Bucarest littéraire. Six lectures possibles de la ville.
Le nouveau volume signé Andreea Rasuceanu, « Bucarest littéraire. Six lectures possibles de la ville » est un livre-expérimentation sur les inépuisables relations qui se créent entre la ville et sa projection littéraire, entre la vision de lauteur et celle du lecteur, entre les différents plans intérieurs de la ville et les différentes manières de décrypter le paysage urbain. « Remarquable critique littéraire, Andreea Rasuceanu propose une image de Bucarest résultant de la lecture dune série de romans signés par des auteurs représentatifs pour la littérature roumaine daujourdhui. Les lectures proposées par ce livre constituent une initiative importante qui ouvre la voie dune nouvelle méthode de recherche : la géocritique », affirme lécrivain, critique et historien de la littérature Cornel Ungureanu.
Corina Sabău, 19.08.2017, 13:08
Le nouveau volume signé Andreea Rasuceanu, « Bucarest littéraire. Six lectures possibles de la ville » est un livre-expérimentation sur les inépuisables relations qui se créent entre la ville et sa projection littéraire, entre la vision de lauteur et celle du lecteur, entre les différents plans intérieurs de la ville et les différentes manières de décrypter le paysage urbain. « Remarquable critique littéraire, Andreea Rasuceanu propose une image de Bucarest résultant de la lecture dune série de romans signés par des auteurs représentatifs pour la littérature roumaine daujourdhui. Les lectures proposées par ce livre constituent une initiative importante qui ouvre la voie dune nouvelle méthode de recherche : la géocritique », affirme lécrivain, critique et historien de la littérature Cornel Ungureanu.
La critique littéraire Andreea Rasuceanu explique lidée de son livre: « Ce qui ma intéressée, cétait lidée même de ville. La ville en tant que construction, la ville en tant quobjet fascinant, la ville en tant que notre deuxième corps que nous ne pouvons pas ignorer. Ce fut lidée à la base de notre recherche, cest pourquoi lidée de géographie littéraire ma intéressée dès le début. Et je me suis proposé daccomplir deux objectifs, que jai mentionnés dans lintroduction de ce livre. Dun côté, faire découvrir aux passionnés de littérature contemporaine lobjet détude de ce livre, à savoir la ville, pour quils puissent avoir un autre regard sur Bucarest, par lintermédiaire notamment de ces textes. Par ailleurs, il y a ceux qui sont passionnés uniquement par lhistoire de la ville et par la ville que nous habitons en général, et que je souhaite les introduire aux œuvres de ces écrivains contemporains qui ne sont pas encore des vedettes. Mon but a été de réaliser cette double lecture : une lecture de la ville par le biais de la littérature, ainsi quune randonnée à travers ces villes littéraires ».
« Bucarest littéraire. Six lectures possibles de la ville » parle de limage de la ville telle quelle apparaît dans les œuvres de six écrivains de générations différentes : Mircea Cărtărescu, Gabriela Adameşteanu, Stelian Tănase, Simona Sora, Filip Florian et Ioana Pârvulescu. Dans leurs livres, Bucarest devient un véritable personnage. Chaque chapitre est accompagné dune interview, un témoignage direct qui souligne les similarités et les différences entre la perspective extérieure du critique et la manière dont lauteur vit la relation avec la ville.
Andreea Rasuceanu : « Ce rapport de lécrivain avec lespace quil décrit ma également paru intéressant. Il sagit non seulement de lespace contemporain où lon vit quotidiennement, que lon voit chaque jour, mais aussi de lespace des temps passés. Jai remarqué quil existe dans le cas de Gabriela Adamesteanu une série de descriptions tellement amples de la ville de Bucarest davant 1989, descriptions qui pourraient constituer une matière détude pour les anthropologues, pour ceux qui souhaitent voir comment on vivait à Bucarest dans les années 70 et 80. Ce sont des images très amples, minutieusement reconstruites. Jai découvert dans la prose de Gabriela Adamesteanu une ville très sensorielle, reconstituée à partir de toute sorte de suggestions visuelles, sonores, tactiles. Elle surprend ses personnages branchés au rythme de la ville, à sa vitesse, à ce qui se passe à lextérieur, projetant sur lextérieur les actions de lintérieur. Par ailleurs, le paysage urbain a également un impact important sur la vie intérieure. »
Quand on dit Bucarest littéraire, on dit Mircea Cartarescu. Il a réussi à imposer une certaine image de Bucarest, impossible à confondre, il est probablement lécrivain roumain le plus préoccupé par limage de la ville. Sur tout emblème du Bucarest littéraire devraient figurer dabord les phrases emblématiques de sa prose, des citations sur la ville alter-ego sur la ville corps et sur la ville en tant quespace que lon découvre à laide des sens, une ville des adresses mythiques, affirme Andreea Rasuceanu.
Andreea Rasuceanu : « Jai accordé à Mircea Cartarescu lespace le plus ample du livre, sans que cela soit prémédité. Son roman « Solenoid » est apparu dans un moment où je mapprêtais à mettre fin à mon livre et quelque chose dimprévu est passé. Jai lu le livre et je me suis rendu compte quil complète, quil accomplit limage de Bucarest telle quelle apparait dans son précédent roman Orbitor. Dans le cas de Mircea Cartarescu, le poids quoccupe la ville est le plus important, nous rencontrons la ville la plus spectaculaire, le plus grand nombre dimages de la ville. Cest une ville corps, une sorte de prolongement du corps du narrateur, une constitution anatomique. Lextirpation de tout bâtiment de la ville équivaut à lextirpation dun organe vital. Par ailleurs, une image tout à fait originelle est cette image de la ville alter-ego. Et cest une métaphore extraordinaire, qui ouvre le volume Orbitor, avec le personnage principal, le petit Mircea dans son fameux appartement de lavenue Stefan cel Mare qui voit sa propre réflexion dans la fenêtre, réflexion qui se superpose à limage de la ville. Cest une image que Mircea Cartarescu prolonge dans tout son livre et reprend de différentes manières. Ce qui plus est, la ville est un texte, un texte que le narrateur écrit sur place. »
Les six chapitres du livre réalisent la performance de pousser Bucarest dans « la galerie des grandes villes postmodernes ». Du coup, la ville est décryptable, elle soffre aux lecteurs de cette manière anthropomorphisée, comme si elle était écrite sur un palimpseste, personnage indépendant ou capturé de manière subjective par les expériences des autres personnages », écrivait également la critique Tania Radi sur le livre « Bucarest littéraire. Six lectures possibles de la ville ». (Trad. Alex Diaconescu)