.
Dans une interview accordée après la publication de son roman « Vers des vallées de jade et de nielle », Veronica D. Niculescu affirmait que le lecteur l’intéresse toujours : « Je rêve d’un lecteur attentif, dédié, qui se réjouisse en découvrant les ponts, les noyaux, les inversions. Qu’il crie de joie, qu’il soupire et qu’il reprenne la lecture depuis le début, qu’il saisisse la façon dont tout est agencé et que cela le rende heureux. S’il y a un seul lecteur de ce genre, je dois écrire pour lui de la façon dont je le fais. Et il existe, il m’a écrit une lettre. »
Veronica D. Niculescu : « Cette affirmation, de souhaiter avoir un lecteur attentif et patient, pourrait être considérée comme une preuve d’orgueil de ma part. Pourtant, je pense que c’est ce que nous souhaitons tous, lorsque nous écrivons un livre et glissons de petites choses. Parce que ça fait plaisir d’écrire en glissant de petits détails censés faire les délices du lecteur. Et quand on a fini de jouer à ce jeu, quand le livre est prêt, on se demande s’il y aura au moins une personne qui aille en profondeur et trouve toutes ces traces, ces détails. Puis, en recevant des messages et des lettres, on constate que les gens ont bien remarqué ces détails qui risquaient, à votre avis, de passer inaperçus. Je pense que pour l’instant tout va bien. »
Veronica D. Niculescu est également une des meilleures traductrices roumaines de langue anglaise. Elle a traduit une partie de l’œuvre de Vladimir Nabokov et de Samuel Beckett, ainsi que des romans de Don DeLillo, Siri Hustvedt, Eowyn Ivey, Lydia Davis, Tracy Chevalier, E. B. White.
Comment ces « rencontres littéraires » ont-elles aidé Veronica D. Niculescu dans son travail de création ? « Ça aide énormément ; c’est à peine maintenant, après de nombreuses traductions, que je peux le dire. Au début, je sentais seulement qu’elles me tuaient, car, dans une première étape, on a la sensation que cela vous tue. Et après, on ressuscite et en ressuscitant, on se retrouve enrichi. On a l’impression que ça vous tue, parce qu’on ne peut jamais écrire durant les périodes pendant lesquelles on traduit. On est dans une autre tonalité, dans une autre musique, dans un autre langage. Pourtant, une fois la traduction terminée — et je parle ici des traductions de grands auteurs — il est impossible de ne pas en sortir enrichi. Evidemment, on s’approprie un langage, une musique, on apprend en approfondissant la structure intime de leur texte. Et cela n’est pas vrai uniquement pour les traducteurs. Toute lecture nous change, nous enrichit et nous sommes faits de tout ce que nous lisons, de la musique que nous écoutons, des pièces de théâtre et des films que nous allons voir. Traduire est une forme intense de lecture et l’on en sort, inévitablement, enrichi. » (trad. : Ligia Mihăiescu, Dominique)