« Anul Nou care n-a fost/ Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé », le film écrit et réalisé par le Roumain Bogdan Mureșanu, est pris en compte pour une nomination aux prix de l’Académie européenne du cinéma, qui récompense les plus importantes productions cinématographiques européennes.
Corina Sabău, 16.11.2024, 15:23
Un film recompensé de prix à travers le monde
« Anul nou care n-a fost » est le premier long-métrage de début roumain à avoir remporté quatre prix au Festival international du film de Venise (dont le prix du meilleur film dans la section Orizzonti, le prix FIPRESCI du meilleur film, attribué par le jury de la Fédération internationale des critiques de film, le prix Bisato d’Oro 2024 du meilleur scénario ; il s’est également situé en tête du box-office durant plusieurs semaines après sa sortie dans les salles obscures de Roumanie, devant d’autres productions importantes. Après la première projection mondiale à La Mostra de Venise, la production a pu être présentée à d’autres événements à travers l’Italie. « Anul Nou care n-a fost » a récemment eu aussi sa première projection aux Etats-Unis et en Allemagne, étant en plus sélectionné par les organisateurs du Festival international de Zürich.
Deux films sur l’époque d’avant 1989
Le long-métrage de fiction « Anul Nou care n-a fost » vient compléter l’histoire racontée dans le court-métrage « Cadoul de Crăciun/Le cadeau de Noël », une des productions roumaines les plus appréciées, présente dans 200 sélections internationales et gagnante de 72 prix. Récompensé du prix du meilleur court-métrage européen, accordé par l’Académie européenne du cinéma en 2019, du prix Gopo du meilleur court-métrage en 2019 et des trophées pour le meilleur court-métrage à Berlin, Clermont-Ferrand, Cottbus et au TIFF, le court-métrage réalisé par Bogdan Mureșanu bénéficie du travail des acteurs Adrian Văncică, Ioana Flora et Luca Toma.
20 décembre 1989
L’histoire du film se déroule le 20 décembre 1989 au soir, peu de temps avant la chute de la dictature de Nicolae Ceausescu lorsque Marius, un enfant de 9 ans, dévoile à ses parents le contenu de la lettre qu’il avait envoyée à « Moș Gerilă/ Grand-père Gel», et les deux adultes comprennent que le texte incluait un message très dangereux pour la sécurité de toute la famille. Bogdan Mureșanu explique pourquoi il a choisi de continuer « Cadoul de Crăciun », en l’intégrant dans le récit à plusieurs volets de « Anul Nou care n-a fost » : « J’ai toujours eu le sentiment que ce court-métrage n’était qu’un fragment d’un récit plus complexe. Il y a six ans, quand je tournais avec Adrian Văncică, on pensait, tous les deux, que l’histoire faisait partie d’une narration plus longue, et puis de toute façon, moi, j’avais un tas d’histoires dans ma tête. Le projet « Anul Nou care n-a fost » n’a pas commencé avec « Cadoul de Crăciun », mais avec l’histoire de la démolition du Quartier Uranus. Je voulais réaliser un long-métrage sur cette démolition décidée par Nicolae Ceaușescu dans les années 1980, un projet que j’ai toujours remis à plus tard parce que je ne savais pas comment le filmer ; de toute évidence, Bucarest a énormément changé depuis ces temps-là et il était très difficile de trouver des lieux de tournage. Concernant « Cadoul de Crăciun », j’ai filmé cette petite histoire plutôt pour tester les réactions des autres et j’ai été très surpris par le succès de public, car, à mes yeux, il n’était qu’un fragment de quelque chose de plus ample. Après avoir écrit le scénario, il m’a fallu du temps pour arriver à ce type de narration à volets multiples, dans laquelle les personnages se croisent sans que leur rencontre produise des effets. Un critique de cinéma a dit que les personnages étaient des îles qui pourraient former un archipel. Ensuite, puisque je débutais tellement tardivement dans la réalisation de long-métrage, j’ai voulu compliquer un peu plus la production et les deux années de pandémie m’ont donné le temps de le faire. J’ai eu tout un chantier dans ma tête pendant presqu’une année entière, j’ai écrit deux scénarios complètement différents, deux films en fait, et j’ai fini par choisir celui-ci. L’écriture a peut-être un parfum légèrement américain, mais elle me semble suffisamment contemporaine, vu le succès auprès du public et de la critique. »
Une maison démolie
Dans le film « Anul Nou care n-a fost », l’actrice Emilia Dobrin, connue pour avoir interprété une trentaine de rôles dans des productions de cinéma et de télévision roumaines, prête son visage à Margareta Dincă, un des personnages principaux du long-métrage. La maison de Margareta Dincă, qui se trouve dans le quartier Uranus de Bucarest, sera démolie pour laisser la place à des immeubles à étages, les fameux blocs. C’est une des dernières maisons pavillonnaires encore debout et Margareta, sa propriétaire, doit l’abandonner peu avant la Révolution de décembre 1989.
Une époque marquée par la souffrance
Emilia Dobrin, qui est également une actrice de théâtre très appréciée, a parlé sur RRI de sa collaboration avec le réalisateur Bogdan Mureșanu et du rôle qu’elle joue dans « Anul Nou care n-a fost » : « Ma rencontre avec le réalisateur Bogdan Mureșan a été extraordinaire, la connexion entre nous a été immédiate, une très belle compatibilité et c’est comme ça que j’ai fini par interpréter cet émouvant personnage du film. Pour moi, l’époque abordée dans le film n’a rien perdu de sa charge de souffrance, elle est très douloureuse. Mon frère et moi avons été très marqués par les injustices que nous avons vécues pendant le régime communiste. Nous étions originaires de la petite bourgade de Vălenii de Munte et on nous a supprimé les bourses d’études et les places dans les foyers d’étudiants à cause de notre origine sociale malsaine, – comme on disait à l’époque. Or, nos parents n’avaient pas les moyens de nous aider, car les temps étaient très rudes. Mon frère et moi avons été très marqués par cette injustice, que nous n’avons pas oubliée. Je ne veux me vanter, mais j’ai refusé d’adhérer à l’Union de la Jeunesse communiste et d’entrer dans ce système de yes men, comme j’appelais les adhérents du parti de l’époque. »
Adrian Văncică, Iulian Postelnicu, Mihai Călin, Nicoleta Hâncu, Andrei Miercure, Manuela Hărăbor, Ioana Flora et Ada Galeş font également partie de la distribution du film « Anul Nou care n-a fost ». (Trad. Ileana Ţăroi)