« Clara », un drame social
Un nouveau film roumain vient de sortir dans les salles de cinéma du pays pour s’attaquer à un sujet majeur et nécessaire. « Clara », le long métrage de début du réalisateur Sabin Dorohoi, met au premier plan l’histoire des millions de Roumains obligés à partir à l’étranger pour assurer une vie meilleure à leurs familles. Cinéma et société.
Corina Sabău, 23.11.2024, 10:44
Un film impactant
Un nouveau film roumain impactant et consacré à un sujet majeur et nécessaire, vient de sortir en salles à travers le pays. « Clara », un long-métrage du réalisateur Sabin Dorohoi, s’inspire du vécu des millions de Roumains, partis à l’étranger à la recherche d’une vie meilleure pour leurs familles. C’est pour la première fois qu’un long-métrage roumain aborde le sujet de l’émigration sous l’angle de la problématique sociale représentée par les enfants que les parents laissent en Roumanie et qui sont élevés par les grands-parents ou autres membres de leurs familles respectives.
Le film raconte l’histoire de Clara, une enseignante qui s’occupe de la fillette et de la maison d’une famille en Allemagne, ressemblant ainsi à d’autres millions de femmes roumaines qui travaillent à l’étranger pour nourrir leurs familles restées au pays. Quand son fils, qui vit chez le grand-père, s’enfuit de la maison pour aller la chercher, Clara revient dans son village natal de Roumanie, où elle doit affronter son échec en tant que mère et tenter de récupérer la confiance de son fils.
Sabin Dorohoi : « Le sujet du film est né il y a très longtemps. J’ai eu cette idée en 2012, environ, lorsque l’émigration était très forte et j’avais remarqué qu’elle était en train de gagner aussi dans les régions du nord de la Roumanie. C’était à la même époque que j’avais lu dans la presse une info sur un petit garçon qui s’était suicidé parce que ses parents lui manquaient. Cette info terrible m’a énormément touché et j’ai pensé que ça méritait d’en faire un film. Et c’est comme ça qu’il y a eu le court-métrage « Calea Dunării / La route du Danube », sortie en 2013. Après, j’ai ressenti le besoin de développer l’histoire et ça a mené au scénario du long-métrage, écrit par Ruxandra Ghițescu. »
De nombreux prix
« Clara » a eu sa première projection mondiale au Festival international du film de Cottbus, en 2023, où la production a été récompensée du prix du public. D’autres prix, nominations, chroniques positives et accueils chaleureux s’y sont ensuite ajoutés à des festivals internationaux tels que celui de Kolkata, en Indie, le South East European Film Festival de Los Angeles, l’Internationales Donaufest Ulm/Neu-Ulm, le Ceau Cinema de Timișoara, les Soirées du film roumain à Iasi et le BIFF (Bucharest International Film Festival).
Dan Burlac, un des producteurs du film « Clara », explique : « C’est un film qui exprime un problème important. Mais nous ne nous sommes jamais proposé d’attrister les gens avec l’histoire de Clara ni d’en tirer des larmes. Notre but a été de nous pencher sur un problème important et qui a gagner de l’importance partout dans le monde, pas qu’en Roumanie ou en Europe. La preuve est la réaction du public lors de la projection en Inde, quand un millier de spectateurs ont montré énormément d’empathie, percevant le film comme une expérience personnelle. C’est pourquoi je dis que l’histoire de Clara n’est pas liée à un certain endroit, elle exprime l’histoire de tous ceux qui vivent une situation similaire en Amérique latine, en Europe ou en Inde, et qui sont forcés par un certain contexte de partir loin de chez eux. Je crois que la très grande qualité de ce film découle avant tout de son honnêteté et de son traitement en finesse d’un sujet important. Nous avons voulu provoquer le plus grand nombre de réactions pour trouver des solutions à un problème qui nous concerne tous. Car ce problème de la migration concerne l’ensemble de la société que nous essayons de construire, puisqu’il s’agit de la génération future qui construira la Roumanie. Ce problème nous concerne tous – parents, grands-parents, enfants ; c’est un problème important pour toute la communauté. C’est un sujet qui ne touche pas qu’une seule couche de la société. C’est notre problème à nous tous. »
Un film itinérant
Après la projection de gala à Bucarest, l’équipe du film est allée en tournée à travers le pays, pour participer à des séances de projection spéciales lors desquelles les membres de la production et les acteurs ont répondu aux questions du public. Certaines rencontres ont également bénéficié de la présence d’experts en pédagogie et en psychologie, grâce à un partenariat entre l’équipe du film et l’organisation « Sauvez les enfants », qui soutient le débat sociétal initié par la sortie en salles de « Clara ».
Sabin Dorohoi explique : « Lors de la projection que nous avons eue à Timișoara, j’ai été très ému car j’étais pratiquement revenu chez moi. Vous le savez déjà, la majorité des acteurs est originaire de Timișoara et plus généralement de la région du Banat, à l’exception d’Ovidiu Crișan, le père de Clara et le grand-père d’Ionuț dans le film, qui lui est de Cluj. Lors de la séance de projection à Timișoara, la salle a été comble, ce qui nous a énormément réjouis, tous comme nous ont aussi réjouis les réactions des spectateurs et leurs questions très pertinentes. Mais les questions les plus intéressantes et même les disputes et les débats constructifs, nous les avons eus à Iași. Ce qui n’est pas un hasard, la Moldavie étant la région la plus touchée par l’émigration en Roumanie. Cela a été visible aussi bien dans le grand nombre de spectateurs que dans les échanges très intéressants. »
Ruxandra Ghițescu a écrit le scénario du film « Clara », Lulu de Hillerin en est le directeur de la photographie, les décors sont signés par Anca Miron Sonia Constantinescu, Mircea Lăcătuș a assuré le montage, tandis que la musique a été composée par Eduard Dabrowski. Les principaux personnages sont interprétés par Olga Török (Clara), Ovidiu Crișan (Nicolae), Luca Puia (Ionuț) Elina Leitl (Johanna). (Trad. Ileana Ţăroi)