60 ans de Comédie
Ion Puican, 06.02.2021, 13:30
Le Théâtre de comédie de Bucarest a fêté son
60e anniversaire en ce début janvier. Il y a 60 ans, le 5 janvier
1961, le théâtre nouvellement créé en plein cœur de Bucarest ouvrait ses portes
pour la première de son tout premier spectacle : « Le Célèbre
702 », mis en scène par le réputé Moni Ghelerter (metteur en scène et
professeur de théâtre à l’Université d’art théâtral et cinématographique de
Bucarest). La pièce était écrite par un dramaturge en pleine ascension à
l’époque, Alexandru Mirodan, sur un sujet d’actualité, celui du gangster américain
Caryl Chessman. Le spectacle a été encensé par le public, comme par la presse.
Le poète et journaliste Tudor Arghezi écrivait dans la gazette
« Contemporanul » / « Le Contemporain » : « Ce
n’est pas seulement un théâtre que nous ouvrons, mais aussi, si vous permettez,
une université de l’humour et de la joie ».
La Comédie de Bucarest a produit nombre de
spectacles qui ont marqué l’histoire du théâtre roumain. Peu après son
ouverture, « Le Bourgeois gentilhomme » de Molière, avec le
mythique Grigore Vasiliu Birlic dans le rôle principal, créé en 1962 ; « L’Ombre »
de Evgueni Schwarz, mis en scène par David Esrig en 1963 ; le célèbre
« Rhinocéros » en 1964, que son auteur même, Eugène Ionesco, a
applaudi sur la scène du Théâtre des Nations de Paris. Et jusqu’aux productions
plus récentes, comme « Le Régisseur » de Tourgueniev mis en scène par
HorațiuMălăeleou « L’Appartement de Zoïka » de Boulgakov, qui a valu à
George Mihăițăle PrixUNITER (l’équivalent roumain des Molières) du meilleur
acteur en 2010.
Début 2021, l’acte théâtral et culturel a été
fêté en ligne par laComédie de Bucarest. L’occasion de rassembler spectateurs,
amis et gens de théâtre, que nous avons évoquée avec le directeur de
l’institution, le comédien et acteur George Mihăiță : « Disons
que nous avons marqué cet anniversaire, malheureusement en ligne. Sur notre
page Facebook et sur Instagram nous avons fait un retour sur l’histoire du Théâtre
de comédie. Tous les acteurs y ont pris part. Nous avons commencé avec un
discours du manager du théâtre, pour ne pas le nommer. Ensuite, on a publié un
documentaire sur la création du Théâtre de comédie, Comedia Remix, un projet
réalisé par Cristina Modreanu et Maria Drăghici. Tout au long de la journée, les
comédiens sont partagé leurs souvenirs liées au Théâtre – les plus anciens ou
les plus amusants. Nous avons évoqué le premier spectacle monté ici, « Le
Célèbre 702 », avec Radu Beligan dans le rôle principal. La fille de
l’acteur, Lamia Beligan, a raconté ses souvenirs de l’époque dans un
enregistrement. On a aussi mentionné notre dernière production, « Dehors,
loin, dans le champ » de Cătălin Ștefănescu, mis en scène par Alexandru
Dabija. On a aussi eu quelques lectures-spectacles avec les textes gagnants de
notre concours de comédie roumaine des cinq dernières années – dont une partie
ont été filmées. Nous avons aussi publié des séquences de nos anniversaires
passés et les vœux que nous ont adressés différentes personnalités de Roumanie.
Enfin, il y a ce projet avec le Musée de la littérature roumaine, où on
revisite les textes de grands dramaturges roumains. Nous avons commencé par
George Ciprian et nous continuerons les mois à venir avec Mazilu, Mușatescu, Băieșu. »
Tout cela peut
être vu et revu sur la page Facebook du Théâtre de comédie, dans une sorte
de théâtre virtuel, caractéristique de la période compliquée que traverse
en ce moment la culture. Mais regardons à présent vers
l’avenir de la Comédie de Bucarest. Quels sont les projets du théâtre pour
2021, qu’ils soient en ligne ou bien sur les planches? George Mihăiță : « En
novembre, nous avons lancé un atelier de création avec nos comédiens, dirigé
par Vlad Massaci, à partir de textes moins connus de Tchékhov. Nous espérons
pouvoir continuer à jouer un spectacle de février dernier, « Ainsi va
l’carnaval » de Caragiale, qui réunit beaucoup de jeunes acteurs et qui
était bien parti. Tudor Chirilă prépare à présent un One Man Show. Le comédien
Mihai Bendeac et le metteur en scène Vlad Massaci ont eux aussi plusieurs
spectacles en tête. Nous pensons qu’il y aura surement peu de financement dans
la période à venir, alors nous envisageons des projets de moindre envergure
avec nos artistes. Et, comme nous n’avons pas le choix, il faut continuer à
investir l’environnement en ligne, comme nous l’avons fait au printemps
dernier. Mes collègues, surtout les plus jeunes d’entre eux, sont tristes de ne
pas jouer. Nous, comédiens, existons à travers la scène, alors c’est très
délicat, très difficile. Nous invitons ceux qui nous écoutent de venir au
théâtre, quand cela sera possible. C’est une chose de se voir en vrai et une
autre de tenir des monologues, comme à la Radio. Mais faute d’autre chose,
c’est bien de pouvoir se voir de cette manière aussi. Au moins on garde le
contact. »
Fin janvier, certaines restrictions ont été
levées à Bucarest, permettant aux théâtres d’accueillir un tiers de leur public
dans les salles. Début février, la Comédie joue à guichet fermé ses premiers spectacles
après une longue pause. Signe que le théâtre est tout aussi nécessaire aux comédiens
qu’aux spectateurs. (Trad. Elena Diaconu)