100 ans de dadaïsme
ARCUB – le Centre culturel de la municipalité de Bucarest, situé rue Gabroveni, dans le centre historique de la capitale roumaine, accueille une exposition consacrée au centenaire du mouvement Dada. Intitulée TZARA.DADA.ETC et réalisée par Erwin Kessler, elle comporte des ouvrages puisés dans la collection de la famille Emilian Radu. Cette rétrospective des créations et des publications de Tristan Tzara, la plus ample jamais organisée en Roumanie, est également la première exposition à l’échelle internationale à présenter une bonne partie des éditions princeps des recueils de poésies de Tzara.
Corina Sabău, 05.03.2016, 13:20
ARCUB – le Centre culturel de la municipalité de Bucarest, situé rue Gabroveni, dans le centre historique de la capitale roumaine, accueille une exposition consacrée au centenaire du mouvement Dada. Intitulée TZARA.DADA.ETC et réalisée par Erwin Kessler, elle comporte des ouvrages puisés dans la collection de la famille Emilian Radu. Cette rétrospective des créations et des publications de Tristan Tzara, la plus ample jamais organisée en Roumanie, est également la première exposition à l’échelle internationale à présenter une bonne partie des éditions princeps des recueils de poésies de Tzara.
L’événement marque aussi l’inauguration du Cabaret Voltaire et la naissance du mouvement Dada à Zurich, le 5 février 1916. Parmi les textes dadaïstes les plus connus signés par Tristan Tzara, il convient de mentionner « La première aventure céleste de monsieur Antipyrine » (1916), « Vingt-cinq poèmes » (1918), ainsi que les manifestes du mouvement, intitulés « Sept manifestes Dada » (1924). Les ouvrages de la maturité commencent par « L’homme approximatif (1931) et continuent avec « Parler seul » (1950); et « La face intérieure » (1953).
Erwin Kessler, commissaire de l’exposition TZARA.DADA.ETC.: « Ce n’est pas peu de chose qu’un jeune homme, parti de Bucarest en novembre 1915, ait vite fait de surgir sur la scène international de l’art, plus précisément le 5 février 1916. C’est là l’idée maîtresse de l’exposition, à savoir le fait que le dadaïsme a été le fruit d’une inspiration fulgurante. Début 1916, emportés par un élan créateur extraordinaire, Tristan Tzara, Marcel Iancu et Arthur Segal, tous les trois originaires de Roumanie, allaient jeter les bases du dadaïsme. L’exposition accueillie par ARCUB présente une centaine d’objets appartenant à Emilian Radu, un collectionneur bucarestois qui, depuis plusieurs années déjà, mène un travail minutieux et fort coûteux consistant à rassembler des objets témoignant de la vie de Tristan Tzara et du mouvement dada. Certains d’entre eux sont uniques et n’ont jamais été exposés, malgré leur importance. C’est le cas par exemple d’une lettre de Tristan Tzara adressée à André Breton, en juillet 1919. Dans cette lettre, écrite sur une page déchirée de son premier livre, Vingt-cinq poèmes, il est question des arrangements nécessaires pour que le poète qui venait de Zurich emménage à Paris. »
Parvenu au sommet de sa gloire, Tristan Tzara décide de se retirer de la vie publique. Voici ce qu’il déclarait dans une interview accordée à son ami roumain Ilarie Voronca, journaliste à la revue d’avant-garde « Intégral »: «J’écris pour découvrir des gens. J’ai découvert des gens, mais ils m’ont déçu au point de faire complètement disparaître de mes préoccupations cette raison d’écrire, qui s’est volatilisée comme la brume. Le fait que l’objet de ma désillusion persiste encore ne fait qu’accroître ma tristesse. J’ai finalement réalisé que l’écriture était pour les autres sinon un tremplin social, du moins le moyen de se faire des relations, lesquelles pourraient un jour leur ouvrir la porte d’une Académie, ce dont je n’ai jamais eu cure. Je continue à écrire pour moi-même, et n’ayant pas trouvé d’autres personnes, je me cherche constamment. Contrairement aux rumeurs fausses, selon lesquelles Dada serait mort par la démission de plusieurs individus, c’est moi-même qui ai tué Dada, de manière volontaire, car j’ai considéré qu’un état de liberté individuelle était devenu en fin de compte un état collectif et que ses différents «présidents» commençaient à sentir et à penser de la même manière. Or, je ne trouve rien de plus antipathique que la paresse cérébrale qui annihile les mouvements individuels, approchant la folie et contrevenant à l’intérêt général ».
Erwin Kessler, le créateur de l’exposition Tzara.Dada.Etc explique ces propos: «Effectivement, il a été extrêmement déçu. A propos de cette déception, je voudrais mentionner une autre lettre extraordinaire de cette collection et donc de notre exposition, un texte adressé par Tristan Tzara à un pauvre bureaucrate d’un bureau français de presse qui était en train de réunir des documents sur le dadaïsme. Lorsqu’en 1928, le fonctionnaire en question lui envoie un dossier sur Dada, Tristan Tzara lui répond avec beaucoup de tristesse qu’il ne veut plus rien recevoir sur le dadaïsme, à l’exception des documents portant sur lui-même. A cause de cette déception, il s’était séparé du dadaïsme. Parce que le dadaïsme était une entreprise de relations, de communication, de publications, une entreprise sociale et politique unique en fait. Et c’est au cours de cette entreprise, c’est en la suivant, que j’ai découvert Tristan Tzara. Je travaille sur ce sujet depuis 5 ou 6 ans, je fais des recherches, je lis sur Tristan Tzara. J’ai publié plusieurs textes sur lui, y compris aux Etats Unis, notamment sur sa capacité de créer à partir de zéro un courant d’une ampleur extraordinaire. Et pour cause : à l’heure actuelle le néo-dadaïsme est un des courants qui contribue à l’art contemporain».
Ouverte à Bucarest jusqu’à la fin avril, l’exposition Tzara.Dada.Etc réunit des oeuvres graphiques originales signées par des avant-gardistes célèbres tels qu’André Breton, Pablo Picasso, Henri Matisse, Joan Miró, Sonia Delaunay, Max Ernst, Alberto Giacometti, Yves Tanguy, Jean Arp et Marcel Iancu. S’y ajoutent livres d’artiste et publications avant-gardistes historiques, affiches de manifestations dadaïstes de l’entre-deux-guerres, ainsi qu’une collection impressionnante de photographies d’époque représentant Tristan Tzara dans toutes les étapes de sa vie. Notons pour terminer que cette exposition fait partie des événements consacrés à la candidature de Bucarest au titre de Capitale européenne de la culture 2021, une démarche initiée et coordonnée par le centre culturel de la Municipalité de la capitale, ARCUB. (Trad. Mariana Tudose, Valentina Beleavski)